Un groupe international de 46 scientifiques a publié, le 17 octobre, dans la revue Science « un texte appelant à la prudence quant à une étude, parue en juillet dans cette même revue, sur le potentiel de la plantation massive d'arbres pour atténuer les changements climatiques
», rapporte un communiqué de l'Université de Montréal.
« Cette étude a considérablement surestimé ce potentiel, multipliant par cinq la réelle capacité des arbres nouvellement plantés à freiner la hausse des températures.
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« De plus, planter des arbres au mauvais endroit peut menacer certains écosystèmes, augmenter l’intensité des incendies et à l’inverse exacerber le réchauffement planétaire
», explique le professeur Joseph Veldman, de l’Université A&M du Texas, et 45 autres chercheurs dont Julie Aleman, chercheuse invitée au Département de géographie de l’Université de Montréal et postdoctorante au laboratoire du professeur Veldman.
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Le gaz carbonique (CO2) produit par l’utilisation des énergies fossiles est le principal responsable des changements climatiques actuels. Parce que les arbres capturent le carbone grâce à la photosynthèse, certains scientifiques, groupes de défense de l’environnement et politiques préconisent de planter massivement des arbres comme solution à ces changements.»
L’étude publiée en juillet, signée par Jean-François Bastin et Thomas Crowther de l'École polytechnique fédérale de Zurich et leurs collègues, soutient qu’une plantation massive d’arbres, de l’ordre de 1200 milliards, permettrait d’absorber 205 milliards de tonnes de carbone, soit un tiers du CO2 émis depuis la révolution industrielle.
Cette étude a été financée par une fondation néerlandaise à but non lucratif (DOB Ecology), un groupe encourageant la plantation d'arbres (Plant-for-the-Planet) et le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement.
« La plantation d'arbres peut être une bonne chose dans certaines zones qui ont été déboisées, mais dans des écosystèmes naturellement herbacés ou ouverts tels que des savanes, des prairies ou encore des tourbières comme on en compte beaucoup au Canada, elle va détruire les habitats d’un grand nombre d’espèces végétales et animales et ne permettra pas de séquestrer suffisamment de carbone pour compenser les émissions liées aux énergies fossiles », explique Julie Aleman, spécialisée en biogéographie et en écologie des savanes.
« L'estimation de 205 milliards de tonnes de carbone capturées était si importante que, en juillet 2019, les unes des journaux du monde entier ont déclaré que la plantation d'arbres était la meilleure solution face aux changements climatiques
», rapporte Joseph Veldman. « Nous savons maintenant que ces gros titres étaient faux.
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Parmi les problèmes, cette étude part du principe que les sols des écosystèmes avec peu ou pas d’arbres ne contiennent pas de carbone, alors qu'en réalité de nombreux écosystèmes tels que les savanes ou les tourbières renferment davantage de carbone dans leurs sols que dans la partie aérienne de leur végétation.Cette recherche a également négligé le fait que les forêts de conifères des régions boréales et de hautes montagnes absorbent plus de lumière solaire et émettent plus de chaleur que les zones sans arbres, et exacerbent le réchauffement planétaire au lieu de le diminuer.
Enfin, Joseph Veldman et ses coauteurs soutiennent que la plantation d'arbres dans les écosystèmes naturellement ouverts comme les prairies, les savanes et les tourbières promue dans cet article scientifique est dommageable pour la biodiversité et l'environnement.
Selon Julie Aleman, les savanes sont des écosystèmes naturels avec une histoire qui se compte en milliers, voire en millions d’années ; elles ne sont pas juste des produits de la déforestation.
“Ces écosystèmes sans arbres abritent une immense biodiversité et fournissent des services écosystémiques importants à l’humanité, offrant notamment des zones pour le maintien du pâturage et assurant la recharge en eau des nappes phréatiques”. »
« Il est à craindre qu'une focalisation aveugle sur la plantation d'arbres ne réduise la capacité des populations humaines à s'adapter aux changements climatiques tout en détournant l'attention des efforts de conservation des écosystèmes intacts et de réduction de la consommation de combustibles fossiles
», souligne Joseph Veldman.
« Il faudrait donc, selon les chercheurs, se concentrer davantage sur la restauration écologique, qui pourrait constituer l’une des solutions climatiques naturelles par la restauration non seulement des forêts, mais également des prairies, des savanes, des écosystèmes arbustifs et des tourbières.
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Psychomédia avec sources : Université de Montréal, Science, Science.
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