JE L'AIMAIS

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Comme je te comprends...

#13 Posté le par DCF__1348

Moi aussi tout le monde m'a dit ça de son vivant, et continue de me le dire depuis sa mort.
D'un côté tu as raison, ça ne signifie rien...
et pourtant... Je ne sais pas si c'est qu'ils ont voulu NOUS préserver de souffrir (totalement inefficace, si c'était le but de ce repli), ou SE préserver de nous voir souffrir "à cause d'eux".
Sans doute un peu des deux. Je pense que quand on est très malade, on devient un peu égoïste, c'est normal, il faut penser à soi avant tout puisque on est soi-même en danger.
Mon ami non plus ne savait pas qu'il allait mourir, quand il s'est replié sur lui-même ce n'était pas parce-qu'il pressentait qu'il allait mourir, je crois que c'était plutôt parce-qu'il se sentait faible, pas à la hauteur, il voyait son état se détériorer et en effet, il avait peur de "faire pitié". Il était réellement comme un animal blessé, en position de faiblesse, qui se cache pour ne pas être attaqué. Les animaux aussi se cachent pour mourir.

Moi non plus sur le coup je ne l'ai pas compris, j'avais envie de le lui faire dire, qu'il me le dise pour que je puisse lui répondre, "mais non, tu es fou, je n'aurai jamais pitié de toi, je t'aime !". Mais il ne disait rien, il me faisait juste sentir que ma présence ne l'aidait pas.

Je pense que même si l'idée ne nous a jamais traversé l'esprit, c'est normal qu'ils y aient pensé. Quand on est à l'hôpital, en "position d'infériortité", cloué dans son lit, et plus ou moins dépendant de l'aide des infirmières etc. c'est normal de se sentir mal à l'aise.
Je pense que moi aussi, si je me sentais mal en point, je n'aimerais pas trop que celui que j'aime vienne me voir moche et fatiguée, de peur qu'il me trouve moche et fatiguée... qu'il ait pitié, oui on peut le dire comme ça.
De peur de descendre du piédestal.

Je crois simplement que je l'aurais dit autrement, que j'aurais été plus diplomatique pour lui faire comprendre... mais peut-être que je me trompe, que c'est très difficile de dire "je me sens mal donc ne viens pas".
Moi aussi il m'a dit ça à la fin, et c'était horrible : justement, s'il se sentait mal, je voulais être avec lui, l'aider, je ne pouvais pas le laisser seul au pire moment... et pourtant. C'était sa volonté, j'ai compris maintenant pourquoi.

Alors qu'ils aient voulu nous préserver de les voir ainsi, évidemment que c'est une connerie, ça ne nous aurait pas fait tant de mal de les voir mal en point.. mais ils avaient peur je pense que notre image d'eux se corrompe, qu'on ne les voie plus avec amour mais avec compassion, pitié ?

Quelque part, c'est presque une preuve d'amour, en tout cas, ils n'ont pas voulu que ça dégénère, que ça devienne moins beau. Et nous, on a payé pour ça.

Tu sais, il paraît que c'est très fréquent, que les malades refusent les visites des plus proches (surtout ceux qui ont beaucoup d'orgueil comme E.), mon père par exemple qui était le "chouchou" de son entraîneur, est allé le voir alors qu'il lui avait demandé de ne pas venir, il était atteint d'une leucémie. Il lui en a énormément voulu d'être venu, d'avoir cassé à jamais son image de l'entraîneur en forme, le grand sportif. Il a pleuré en le voyant entrer, pas de joie, de dépit, de honte peut-être.

Moi aussi, quand je venais, il était content de me voir. Mais quand il a décidé une fois pour toute qu'il ne fallait plus que je ne viennes (deux semaines), c'est devenu une fixation dans sa tête et il m'en voulait quand j'essayais de passer outre. Tout le monde m'a dit aussi "respecte sa volonté". Mais c'est plus facile à dire qu'à faire... Respecter sa volonté, ça aurait signifié lui laisser croire qu'en effet, j'aurais eu pitié de lui si j'étais venue.

