Chère toto, je comprends certes tes doutes, mais ils me font mal parce que le peu que j’ai tenté de dire à mes grands parents paternels, c’est cette réaction qu’ils ont eue « tu as mal interprété, tu exagères, etc » alors je me suis tue et devant eux je reste une petite fille sage, je retourne les voir de temps à autre et j’en crève de les écouter me donner des leçons sur la vie « instable » que j’ai mené depuis la séparation d’avec mes parents.
Ce que vous ne comprenez pas, c’est que je vous résume 20 ans d’une vie et que ce n’est pas des faits journaliers, mais plutôt de la suspension, entre deux crises de mon père, entre deux colères, entre ses violences, les merveilleuses plages de calme, mais impossible de s’y fier, sachant que ces plages seraient largement payées.
Oui je suis en colère de voir que cela ne sert à rien que mon père est tout puissant qu’il a si bien mené son jeu, son mensonge que même moi je doute de mes souvenirs, de ce que j’ai vécu, et que personne, personne sauf ceux qui ont vu ma souffrance, qui ont tenté de m’aider, peuvent connaître, en partie.
Mon identité, ce serait aussi révéler celle de mes parents, ce serait courir le risque qu’un de mes frères tombe là dessus car ils sont passionnés d’ordinateur, pas de psychologie, de plus ma mère est connue, et je ne veux pas lui faire courir le moiindre risque, mon petit frère il y a deux ans me l’a bien fait comprendre et je n’oublierai pas la leçon. Que croyez-vous donc ? Ma famille n’a de contact avec quasiment personne et sa façade est d’un lisse que vous ne pouvez pas imaginer, moi j’ai vu les visages de mon père, son charisme en société, sa gentillesse et son affabilité, personne ne croira jamais ce que je dis, et moi je suis cantonnée dans le rôle d’une fille hypersensible, un peu folle, exaltée sans doute, mais après tout, je suis une littéraire, je dois avoir plus d’imagination que mon père ne l’imaginait. Je vous provoque mais vous l’avez cherché, j’ai de la peine, j’en ai assez et là tout de suite, faire la part des choses m’est difficile.
Le Net, pour moi, c’est une chance de parler, et dans l’anonymat pour surtout ne pas faire de mal à des gens qui ne sont pas responsables, qui ont assez souffert et qui doivent souffrir dans leur conscience. Je suis sûre que ma mère souffre et ne sait pas quoi faire, qu’elle n’a jamais su. Je préfère même croire cela car il est impossible avec l’amour qu’elle a reçu de ses parents qu’elle ait pu consciemment fermer les yeux . Ce n’est pas pour rien qu’elle s’épuise dans le travail comme moi-même je l’ai fait : pour échapper aux souvenirs, tenter de ne pas penser, ne pas se coucher pour ne surtout pas manquer le contrôle de la nuit.
Pour mon père, même avec ma psy, j’ai toujours été ferme sur ce sujet : la pédophilie ou l’homosexualité, je n’ai aucun souvenir et je ne veux pas en parler avec elle. Je ne veux pas de ça en plus, mais ces deux sœurs ne se sont pas gênées, alors même qu’en public elles ne diraient pas un mot sur leur frère, pour me faire ces révélations et me laisser me débrouiller avec.
Cette famille est peut-être folle, je le suis peut-être, qu’importe ????? Je ne crois plus être folle, je l’ai cru des années, vraiment cru, c’était plus simple de me le dire, c’est plus simple pour ma famille de dire cela (comme de dire qu’une de mes cousines qui a fait elle-même des TS ou une de mes tantes qui en a fait quelques unes aussi, sont des folles. C’est d’une simplicité, au moins les choses sont CLAIRES, et tant pis pour la personne qui souffre, tant pis pour celle qui pose des questions sans oser avouer à ses grands-parents que leurs petits enfants ont été battus, enfermés, harcelés moralement, mis en quarantaine,
Mais j’arrête, même Zola (qui m’exaspérait par son misérabilisme outrancier, mais la misère, ça outre toujours, non ?) il ne fait pas dans le sordide à ce point.
Je ne demande à personne de venir me voir, ce que je voulais c’est être crue, je voulais m’exprimer, je voulais parler.
Je n’ai aucun talent particulier pour écrire et ça m’énerve prodigieusement de lire cela ici, je ne suis pas là pour faire un exercice de style, comprenez-moi, ou laissez-moi ?
Vous savez, tu sais, Toto, relis les passages où je parle de ces moments où je crois possible de tenir le bon bout, que ça y est je m’en sors.
Tant que personne ne croira vraiment ce que je dis, comment MOI puis-je me croire ???
Je laisse tomber pour ce soir, car je suis plus peinée, lassée, qu’autre chose. Oui je peux comprendre les doutes mais dites-moi : quel serait mon objectif ? Oui je peux comprendre que cela fasse peur, et dérange, ou que cela paraisse incroyable.
