La maltraitance ou la consommation de drogue, c'est d'autres problèmes que d'avoir mauvais caractère, tu mélanges tout, là...
L'argument "on sait où ça mène, hein !" c'est le truc facile, parce que c'est de l'interprétatif.
Regarde : en france, "non" à la constitution européenne. A expliquer comme toi, on dit "j'ai vu des gens qui votaient "non" être racistes alors hein, dire "non" à la constitution européenne c'est pas humain !"...
Facile de faire des ponts, mmh ? Ici il n'était pas question de toxicomanie, ni de maltraitance, donc. Mais bien d'une mère écrasante psychologiquement. Et ça, on en survit, suffit de regarder autour de nous.
Qu'on arrête d'encenser le droit à la faiblesse parce que d'autres sont nés dans la soie : la vie ne fait pas de cadeau à tout le monde, et voilà, on doit faire avec. Certains ont une mère écrasante, d'autres une mère toxico, d'autres pas de mère du tout. Là on parle d'une mère écrasante, et, franchement, c'est un moindre mal.
La manipulation n'a rien a voir avec le fais que la personne est plus forte qu'une autre, c'est le pouvoir qu'elle se donne car elle a peur elle-même de se faire écraser, ce sont des gens qui non pas confiance en eux, c'est souvent une carapace et elle vont joué le jeux de personne dur que rien ne les atteint ect... Ce sont des gens faibles intérieurement mais leur geste ou leur parole peuvent avoir un vent destructeur sur l'éducation des enfants ou de l'entourage.
Ben... si, justement, ça a un rapport, c'est juste que d'un côté je parle du comportement, de l'autre tu parles d'une des explications de comportement.
Moi je dis : lorsque maman est un gros bras, fifils ou fifille trouvera tous les prétextes pour la caricaturer (donc "manipulatrice" est un prétexte), histoire de pouvoir continuer sa vie sans trop de problème de conscience. Et j'ajoute qu'il n'y a pas besoin de ça, qu'on en survit et qu'une caricature, ça va bien quand on est gosse, mais quand on grandit faut affiner un peu, au lieu de condamner sans réfléchir.
Toi tu dis : maman est manipulatrice, voici pourquoi : elle a mal vécu, elle transfèrera, et en fait à l'intérieur c'est de la peur.
Bah ça c'est juste les raisons, et les raisons on les sait et on s'en fiche un peu : une personne qui n'a peur de rien, pour rappel, ça n'existe pas. Toute personne est faible, "à l'intérieur", seulement chacun construit son système de défense face à ce qu'il vit comme des agressions.
On peut apprendre à ne plus rien considérer comme une agression (mais ça a souvent un prix, celui de l'apathie), on peut apprendre à taire ses émotions face aux agressions (ça nous rend introvertis), on peut apprendre à se créer un autre monde intérieur (schizogène, ça), etc.
Ya presque autant de voies qu'il y a de cheveux sur ma tête, j'imagine, et l'une d'elles, et c'est pas la plus stupide, consiste à apprendre à manier les armes que nous offre le monde. Ce que j'ai qualifié moi de "force", et effectivement on appelle "force" et "faiblesse", toi et moi, des choses différentes. Et cette faculté de maîtriser - plus ou moins - les fils des relations, des discours, des rapports, des positions... le bouquin a qualifié les personnes qui l'avaient, de "manipulateurs" ou de "pervers narcissiques", ce que je dis un peu rapide et un peu grossier.
En réalité cette manipulation n'est tout simplement que d'avoir un coup ou deux d'avance dans les calculs. Tout le monde calcule, certains aiment dire "je suis spontané", "je ne calcule pas", pourtant c'est la base de la survie, de calculer : "je ne m'approche pas du feu parce que je sais qu'il est chaud" est un calcul. Un pas plus loin : "je sais que je ne maîtrise pas les outils du feu et que lui les maîtrise, lui risque moins de se brûler, je vais lui demander de faire du feu."
Et ainsi de suite.
