Je suis comme en naufrage, cherchant où me raccrocher, sans aucun horizon. J'ai très bien tenu jusqu'ici parce que j'avais tout de même le contrôle. Mais là j'ai l'impression de le perdre complètement.
Tout de même, il n'est pas question que j'abdique sur ma propre vie. Mais que l'enfer parfois est proche du paradis !
Lui et moi ça faisait presque un mois qu'on ne se voyait plus, que je l'avais quitté. Et puis ce vendredi matin, sur la rue qui mène à mon bureau, je suis tombée nez à nez avec lui. Il n'était pas là par hasard.
J'ai su après qu'il m'avait guettée un peu partout, passant devant chez moi pour voir si j'y étais, se cachant pour m'apercevoir à l'arrêt d'autobus... Ce matin là il s'était posté dans un petit café mais je suis arrivée en retard. Croyant que j'étais déjà passée il est reparti et c'est là qu'on s'est rencontré.
L'émotion était palpable, et comme toujours dans ces moments j'ai trop parlé et lui n'a rien dit. Tout ça a dû se passer en cinq minutes. Il avait les yeux humides et j'ai rejoint le bureau les yeux pleins d'eau. J'ai bien dû mettre une heure à passer par-dessus.
Et puis à 11H30 il a appelé pour me justifier son silence en parlant de la surprise de la rencontre et de son émotivité trop proche... Nous avons parlé 1/2 heure et je l'ai laissé sans lui donner l'occasion de placer la posibilité de se revoir.
À l'heure où je finis de travailler il a rappelé une autre fois. Sans même s'annoncer, il a parlé avec enthousiasme : "Tout me crie ... (mon prénom et mon nom). Je ne pense qu'à toi..." et d'autres choses dans ce genre. La surprise passée j'ai fondu et nous avons décidé de nous revoir le soir même.
Le lundi suivant (celui-ci), j'avais rendez-vous à l'école de ma fille pour la réunion de la rentrée. Assise bien sagement à sa place en classe, j'écoutais l'institutrice nous donner les grandes lignes quand j'ai cru l'apercevoir de l'autre côté de la porte. Mon coeur a fait un bond mais je me suis convaincue en 10 secondes que je m'étais trompée : je ne lui avais absolument pas parlé de cette réunion. C'était tout bonnement impossible !
Mais c'était bien lui. Appelant chez moi il ne m'y avait pas trouvée, avait imaginé, étant donnée la rentrée, qu'il pouvait y avoir une réunion, était passé devant l'école, avait vu les voitures et compris qu'il avait deviné juste, m'avait ensuite cherchée dans chaque classe...
Il s'est assis à côté de moi jusqu'à la fin et ma main tremblait dans la sienne. Le paradis...
Mais hier nous avons parlé et je me suis fait mal en ne réussissant pas à lui faire dire qu'il voulait arranger les choses. Il refuse tout autant, d'ailleurs, de dire qu'il ne la quittera jamais. Il se contente de dire, toujours, qu'il ne sait pas ; qu'il ne sait pa s'il en trouvera un jour la force. Et il me parle de son amour à elle, tellement fort, me raconte qu'elle lui dit sans arrêt qu'elle l'aime, qu'il est l'homme de sa vie, qu'il ne faudrait pas qu'il la quitte...
Il devait me quitter pour aller à la réunion d'école de son fils à elle...
J'ai vu s'écrouler mon dernier rempart quand je lui ai dit qu'il serait peut-être tout à fait capable de vivre 20 ans, tout le reste de sa vie avec elle, sans même l'aimer, pour ne choquer personne, et de prendre sur lui jusqu'au bout, de renoncer à être heureux, c'était une provocation, et qu'il m'a répondu : "Je ne serais pas le premier".
De colère, j'ai claqué la porte de la voiture et suis montée sans un mot de plus à mon appartement. Il était 6H et pendant 2H j'ai pleuré tout ce que je pouvais, prostrée par terre, convaincue que je ne pourrais jamais aller plus loin et qu'il fallait qu'on arrête tout. J'ai avalé un verre de cognac mais ça ne m'a même pas fait de bien.
Tout à coup il m'est venu une idée que j'ai trouvée osée mais lumineuse. J'ai décidé d'aller jusque chez lui et de m'asseoir en face de sa maison, toute la nuit s'il le fallait (je n'avais pas ma fille) pour le forcer à réagir ; quitte à ce qu'il finisse par venir me dire lui-même qu'on devait tout arrêter là et ne plus se voir. L'idée me plaisait parce que je me disais qu'elle ne m'avait jamais vue et ne pourrait pas savoir ; que la tension serait sur lui seulement et qu'il lui appartenait de me laisser toute la nuit assise là plutôt que de redresser les épaules.
Je n'ai pas de voiture ; j'ai marché une heure jusque chez lui. Je suis arrivée ves 21H15 et pendant presque une heure j'ai vu sa conjointe bouger dans la cuisine entre la vaisselle et la table. Elle avait l'air si paisible ! Et moi, assise en face, je pleurais en me disant qu'il ne me verrait même pas et que j'agissais comme une enfant stupide, que je repartirais comme j'étais venue avec mon secret.
Mais sa fille de 15 ans est rentrée et il est ressorti avec elle pour la raccompagner chez sa mère. Je les ai vus monter en voiture, songeant qu'il allait passer sans me voir.
Mais c'est elle qui m'a vue. Je la connais un peu. Elle avait peut-être des doutes sur ce qui pouvait exister entre son père et moi, mais là... Il a arrêté la voiture, m'a dit de monter.
Tout le long du trajet il a gardé ma main dans la sienne. Mais après avoir raccompagné sa fille il s'est mis à me traîter comme une malade : chercher chez qui je pourrais bien passer la nuit (j'ai refusé l'idée), monter finalement jusque chez moi, tenter de me mettre au lit...
Mon dieu Belette, je te fais ici des confidences que je ne peux faire à personne. Moi, si fière, réduite à cette attitude ! J'avais honte de moi et tout à la fois tout le contrôle m'échappait. Je voulais fîèrement me camper dans mon rôle de femme forte et décidée et je me suis retrouvée dans celui, pitoyable, d'une groupie délaissée.
Lui, en face, disait qu'il ne portait aucun jugement sur mon attitude, que la sienne avait été semblable, que sa réaction était même celle d'un homme amoureux, qu'il souffrait de me voir dans cet état. Mais il est vite rentré auprès d'elle sans même songer à réviser sa position.
Et moi je ne sais plus rien.
De quelque côté que je me tourne la souffrance est indicible et insupportable.
Comment fais-tu Belette ? Comment fait-on ? T'accroches-tu toujours ? Depuis combien de temps ?
Voilà presque 24H que je n'ai rien mangé. Et la faim ne m'effleure même pas. Pourtant voilà un an que je vis cette deuxième place.
Cette souffrance intense il en a les rênes. Et il dit m'aimer mais me laisse m'y noyer. Quelle sorte d'amour est-ce donc ?