Tu sais moi non plus je n'ai rien vu. Quelques mois après sa mort, on a retrouvé une vidéo de lui, un mois avant qu'il meure... On était tous les deux sur la cassette - et je n'en croyais pas mes yeux - il était tout maigre, blanc (alors qu'il était mat de peau), il marchait avec peine, penché en avant, c'était évident pour quiquonque voyait ça qu'il était malade.
Et moi, la plus proche de lui, qui dormais avec lui, jusqu'à la dernière semaine j'étais aveugle de tous ces changements, je le voyais comme avant, avec les yeux de l'amour.
Lui, peut-être, se rendait compte donc il croyait que je me rendais compte mais non !!
Comme une anorexique qui se voit grosse à trente kg, je le voyais comme avant (en plus c'était un garçon mat, costaud). Tout le monde a du se rendre compte de l'aggravation à cause de cet amaigrissement, de cette pâleur... et moi je ne l'ai vu qu'après, les derniers jours, ou il était vraiment décharné, et après deux semaines de séparation. Effrayant cette faculté qu'a notre inconscient de refouler ce qu'il ne peut pas accepter.

Moi aussi j'avais un espoir démesuré, même au dernier moment, je ne voyais pas la gravité de la situation, je voulais qu'on continue à vivre normalement alors qu'il ne pouvait plus. Il essayait de me le faire comprendre, c'était une humiliation pour lui, que je souligne ainsi (sans même m'en rendre compte) les choses qu'il ne pouvait plus faire, ou avec peine (une ballade, monter un escalier, venir chez moi, manger etc.)
Moi aussi je me reproche de n'avoir pas vu, de ne pas m'être écrasée plus, d'avoir appuyé parfois là où ça fait mal (sans réaliser qu'il avait mal), bien sûr que je m'en veux, et bien sûr qu'il m'en voulait.

Mais on n'y peut rien. Avec un malade qui refuse de parler de sa maladie, qui fait tout pour qu'on ne la voie pas, comment pouvions-nous nous adapter à leur situation ?
C'est le pire cas de figure possible, car ils refusent de se laisser aider, et ainsi non seulement ils ne sont pas aidés, ils s'isolent mais en plus ils nous lèguent cette affreuse culpabilité.

Mais ils en sont responsables autant que nous. Et je pense qu'ils le savaient. Ils ont préféré que ça s'arrête quand ça allait encore pour eux, ils ont dû se rendre compte que ça nous faisait mal de ne rien pouvoir faire pour les aider, et je pense que c'est pour ça qu'ils sont restés "gentils", affectueux, quand même à la fin.

S'ils nous avaient "quitté" normalement, s'ils ne nous aimaient plus, ils n'auraient plus voulu entendre parler de nous, du tout.
Là ils nous ont quitté pour préserver la relation, leur image, mais ils savaient que la maladie et leur incapacité à l'accepter, étaient autant responsable que nous (nos erreurs), de cette "rupture". J'ai retourné ces questions dans ma tête depuis un an et j'en suis persuadée.
Ce ne sont pas les horreurs qu'on a pu leur dire, blessées d'être abandonnées au pire moment, ou celle qu'ils nous ont dites pour nous faire "lâcher prise", qui sont à retenir.
En effet il ne t'aurait pas appelé "ma puce" s'il avait eu de la rancoeur ou de l'indifférence envers toi. Et moi il n'aurait pas accepté de me voir, de me parler avec émotion s'il avait réellement voulu me quitter dans la haine ou dans l'indifférence.

J'espère que tu crois ce que je dis là. Pour moi c'est la seule explication, E. était quelqu'un de généreux, de tendre, d'aimant, il n'a jamais fait de mal à une mouche, et s'il m'a fait autant de mal à la fin, je ne veux pas penser que ça puisse être délibérément, par égoïsme ou cruauté. Il n'était pas comme ça. La maladie lui est tombée dessus alors qu'il aimait la vie, et il a réagi avec orgueil et dignité. Comment aurait-il pu imaginer que trois semaines plus tard il allait mourir ? !!