Je salue ton honnêteté, Toto. Je suis anonyme et je le reste. Peut-être puisque nous sommes correspondantes par mail (et tu es ma seule correspondante de ce site) te donnerai-je mon nom, mais comment savoir si oui ou non tu connais ma famille ? La France, c’est grand, je le sais, mais moi je me suis donné pour règle de ne pas faire ce qu’a fait mon ex-fiancé, je n’ai pas parlé de cela en dehors d’un cabinet de psy, de l’HP, et de ceux qui m’ont parlé dans ma famille. Mon petit ami actuel est au courant, et il me croit, pour moi cela devrait être l’essentiel, sans doute. Mais c’est justement avec difficulté que je crois en lui, ou en son amour, je survis, je ne vis pas, j’ai peur tout le temps des autres, mais paradoxalement j’ai besoin de parler à présent, et vraiment le moyen Internet a été pour moi une bénédiction. Car si un de mes frères tombait sur cette histoire ou un ami de ma mère, un collègue de travail, personne ne pourrait m’accuser en personne, j’ai la PAIX de ce point de vue là.
Moi, ce qui m’a écoeurée, lors de ma TS qui a donné lieu à un internement, c’est que mon père, lui, soit libre, et je me suis révoltée contre cette injustice . Pourquoi lui n’avait-il eu pour toute inquiétude une injonction à démissionner et moi qui n’avais fait du mal qu’à MOI, devais-je me retrouver là ?????
Comment toute une famille (aussi bien maternelle que paternelle) qui a des doutes, voit l’état de terreur des enfants (ce ne sont pas mes mots mais encore ce qu’on m’a répété, car il y a toujours de bonnes âmes pour redire les choses, mais refuser de parler en public) peut-elle tourner le dos, renoncer ???
C’est fort simple : il suffit de voir comme il est facile d’attaquer quelqu’un dans une rue, ou même une jeune femme se faire agresser devant un public qui détourne les yeux. On ne PREND PAS DE RISQUES, (si ça se trouve, même, ne l’a-t-elle pas cherché ?) les gens ont des tas de bonnes raisons pour détourner les yeux. Très peu pour défendre.
Je le sais car je me suis souvent posé la question : et moi, si j’étais témoin, comment réagirais-je ? Si j’avais vécu sous les nazis, qu’aurais-je été ???
Aucune histoire n’est banale mais à notre époque ce GENRE d’histoire est banal. Et à présent les victimes qui osent parler doivent se justifier de leur propre histoire. Mais bon sang, laissez-nous le bénéfice du doute, gardez les vôtres même si ça vous fait MAL, ça ne fera jamais autant mal que cette histoire BANALE.
Oui, vraiment j’admire ta franchise, mais qu’est-il plus facile d’être : soupçonneux ou soucieux d’aider ? J’ai suffisamment de doutes en moi, je doute de tout et avant tout de moi-même, alors, comment pourrais-je vous en vouloir d’avoir des doutes ?
Oui, vraiment, il est plus facile de fermer les yeux et de ne pas y croire (souvenez-vous des camps de concentration, qui choisissait de croire que c’étaient de simples camps communs de prisonniers, ou qui acceptait d’en chercher la vérité ? Tu as dû lire Elie Wiesel, Toto, je ne sais plus dans quel livre il parle du long aveuglement des juifs eux-mêmes quant aux ghettos, c’est le principe même de la lettre volée, elle est là sous vos yeux mais vous refusez de l a voir.)
Je n’ai pas de sang juif, simplement c’est ce qui me vient à l’esprit en ce moment.
Oui les psys ont ce genre de réaction, parce que ce sont souvent des gens dans une souffrance terrible qui viennent à eux et à la longue, s’ils ne sont que des machines, tout cela devient banal, plus rien ne les étonne et je ne peux même pas dire qu’ils encouragent le délire et l’amplification, au contraire, ceux auxquels j’ai eu affaire atténuent tout, restons dans les normes, dans l’Œdipe, dans ce qui est bien défini, et POSSIBLE dans le cadre de leur savoir, de leurs études, de leurs cas, que sais-je.
En revanche vous m’avez donné l’idée d’aller consulter un thérapeute cognitif car je ne peux continuer de penser de moi les horreurs que je pense (car là encore, parler fait de moi une fille indigne, coupable, mauvaise, traître) je ne peux pas continuer à me voir avec ces yeux là, qui ne sont pas les miens. Deux ans que je vois divers psy, un an avec celle de maintenant et mon opinion sur moi-même ne diverge pas. Alors je sais le pourquoi, il faut trouver le COMMENT résoudre le problème.
Tout en continuant de voir ma psy. Cela dit je ne l’ai pas vue depuis trois semaines et je pense avoir avancé sur Internet plus qu’avec elle. Elle me dira sans doute que c’est la conséquence de cette année d’entretiens hebdomadaires.
Excusez-moi dene pas vous avoir ménagés en vous racontant ma vie, mais ne perdez pas de vue que ce sont 20 ans que je vous raconte, en concentré. Il est certain que ça fait beaucoup d’un coup. Mais c’est bien ma vie, et ce n’est qu’une partie. Dans ces années je peux vous dire que j’ai eu des joies aussi car les moments heureux sont des cadeaux précieux : les vacances chez ma grand-mère maternelle, l’école, oui, l’école, le lycée, ces heures de libération, loin de la maison. Et plus tard, le travail, et enfin, la liberté. Mais cela, ce n’était pas le sujet de mon intervention sur le forum, et j’aurais peut-être dû le faire.
Mais ces moments de liberté ont été chèrement payé et pour moi être heureuse signifie « tu vas payer pour ça, tu seras punie ».
Une tournure de pensée torturée, certes.
Je vous laisse et vous remercie.
Mais, non, Toto, je ne t'en tiens pas rigueur, je comprends je ne peux que comprendre.