Et de cette capacité au calcul, on en a fait une question morale, c'est à dire un truc du genre "au delà d'un certain point, le calcul c'est mal" - et ça c'est hyper cliché, hyper facile. En gros, c'est ce qu'un mec qui se sent stupide reprochera à son voisin plus malin. Manichéisme pur, on voyait ça déjà dans les récits d'Homère : Achille est spontané, colérique, musclé et impulsif, Ulysse est réfléchi, pondéré, chétif et rusé. Achille le gros bras courageux, Ulysse le petit menteur malin. Après Homère, Ulysse a souvent eu le mauvais rôle dans la littérature (dans "Philoctète" de Sophocle, ou "Les Troyennes" d'Euripide, par exemple, il incarne la malhonnêteté même).
C'est par extension de la valeur "honnêteté", justement, qu'on finit par dire que toute personne qui calcule est foncièrement mauvaise. De fait, une personne qui réfléchit, même dans sa tête, est quelqu'un qui "se prend la tête", "fausse le jeu" (parce que c'est bien connu, la vie c'est un truc simple et si ça se complique trop, c'est que l'autre réfléchit trop, ça peut pas être une perception valable de la réalité, disney-style), cache forcément quelque chose, et cacher, c'est maaaaaal. Bouh. De là est né le cliché "celui qui calcule manipulera, celui qui manipulera est mal intentionné", autant dire, donc, que calculer et "manipuler", c'est forcément mal. Saint Augustin se battait contre ce genre de truc, à son époque (ça remonte à loin hein).
Et cette notion a connu encore plus d'essor après les révolutions, avec la place grandissante de l'individualisme, l'Homme a voulu que tout soit fruit de sa volonté. Ce qui, bon, est un peu utopique. Le coup de "ce que je n'ai pas voulu, c'est mal", c'est un peu gros. Ca a fait que dans la morale, on a très vite condamné toute forme d'interventionnisme dans l'éducation (regarde les débats actuels sur l'adoption pour les couples homosexuels, les gens ont peur que "ça influence les gamins"...), dans la politique (on y condamne la corruption et, chez les francophones, les liens avec la religion, par exemple)... et donc moralement, ça a fini par rentrer dans les "lois" tacites : ce qui n'est pas le fruit de notre volonté nous est forcément nuisible.
Ca fait que des gens se protègent, ça fait que les célibataires foisonnent, ça fait que les gens savent plus vivre une relation, parce qu'ils croient qu'on peut "rester tel qu'on est, sans changer" et avoir une relation. Parce qu'ils croient qu'un couple, par exemple, se fait dans la distance, dans le non-interventionnisme. Pourtant, dès la séparation, le manque se fait sentir et on voit bien qu'on a toute une vie à refaire, des habitudes à recréer, on voit bien qu'on a changé, entre "avant" et "après"...
... De là, une autre origine, donc, de ce démon à la con qu'est "la manipulation" : bouh, un autre, décider de mes actes, par SA volonté ? ARG !
... aujourd'hui on voit juste fleurir ces mêmes conneries mais avec un jargon psy. On revisite un mythe avec le domaine qui est à la mode.
Je me souviens, récemment, on voyait encore dans un magazine de vulgarisation scientifique un psychanalyste expliquer que le monstre du loch ness était une hallucination de ceux qui voulaient le voir, parce que besoin inconscient d'extraordinaire, d'un monstre, etc.
... ce qui n'est pas faux en soi, mais j'ai trouvé ça marrant qu'on cherche à expliquer un canular par les alambics de l'analyse freudienne, tout ça parce que c'était l'angle à la mode dans les mags pour beaufs-cadre-sup.
(pour info l'un des deux auteurs de la photo a enfin avoué, il y a qques années, que c'était un gros canular)
... alors l'amertume et la frustration que tu sens (tu vois, quand je disais que c'était le truc à la mode de mélanger psychologie et morale !), c'est bien vis à vis des gens qui réfléchissent peu, et qui véhiculent de telles inepties, qui pensent avoir dégoté un concept en adaptant les définitions de Sibony ou Klein (des analystes à la mode, mais moins mauvais que l'Isabelle Nazare-Aga, tu pourrais trouver ça sympa à lire) concernant les perversions, à des vieux fantômes de la connerie humaine.
