Salut Martie,
merci pour ta réponse, je suis contente que mon histoire t'ait touchée. En lisant ton premier message l'autre jour, j'avais l'impression de l'avoir écrit moi-même, et c'est la première fois que je rencontre quelqu'un dans le "deuil", qui a eu cette "rupture" plus ou moins claire juste avant - complication qui rend le deuil mille fois plus difficile car on doit démêler tellement de sentiments ambivalents, une culpabilité dont on ne peut se défaire pendant longtemps, une haine...
Alors évidemment que je suis d'accord pour qu'on dialogue sur ce forum (un peu calme je trouve...)
En effet je crois que l'âge ne change pas grand chose à l'histoire, on a eu des réactions semblables. Moi, ses parents m'en ont beaucoup voulu pour cette engueulade à un moment si critique, après tout c'est moi qui l'avais provoquée - mais après sa mort ils m'ont dit : "tu es pardonnable, tu étais jeune, sans expérience". Cette réponse m'insupporte. J'ai réagi avec mon caractère, pas avec mon âge...
Dix ans plus tard j'aurais réagi de la même façon car il est impossible d'avoir "l'expérience" pour savoir comment se comporter face à une situation humaine si douloureuse. En plus chaque malade a des besoins différents, alors même en l'ayant vécu une fois, rien ne dit que le revivre permettrait de mieux réagir grâce à cette pseudo expérience !
Malheureusement je ne peux pas dire que mes relations avec son entourage soient bonnes.
Elles se sont apaisées depuis peu, mais sa famille est à l'étranger.
Ils ne m'ont pas (ou si peu) vue avant qu'il tombe malade : il habitait Paris seul pour ses études. Quand il s'est retrouvé à l'hôpital sa mère est rentrée, et nous avons du apprendre à cohabiter, à "le" partager, puisque j'allais en cours la journée, et la nuit il ne m'était pas permis de rester dormir à l'hôpital, nous n'avions plus beaucoup d'intimité. Sa mère ne nous laissait jamais seuls. Puis, trop tard, son père est rentré. Mais nous n'avons jamais été proches. Quand ça a commencé à aller de plus en plus mal entre nous deux, ses parents se sont permis des jugements, ils l'ont monté contre moi, pensant qu'il fallait "me faire enfermer en institution", que j'étais néfaste pour lui.
Inutile de dire que je l'ai très très mal vécu.
Il était redevenu infantile, il les écoutait, il n'osait plus s'éloigner de la maison etc. croyant que ses parents pouvaient le protéger contre la maladie mieux que moi. En fait, c'est comme s'il avait dû choisir entre sa famille, ou moi.
Il a "choisi" sa famille et j'en ai beaucoup souffert. Je lui avais tout donné, et il me "larguait" pour ses parents.
A sa mort... ils ne nous ont pas permis d'assister à l'enterrement, à nous, ses amis de France. Je leur en voudrai toujours de ça, je trouve ça tellement mesquin, bas, il avait des amis, ici, pas là-bas, il avait choisi de faire sa vie ici, pas là-bas. Ils ont été égoïstes.
Mais je n'attache pas beaucoup d'importance aux symboles, l'enterrement était important vis-à-vis de lui, pas pour moi. J'aurais voulu être là pour dire quelque chose, parler de lui - ils ne m'ont pas permis cet hommage, tant pis.
La commémoration des un ans aura lieu mais personne de sa vie d'ici ne sera prévenu.
Et pourtant il vivait en France depuis cinq ans, sa vie était ici. Mais sa famille n'a pas su respecter ça.
Ils me font de la peine plus qu'autre chose, car la douleur les rend égoïste. J'ai eu de la haine pour eux, maintenant, je n'en ai plus, ça ne sert à rien. Cela dit nous ne nous voyons presque plus, et ne sommes pas devenu plus proches.
Je l'aurais voulu, je pense qu'il aurait aimé qu'on s'entende mais c'est impossible.
Quand à mon entourage, j'ai la chance d'être soutenue par ma famille, cela dit j'ai subi la cruauté de certains prétendus amis, en particulier une "amie" qui m'a dit tellement d'horreurs : "quitte-le", "votre histoire, c'était pas une vraie histoire" ; "trouve toi un autre mec" ; "de toute façon ça se voyait qu'il t'aimait plus, depuis avant la maladie", "je dois être la seule à encore accepter d'entendre parler de lui"... et j'en passe. Je me suis débarrassée de cette folle, elle ne me faisait plus que du mal. Je te conseille de faire pareil avec ceux qui te disent des choses cruelles, si tu n'arrives pas à leur faire comprendre ton point de vue. Cette "amie" m'a aussi répété qu'il était condamné bien avant que ce soit une réalité, m'a dit de me "préparer à sa mort", bref, elle a été incroyablement indélicate. J'ai essayé de lui faire reconnaître, de lui dire "non je ne t'en voudrais pas, mais uniquement si tu comprends pourquoi c'était une erreur de me dire tout ça".
