Des recherches sur le syndrome de fatigue chronique (SFC) et la fibromyalgie se sont tournées vers les niveaux anormalement élevés, dans ces deux syndromes, de lactate (ou acide lactique) dans le sang, les muscles et le cerveau. De quoi ces niveaux peuvent-ils être révélateurs ?
Le lactate, un sous-produit du métabolisme anaérobique de l'énergie (production de l'énergie qui ne requière pas d'oxygène), est ordinairement pompé hors des cellules en grande quantité pendant l'effort physique.
Les niveaux élevés dans le SFC et la fibromyalgie, suggèrent que les besoins en énergie sont en grande partie comblés par la production d'énergie anaérobique (appelée glycolyse), qui est un système de production d'énergie « sale », peu productif avec des sous-produits toxiques, n'intervenant que lorsque le système de production d'énergie aérobie est épuisé, explique le blogueur Cort Johnson (en anglais).
Le lactate est normalement associé, chez les personnes en santé, à la douleur musculaire, à la fatigue et à d'autres symptômes après un exercice excessif.
Au cours des 10 dernières années, Benjamin H. Natelson du Mount Sinai Beth Israel (New York) et Dikoma C. Shungu du Weill Cornell Medicine ont documenté des augmentation importante du lactate dans le liquide céphalo-rachidien des personnes atteintes du SFC ainsi que de fortes diminutions des taux de glutathion, un important antioxydant du cerveau. Ces deux constatations sont mises en relation dans leurs hypothèses sur les processus de la maladie.
Dans une étude récente, publiée dans la revue Fatigue : Biomedicine, Health and Behavior (FBHB), ils ont, avec leurs collègues (1), constaté que les niveaux de lactate dans la fibromyalgie étaient également élevés, ce qui n'était pas le cas chez les personnes en santé.
Les auteurs croient que ces niveaux élevés sont susceptibles d'être un élément central des deux syndromes.
Les niveaux élevés de lactate sont essentiellement synonymes de dysfonction mitochondriale, a expliqué le Dr Shogun, spécialiste des maladies mitochondriales, au blogueur. (Les mitochondries produisent l'énergie dans les cellules.)
Dans le cas du SFC et de la fibromyalgie, il croit que les dysfonctions des mitochondries ne sont pas le moteur de la maladie, mais apparaissent secondairement à d'autres problèmes.
Ses travaux des dernières années l'ont amené à considérer que le stress oxydatif (causé par les radicaux libres contre lesquels agissent les antioxydants) et ses conséquences pathophysiologiques seraient la cause la plus probable des niveaux élevés de lactate.
Dans ses recherches récentes, financées par les National Institutes of Health (NIH) américains, il a confirmé que les niveaux de stress oxydatif étaient en lien avec les symptômes du SFC. La découverte de niveaux cérébraux de glutathion très réduits dans le SFC suggère que les systèmes antioxydants qui gardent normalement le stress oxydatif sous contrôle ne le font plus.
Un indice important dans l'élaboration du modèle explicatif du SFC de Shungu a été des niveaux élevés d'isoprostanes constatés dans deux études du SFC.
Voici son modèle actuel de la maladie :
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Un déclencheur immunologique ou un agent pathogène active la production de cytokines (messagers du système immunitaire) pro-inflammatoires et un puissant radical libre, le peroxynitrite.
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Les réserves antioxydants inadéquates (comme indiqué par les faibles niveaux de glutathion) entraînent une réaction du peroxynitrite avec les lipides pour former des isoprostanes.
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Les isoprostanes - vasoconstricteurs puissants - compriment les vaisseaux sanguins, réduisent le flux sanguin et produisent un environnement hypoxique (à faible teneur en oxygène).
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Cet environnement à faible teneur en oxygène a pour conséquence :
- l'augmentation de la production d'énergie sans oxygène (glycolyse) ;
- la transformation du pyruvate en lactate.
Le stress oxydatif, la neuroinflammation et le dysfonctionnement mitochondrial sont des « co-conspirateurs » dans la production du SFC, de la fibromyalgie et d'autres maladies (comme le syndrome du côlon irritable notamment), estime Shungu.
Dans la fibromyalgie, il favorise l'hypothèse selon laquelle les niveaux de lactate dans le liquide céphalo-rachidien seraient causés par des mécanismes différents de ceux du SFC et que la neuroinflammation serait le principal moteur.
Ce modèle suggère, estime le chercheur, que pour le traitement de la fibromyalgie, une combinaison de médicaments qui ciblerait les différents facteurs pourrait être plus efficace qu'un seul médicament. Combiner le complément alimentaire N-acétylcystéine (NAC) pour élever les taux de glutathion dans le cerveau et atténuer le stress oxydatif, avec, par exemple, un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) pour cibler l'inflammation pourrait être plus efficace que l'une ou l'autre intervention seule.
Un essai clinique du NAC qu'il a mené, dont la publication est à venir, aurait obtenu des résultats positifs, rapporte le blogueur.
Quant aux niveaux de lactate, un médicament testé pour les maladies mitochondriales (le dichloroacétate) s'est avéré trop toxique, indique le chercheur.
- SFC : un trouble de la production d'énergie dans les cellules
- Fibromyalgie : un profil de neuroinflammation et d'inflammation systémique distinctif
Pour plus d'informations sur le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie, voyez aussi les liens plus bas.
(1) Diana Vu, Jeremy D. Coplan, Xiangling Mao, Michelle Blate, Guoxin Kang, Eli Soto, Tolga Kapusuz.
Psychomédia avec sources : Health Rise (Cort Johnson), FBHB.
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