Vis à vis des gens qui mélangent morale et analyse de l'esprit humain, aussi. Bon sang, si on commence à chercher les raisons de tel ou tel propos, de tel ou tel comportement, si on cherche à comprendre, POURQUOI FAUT IL QUE CE SOIT POUR CONDAMNER ?!?
Ca devient une foutue mode de modérer un avis sur quelqu'un, tel que je le disais plus haut, dès qu'on voit que qqun est plus fort que nous, faut qu'on trouve quelque chose à redire, pour nuancer. ("tu es forte QUOIQUE tu es amère et frustrée" - dans le mille)
On entraîne la cervelle à une pensée binaire, et voilà bien ce qui me met hors de moi : le manque de nuance, le manque de discernement, comme si chacun se disait "oulà, là j'ai fini mes études, j'ai suffisamment réfléchi pour le restant de mes jours, je m'arrête là" et pouf, ils deviennent subitement des canassons avec des oeillères, et commencent à gober tout ce qu'on leur dit pour le peu que ça soit sous des jambages psy ou que ça passe à la télé ou à la fnac.
Et voilà, tout ça fait qu'on dit des trucs comme "c'est malsain", "ce n'est pas NORMAL", qu'on parle "d'emprise", là où bon, c'est juste que d'un côté on a un fort caractère, et de l'autre un caractère plus faible qui veut faire appel aux droits de l'Homme pour justifier ses larmes.
Se plaindre de sa mère qui a mauvais caractère, ça vaut pleurer auprès du professeur à l'école parce que le voisin a dit un gros mot à notre égard : c'est autant à l'autre de ne pas s'emporter, qu'à nous d'apprendre à faire face, et grandir, et évoluer, bon sang !
On a tous survécu à une mère encombrante et écrasante, faut pas exagérer et invoquer toxicomanie et crime contre l'humanité et inceste dès que maman gueule après fifille qui copine avec les voisins...
Ca tourne au n'importe quoi tout ça. Ce que tu qualifies ici de "vent destructeur sur l'éducation" s'appelle ADVERSITE et c'est la base, justement, de toute éducation personnelle, que d'être confronté à des gens qui ne nous caressent pas dans le sens du poil et nous en font baver.
Là on parle d'une maman colérique et associale, on n'a pas parlé de papa qui frappe fiston, de parents qui virent leur gamin, valises devant la chambre, à ses quinze ans, pourtant je suis passé par là aussi, et je n'ai aucune amertume vis à vis de mes parents.
La génération avant la notre, il faut le comprendre (au moins ça, je ne parle même pas d'excuser, juste de comprendre), a fait face à des mutations dingues, dans les moeurs. Sont passés d'un siècle de silence, de lenteur, de contraintes, de fessées à coups de ceinture ou de martinet, de discipline dure comme le fer, d'histoires de familles, à une époque archi médiatisée, où le silence est proscrit, où toute contrainte est proscrite, où la discipline n'a de légitimité qu'à l'armée (qui n'est plus obligatoire un peu partout dans le monde) et dans ces pays asiatiques que plus personne ne comprend mais qui acquièrent un statut concurrentiel face aux USA, au Canada et à l'Europe de l'ouest... En gros, ils ont vu toutes leurs valeurs être détruites et traînées dans la boue par leurs propres enfants.
On peut donc leur pardonner les vagues fessées et les colères injustifiées, moi je leur ai pardonné les poings dans les côtes et les valises à quinze ans... Grandir, c'est aussi pardonner, et c'est aussi saisir que ce n'est pas à eux de nous comprendre et de s'adapter, mais à nous de les ménager un peu, quitte à les laisser râler dans leur coin si ça nous broute la couenne. ... et c'est aussi saisir qu'ils ne changeront plus, et c'est aussi saisir qu'ils ne sont plus à condamner. Pense, sinon, à l'effet que ça te fera si demain tu es condamnée par tes propres mômes alors que tu ne peux plus changer, ça serait renier ta vie entière...
On peut être "juste", exigeant vis à vis de son prochain, et en même temps être indulgent face à ce qui porte peu à conséquence.