Rien à faire. Alors je n'ai plus besoin d'elle et de son "amitié". L'amitié ce n'est pas dire tout ce qui vous passe par la tête, être franc envers et contre tout. C'est faire attention aux sentiments des autres, les respecter, leur vouloir du bien. Non ?
Quand à ce que tu dis sur la société, qui cache la maladie et la mort... c'est tellement vrai. La maladie fait peur, elle met les gens mal à l'aise, je l'ai bien vu quand il était hospitalisé, peu ont osé lui rendre visite, ou alors au dernier moment, par "conscience", ils se sont réveillés...
Et la mort, de son vivant, impossible d'en parler, je respecte ça, il la craignait et ne voulait pas l'envisager... Mais il y a eu un acharnement thérapeutique que je n'admets pas (voulu par ses parents), et surtout impossible d'en parler avec mon entourage, soit ils disaient "il est foutu, prépare-toi au pire" (super...) soit, "comment peux-tu y penser ? mais il faut avoir de l'espoir, c'est inadmissible autrement" etc. Entre les deux, rien.
Puis après son décès j'ai mis des mois à pouvoir aborder ce sujet avec mes amis, ma famille, ils me censuraient dès que j'ouvrais la bouche sur ce sujet, à me dire "quand est-ce tu enlèves les photos, c'est maladif" ; "j'en ai marre que tu ne parles que de lui" et autres cruautés. En fait ils ont peur de ne pas savoir quoi répondre alors ils préfèrent ne pas entendre... Heureusement j'ai réussi à trouver des personnes à qui parler, qui sont aussi dans le deuil, et cela permet d'en parler sans tabous, de la culpabilité, de la douleur, on se sent enfin compris et c'est vraiment la seule chose qui aide je trouve. Maintenant, un an ayant passé, je peux commencer à en parler autour de moi sans qu'on me referme le clapet immédiatement... Ils ont enfin compris que ce n'était pas "mauvais pour moi" d'en parler, mais au contraire, un besoin, une nécéssité qu'on ne peut pas éviter.
Que je ne pourrais pas "avançer" tant que je n'aurais pas exprimé ce que j'ai sur le coeur.
Peut-être que je posterai le "journal" que j'ai écrit, c'est assez long mais instructif je crois pour savoir qu'on est normal d'avoir de telles réactions. J'ai écrit au fur et à mesure tout ce qui me frustrait par rapport à cette culpabilité et ces réactions pitoyables de mon entourage. Je te l'enverrai sans doute plus tard.
Ce que tu dis sur ta dernière conversation avec lui, j'aurais pu l'écrire aussi. Il a été gentil, distant, il a quand même dit quelque chose d'important. Mais ce n'était pas assez, c'était frustrant, j'aurais voulu plus. Je pense qu'ils étaient déjà "ailleurs". Déjà un peu sortis de la vie, un peu "au-dessus" de tout ça. Le père de mon copain a dit qu'il avait l'air "détaché de tout comme un saint". C'est tout à fait ça.
Je vais relire le Petit Prince, ces phrases sont très touchantes. Je pense que c'est tout à fait ce qui nous est arrivé : comme les animaux ils ont voulu se cacher pour lécher leurs blessures mais finalement, la mort est venue les prendre trop tôt. Et nous... on reste tant bien que mal, avec ces questions sans réponses...
Bon, sur cette conclusion pas très gaie je te laisse pour ce soir il est déjà tard...
Je vais tenter de "corriger" ce journal pour le rendre présentable à tous, et je pense qu'il pourra sans doute être utile à d'autres qu'à moi. Je l'ai déjà envoyé à des proches pour qu'il comprennent enfin par quoi je suis passée, à quel point c'était dur et à quel point ils m'ont laissé seule. Même si je pense que dans un vécu pareil, cette solitude est inévitable.
Mais on peut s'en sortir !!!
Et tu as raison, il faut en tirer les enseignements pour vivre la suite avec intelligence. Je ne dis pas expérience, car humainement il n'y a pas deux expériences semblables, et réutilisables, mais on peut acquérir une certaine intelligence de la vie grâce (à cause ?) de ce malheur qui nous a touchées.
A bientôt j'espère,
amitiés
Xx