Chez certaines personnes, la morphine intensifie la douleur au lieu de la soulager. Une étude, publiée dans la revue Nature Neuroscience, a établi quelle voie moléculaire permet à la morphine d’accroître la douleur et laisse entrevoir de nouveaux moyens de rendre la morphine efficace pour un plus grand nombre de personnes.
L'étude, menée par Yves De Koninck de l’Université Laval (Québec) et Michael Salter de l'Université de Toronto avec des collègues internationaux, a permis de dissocier ce phénomène de celui de la tolérance à la morphine, deux manifestations qui jusqu’à maintenant étaient associées aux mêmes mécanismes moléculaires.
"Lorsque la morphine ne parvient plus à réduire adéquatement la douleur, on augmente généralement la dose. Quand une plus forte dose soulage la douleur, on assiste alors à une réaction typique de tolérance à la morphine, un phénomène bien connu. Toutefois, on considère de plus en plus qu’une hausse de la dose de morphine peut, paradoxalement, accentuer la douleur
", explique Michael Salter.
"Les spécialistes de la douleur ont longtemps cru que la tolérance et l’hypersensibilité à la douleur (aussi appelée hyperalgésie) étaient tout simplement deux formes différentes d’une même réponse. Or, nous avons découvert que les processus cellulaires et de transmission des signaux associés à la tolérance à la morphine sont fort différents de ceux liés à l’hyperalgésie induite par la morphine
", ajoute Yves Koninck.
"Nous avons déterminé que la microglie, un groupe de cellules spécialisées de la moelle épinière, était la principale responsable de l’hypersensibilité à la douleur induite par la morphine
", précise Michael Salter. "Lorsque la morphine agit sur certains récepteurs de la microglie, elle déclenche une série de réactions qui, en bout de ligne, augmente l’activité des cellules nerveuses responsables de la transmission des signaux douloureux.
"
La molécule responsable de cet effet secondaire de la morphine est une protéine appelée KCC2, qui contrôle le transport adéquat des ions chlorure et des signaux sensoriels vers le cerveau. L'équipe de chercheurs a déjà entrepris l’identification et l’évaluation de molécules susceptibles de préserver les fonctions de la protéine KCC2.
La voie découverte semble s’appliquer aux traitements à court et à long terme, ce qui permettra d’élaborer de nouvelles stratégies de traitement de la douleur post-opératoire et chronique, précisent les chercheurs. Cette découverte pourrait bénéficier aux personnes qui souffrent de différentes formes de douleur aiguë (notamment la douleur associée au cancer et aux lésions neurologiques) et chez qui la morphine et les autres opiacés entraînent une hypersensibilité à la douleur, conclut Michael Salter.
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