Et mamy qui pique ses colères, qui écrase ses gosses, ça porte peu à conséquence. Au pire, ça facilite pas la tâche et ça fait du gosse soit un introverti (la belle affaire) soit un gosse plus fort. C'est pas nouveau, de toute manière, que les schémas se perpétuent. Qu'on arrête de croire qu'il faille absolument enrayer le cours des choses et libérer la place jusqu'à l'absolu, jusqu'à détruire toute origine, jusqu'à vitrifier l'enfance et en faire un désert.
On peut déjà voir, aujourd'hui, les résultats de la vitrification de ce qu'on a voulu de la "mobilité sociale" : les 60% d'ados qui finissent leurs études secondaires par la filière "générale" chaque année savent à peine vers où aller après, et finissent soit insatisfaits de leur vie professionnelle soit par changer de voie en cours de route. Soit par grandir en se demandant vers où aller. On a voulu que le fils de boulanger ait le choix entre tous les métiers, ça fait que le fils du boulanger, qui aurait été boulanger un demi siècle plus tôt, aura le choix entre boulanger et cadre sup' demain.
Je ne dis pas que c'est pas bien, je dis que ça se vaut. Que c'est une liberté qui, aujourd'hui, devient de plus en plus factice. Libérer des chaînes, ok, vouloir vitrifier, pas d'acc. Faciliter la mobilité sociale ok, larguer nos gamins dans un désert et sans boussole, pas d'acc.
Alors affectivement, leur faire le même coup, bah je suis pas d'accord non plus. Les gamins auront tout le loisir de régler leurs petites névroses lorsqu'ils seront grands, je doute donc fort que dire aux fortes personnalités de fermer leur gueule assurera un meilleur avenir à la descendance et arrangera les choses.
Que ceux qui veulent "nettoyer" les familles s'occupent des toxicos et des pédophiles, et laissent les mamies caractérielles tranquilles.
Et au fait, je suis un garçon, et mon père était pire que ma mère, dans le genre orgueilleux, écrasant, dogmatique, castrateur... patron d'entreprise et fils de prolo, mon père fut un enfer - d'ailleurs il l'est toujours. Mais en grandissant j'ai appris à y faire face, j'ai appris à me distancier de ce qui me faisait du mal, j'ai appris tout simplement à démystifier ce qui s'exprimait pourtant facilement comme de la "manipulation" de sa part, et j'ai appris à ne plus le condamner.
Ya rien à en apprendre, c'est la vie, on a tous notre histoire, et la mienne vaut la tienne et celle d'une autre. Mon père était certainement "faible intérieurement" - ça n'en restait pas moins le cas typique de "manipulateur" selon le bouquin, et moi en ne me contentant pas de diagnostics faciles et de morale facile, j'ai appris à différencier "père écrasant" de "père néfaste", j'ai appris à différencier "perversion" de "perversité", et j'ai appris à différencier "personnalité" et "morale".
On va tous vers ce qui nous paraît être la meilleure voie, nos parents ont certainement tout fait pour "bien faire", eux aussi, sinon on ne serait pas là, nous, aujourd'hui, sur un ordinateur, sur internet, avec un frigo bien rempli et une bonne santé, pour en attester et pour en discuter.
Maintenant, qu'on parle de parents irresponsables, maltraitants, toxicomanes, incestueux, si c'est de ça que vous voulez parler, mais qu'on distingue bien tout ça du cliché que représente ce foutu terme, "manipulation", que je qualifie (j'insiste) de mythe manichéen ancestral - et d'archétype de la bêtise humaine.
Dans la même sauce, on peut y mettre la peur de l'étranger, la peur de l'interventionnisme, la peur de l'engagement, la peur de "se dénaturer" (comme si notre "vraie nature" s'était construite dans un désert, seule, sans les autres), etc.
Forcément, quand je lis tout ça, je suis amer et je me sens frustré : on baigne dans les clichés qui pourrissent le monde depuis des milliers d'années (oui les Manichéens, Homère et Saint-Aug' c'était ya longtemps)...