Les inégalités économiques atteignent des sommets jamais enregistrés. Elles affectent considérablement la santé et le bien-être.
Parmi les forces qui perpétuent ces inégalités, des chercheurs de l'Université Yale ont examiné comment opère un biais lié à la classe sociale lors de l'embauche.
« Les candidats à un emploi s'attendent à être évalués en fonction de leur expérience, de leur comportement et de leurs idées lors des entretiens d'embauche, mais ils sont jugés, en quelques secondes après avoir commencé à parler, en fonction de leur statut social
», montre l'étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Elle montre que les gens peuvent évaluer avec précision la position socioéconomique (définie par le revenu, le niveau de scolarité et le statut professionnel) d'un candidat en l'écoutant parler quelques secondes et que ces perceptions instantanées influencent les recruteurs de manière à favoriser les candidats de classes sociales supérieures.
« Même pendant les interactions les plus brèves, les schémas d'élocution d'une personne façonnent la façon dont les gens la perçoivent et évaluent ses compétences et son adéquation à un emploi
», souligne Michael W. Kraus, professeur en psychologie organisationnelle à la Yale School of Management.
« Bien que la plupart des gestionnaires responsables d'embauches nieraient que la classe sociale est importante, en réalité, la situation socioéconomique d'un candidat ou de ses parents est évaluée dès les premières secondes où il parle - une situation qui limite la mobilité économique et perpétue les inégalités.
»
Kraus et ses collègues (1) ont mené cinq études. Les quatre premières ont examiné dans quelle mesure les gens perçoivent correctement la classe sociale en se basant sur quelques secondes de parole. Ils ont constaté que réciter sept mots choisis au hasard est suffisant pour permettre aux gens de discerner la classe sociale de l'orateur avec une précision supérieure à la chance. Une façon de parler l'anglais qui correspond à la norme subjective (de l'évaluateur) et à la norme digitale (celle des voix utilisées dans les assistants vocaux comme Amazon Alexa ou Google Assistant) est associée à une classe sociale supérieure, réelle et perçue. Les indices de prononciation communiquent le statut social plus précisément que le contenu du discours.
La 5e étude portait sur la façon dont ces indices influent sur l'embauche. Vingt candidats potentiels issus de divers milieux socioéconomiques actuels et de l'enfance ont été recrutés pour une entrevue en vue d'un poste de directeur de laboratoire de premier échelon à Yale.
Avant de se présenter à l'entrevue officielle, les candidats devaient enregistrer une brève conversation dans laquelle il leur était demandé de se décrire brièvement. Un échantillon de 274 personnes ayant de l'expérience dans l'embauche ont écouté ces enregistrements ou lu leurs transcriptions. Ils devaient évaluer les qualités professionnelles des candidats, déterminer un salaire de départ et une prime à la signature et indiquer la classe sociale perçue en se fondant uniquement sur cette entrevue.
Les gestionnaires qui ont écouté les enregistrements audio étaient plus susceptibles d'évaluer avec exactitude le statut socioéconomique que ceux qui n'avaient que lu les transcriptions. Ne disposant d'aucune information sur les qualifications réelles des candidats, ils ont jugé que ceux des classes sociales supérieures étaient plus susceptibles d'être compétents pour le poste et de mieux s'y adapter. Ils leur attribuaient aussi de meilleurs salaires et des primes plus élevées.
« Nous parlons rarement explicitement de classe sociale, et pourtant, les personnes ayant une expérience d'embauche déduisent la compétence et l'adéquation des candidats en fonction de leur position socio-économique estimée en quelques secondes
», souligne Kraus.
« Si nous voulons évoluer vers une société plus équitable, nous devons composer avec ces processus psychologiques enracinés qui déterminent nos premières impressions des autres. Malgré ce que ces tendances à l'embauche peuvent suggérer, le talent ne se trouve pas seulement chez les personnes nées dans des familles riches ou instruites. Les politiques qui recrutent activement des candidats de tous les niveaux de la société sont les mieux placées pour trouver les personnes qui conviennent le mieux.
»
Autres travaux de l'équipe de Michael W. Kraus relayés par Psychomédia :
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9 différences psychologiques entre les riches et les pauvres
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Le langage corporel lors d'interactions sociales est révélateur du statut économique
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Il est difficile de créer des liens avec des personnes de classes sociales différentes
Pour plus d'informations sur la psychologie des classes sociales, voyez les liens plus bas.
(1) Brittany Torrez, Jun Won Park et Fariba Ghayebi.
Psychomédia avec sources : Yale University, PNAS.
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