BOn je crois que j'ai tout dit, je répondrai bientôt à ton autre message. Tes messages me parlent comme si je les avais écrit et tu ne peux pas savoir à quel point ça me soulage d'avoir trouvé quelqu'un avec le même vécu d'"amour-rejet-culpabilité" avant la mort. Je pense que ce n'est pas rare mais bizarrement personne n'en parle.

Je t'embrasse, à bientôt
XX

"il a voulu me préserver"??????

#12 Posté le par DCF__6532
J'entend souvent ces mots, de la bouche de ceux qui ne le connaissaient pas bien, voire très peu (famille, amis différents) : "Il a voulu te préserver". Et moi même, je ne comprends pas ce que cela veut dire. Comme si en fait mon ami savaient qu'il allit mourir. Une de ses amies, que je n'apprécie d'ailleurs pas tellement, me l'a dit aussi : "Il a voulu te préserver". Comment le comprends tu toi, XX ? crois tu que c'est plausible ? Pour moi, ça sonne faux. Mon ami ne savait pas qu'il allait mourir si jeune. Un jour, il y a finalement peu de temps, il m'a demandé : "est ce que tu m'aimes?" j'ai dit : "oui". Alors, il m'a répondu cela : "alors, il va falloir t'accrocher". je lui ai demandé quel était le sens de sa phrase. Il m'a dit : "je ne sais pas si tu es assez forte pour vivre notre amour". je lui ai dit : "oui, je suis assez forte". Il semblait assez étonné, assez dubitatif. Mais cette conversation s'est passé au téléphone. Je ressentais qu'il était très discret concernant ses problèmes de santé, et qu'il ne souhaitait pas se montrer affaibli devant moi. Quand il est allé à l'hôpital, bien longtemps avant sa mort, j'ai été horriblement malheureuse quand il m'a dit qu'il ne souhaitait pas que je vienne lui rendre visite. Certains me disaient : "il faut respecter son choix etc". Quand il a vu à quel point cela me rendait aussi triste, c'est lui même qui a craqué et qui m'a dit : "allez viens" et je suis venue, et c'était bien. Il avait été très content de me voir. Après, il m'a appelé le soir même pour me remercier. Au début, ce qui expliquait son refus, c'est qu'il ne voulait pas que je vois son état affaibli, il ne voulait pas que je lui fasse "pitié". C'est étrange, tu sais Xx, car cette idée là, que lui avait, ne m'était même pas passé par la tête. Avoir "pitié" de lui ? le voir dans un état affaibli? mais qu'est ce qu'il me racontait, mon chéri? je ne voyais pas assez sa maladie, en fait. Quand je le voyais, quand je le regardais, je voyais "autre chose", je ne voyais pas ce que d'autres pouvaient voir. J'avais l'impression de voir sa beauté, sa force, sa dignité, mais pas asses ses fragilités, et je m'en fais le reproche aujourd'hui : "je n'ai pas assez vu, je n'ai rien vu, pourtant j'avais des yeux et je n'ai rien vu". Quelqu'un de mon entourage, médecin, m'a dit : "mais ça se voyait! il avait l'air abimé!" Déglingué ? je n'avais jamais vu ça moi? Est ce mon amour pour lui qui m'a rendu aussi aveugle au "mal"? qui m'a donné tant d'espoir en l'avenir? un jour, pourtant, il m'avait dit : "regarde mes jambes, regarde mon corps, je suis cousu de tous les côtés, regarde". Moi, ça ne me choquait pas. Je me reproche de ne pas l'avoir assez bichonné, les derniers temps, mais je crois aussi qu'il ne m'en a pas laiss la possibilité. Je suis si triste. Il me manque tellement. Ecris moi vite et dis moi ce que tu ressens, par rapport à toi? Bin oui, c'est vrai y a que nous deux dans ce désert pour l'instant.