Il n’existe pas de mots pour mon amie. Elle a besoin d’être aimée. Elle est dure, me parle parfois avec un mélange de froideur et d’aigreur. Je l’aime, elle est directe, sincère. Elle a été un bourreau dans le passé, elle m’a dit que si j’étais passé sur son chemin, elle ne m’aurait pas épargné. Je pourrais la briser, elle m’a donné sa confiance. Rien d’absolu en elle, entourée, elle laisse facilement ressurgir son âme d’enfant. Le mois dernier, à notre sortie à la mer, mes pieds nus ont baigné dans l’eau glacée, ont taquiné le roulement des vagues. Elle était restée sur la berge, puis elle s’est laissée aller, au bout de quelques minutes, elle a traversé le sable fin, puis nous nous sommes balancé de l’eau. Elle a besoin de se sentir aimée, de quelqu’un qui s’intéresse à elle, d’un moteur. Je souhaite qu’elle se sorte rapidement de cette situation, au pire j’aimerais qu’elle soit acceptée là où elle désire travailler, elle sera utile, et bénéficiera de l’amour et de la reconnaissance des personnes qu’elle aidera. Etre utile.
Pour moi, l’amour et l’intérêt des autres m’aident illusoirement. Je me suis longtemps repaît de cette nourriture, mais aujourd’hui, cœur ou pas de rassasié, la famine crie à l’intérieur de mon âme. Il m’en faudra plus pour m’en sortir, qui pourrait bien me débarrasser de mes problèmes ? Personne. Les médecins me disent d’attendre un déclic, quelle idiotie. Ils auraient dû me dire que rien ne peux m’aider. J’ai grandi ainsi. Je suis mal à l’aise partout, même avec ma famille. Je suis en tension à perpétuité, déchiré, déchirable, ma conscience me taraude, sans repos. Je suis trop sensible, impossible d’être moi-même en présence d’un autre, toujours la souffrance, toujours. La honte aussi. Je ne suis plus capable de mettre fin à ma non-existence, même si les frustrations prennent toute la place. Continuer, même en étant incapable de profiter, de m’amuser. J’aimerais aider les autres et impossible de le faire pour moi. Peut-être qu’il me faudra repartir de cette vie en ne laissant rien derrière moi, ni amour à cause de ma peur, ni joie à cause de ma tristesse, à quoi bon continuer alors. Je retournerais bien à la clinique si mon âme n’aspirait pas à mieux, et l’âme, tant qu’on ne lui donne pas ce qu’elle désire, réclame. Les médicament me clouaient au lit, mon âme hurlait. Je n’ai pas la solution, cherche, cherche, cherche
J’aurais dû mettre de la simplicité dans mes propos, ne pas me mettre continuellement au premier plan, plein de lourdeur, plein de suffisance. Je ne peux pas m’empêcher de tenter de plaire, de faire l’intéressant, tout en sachant que rien ne sera récolté, que ce n’est pas de cette manière qu’il me faut semer. Je n’ai même pas labouré mon terrain comme il fallait en plus. Ha.
Peut-être qu’un dieu a créé la souffrance pour permettre à des individus de s’intéresser à d’autres, il creuse en notre intérieur pour nous transpercer l’âme et définir autrement notre vision, nous rapprocher de l’essentiel, de ce qu’on donnera, de ce qui restera de nous après notre mort.
Cléo, peut-être à un de ces jours, j’ai à gommer la trace des émotions de ces derniers temps. Je pensais être un peu blindé depuis toutes mes sorties à l’extérieur, mais il n’en est rien. Les forums m’obligent à faire l’intéressant, il me faut partir, mais rien n’est à regretter, surtout pas ta rencontre. Tu crois sans doute des choses, mais n’imagine rien, les forums créent en moi une dépendance qui me ronge, ma nervosité n’a pas besoin de plus d’excitants. Je n’ai rien à faire là, à quoi me servirait la pitié, même un peu d’amour, qu’en faire contre mon mal ? autant que ces sentiments servent à qui en a besoin.
Cléo, c’est bien de t’être sensiblement améliorée pour les relations humaines, c’est porteur d’espoir. J’ai déjà beaucoup d’années derrière moi, certes aussi en face, mais les choses ont progressé en direction du sol. Peu importe, la terre n’est pas si basse, l’herbe est fraîche et les fourmis me semblent gentilles.
Je serais bien resté avec toi, mais il me faut suivre le parcours de madame araignée, pour qu’elle me prenne dans sa toile. La chose sera douloureuse, mais pendant un moment, le ciel me paraîtra moins haut. Ha, n’importe quoi.
Je passerais te lire de temps en temps sur ce forum, en silence bien sûr. Je t’ai lu, relu, et tu as beaucoup à donner, à partager, tu es gentille dans tes mots parce que tu as le désir de l’être. Tu as cette souffrance d’un énorme manque d’amour : tu sais ce que sont capables d’éprouver les autres dans un cas pareil, et tu sauras leur donner, quels que soient leurs masques. Je t’embrasse, toi et Pom.
« Like a bird on the wire, like a drunk in a midnight choir, I have tried in my way to be free. »