Ca fait beaucoup de bien de se sentir tout simplement comprise et entourée dans un moment comme celui-ci.
J'ai annoncé que j'étais enceinte à mon Chéri hier. Il était en voyage, il arrive aujourd'hui, donc on se verra ce soir.
J'ai eu beaucoup de mal à lui dire, parce que j'avais peur de sa réaction, peur de lui faire peur...
Il a été très compréhensif, il m'a dit de ne pas m'en faire, qu'il était là, tout à côté de moi, qu'il arrivait ce soir...
Ca lui a fait un choc énorme, il était bouleversé.
Ce qui est amusant, c'est qu'il m'a dit :"Je suis retourné là... Pfff... Ca c'est une nouvelle... Il faut que je la digère, c'est énorme... On ne s'y attendait pas du tout... ce n'était pas prévu pour tout de suite...".
Ce soir, quand on va se retrouver, ça va être étrange, on sera potentiellement trois... J'avais tout juste eu le temps de me faire à l'idée qu'on était deux !!!
On va discuter calmement de ce qu'on va faire. D'après ce qu'il m'a dit hier, j'ai le sentiment qu'il n'est pas parti avec l'idée automatique que j'avorte. Il a l'air de penser que, normalement, on devrait tout faire pour le garder.
C'est autour de cela que nous allons discuter. Bien que cela fasse bondir Amicalement (cela dit, je m'en fous... m'a pas l'air très ouverte d'esprit cette personne...), j'ai envie d'être à même d'accueillir cet enfant. Matériellement, mais surtout affectivement (et en effet, abandonner son enfant pour le faire adopter est pour moi la pire des solutions affectives !!!).
Je sais de quoi je parle puisque je suis moi-même un enfant non désiré.
Je ne dirai pas que je ne suis pas heureuse d'être ici, si je suis heureuse, mais, ça peut paraître terrible, mais dans le fond, ma mère aurait pu avorter, ça n'aurait rien changé pour moi, je n'aurai pas vécu, donc je n'en aurais pas été malheureuse, et quelqu'un d'autre, qui n'est finalement jamais venu par ma faute, aurait vécu à ma place, arrivé plus tard au monde... Dans le fond, moi, je n'ai vraiment rien contre.
Je suis heureuse d'être là, mais je porte la culpabilité depuis toujours d'être arrivée à un mauvais moment dans la vie de mes parents : mon arrivée n'a rien brisé dans leur couple, mais elle a brisé des projets matériels que mes parents avaient et n'ont finalement jamais eu la possibilité de répéter... Effet boule de neige, eux qui voulaient 3 enfants (je suis la 2ème), n'ont jamais fait le troisième, puisque tout s'était cassé la gueule par ma faute. Ma naissance a tué leur élan constructif.
C'est au détour de petites remarques anodines, exprimées sur le ton de la plaisanterie que j'ai appris cela... Mes parents ne se sont pas rendus compte du mal qu'ils me faisaient en disant cela ("Ah ben Rose, elle est arrivée sans crier gare ! Elle est un Bébé Oginot comme on les appelle, ces bébés nés des imperfections de la méthode de contraception Oginot..." ou "En fait, je voulais 3 enfants. Quand on t'a eue, on était en train de faire des économies pour acheter une maison, papa voulait changer de boulot, il y allait avoir plein de changements... puis tu es arrivée, du coup on a cassé les économies, remis les plans à plus tard, et puis est arrivé ce qui est arrivé avec le boulot de ton père, les crises du pétrole... bref, donc du coup, on ne pouvait pas mettre le 3ème en route..."...), mais c'est traumatisant. Il ne me suffisait pas d'être là, dans la famille, avec des parents qui subviennent à mes besoins, pour être rassurée et me dire "Ok, je n'ai pas été désirée mais ça ne change rien". J'ai toujours pensé que ça changeait tout, j'ai toujours pensé que j'étais en trop, partout, j'ai toujours pensé que j'aurais été forcément plus aimée si j'avais été désirée, plus considérée...
Oui je suis heureuse d'être là maintenant que j'y suis, mais j'aurais tellement aimé avoir été désirée, pouvoir me dire que ok, mes parents n'ont finalement pas eu la vie qu'il voulait, mais ce n'est pas de ma faute, moi, il m'ont désirée, je fais partie de leur rêve... Non, moi, justement, je ne fais pas vraiment partie de leur rêve, oui il voulait un 2ème enfant, mais pas à ce moment-là, je me dis que mes parents n'ont pas eu la vie qu'ils voulaient, et c'est de "ma" faute (ou de la faute à pas de chance... pas mieux...), je suis arrivée alors qu'ils ne désiraient personne... Je me dis : non, ce n'est pas de ta faute, ils ont choisi de te garder, ils auraient tout aussi pu avorter.
CQFD. J'espère en effet qu'il ont CHOISI de me garder, j'espère qu'ils ont opéré un véritable choix entre me garder et avorter. Moi, je préfèrerais avoir effectivement été avortée plutôt que d'avoir été gardée à contre-coeur.
Mince, on est en 2001, l'avortement existe et est simple, ce n'est pas pour les chiens, c'est pour le confort et le bonheur des parents "pas prêts, pas d'accord" et justement pour celui des enfants, qu'il ne naisse pas des enfants non désirés qui traîneront cela toute leur vie (mais on peut désirer un enfant après sa conception, quand on apprend qu'on est enceinte, il faut juste se poser la question : "Cette nouv elle, qu'est-ce qu'elle me fait..? Ai-je envie de garder l'enfant en moi, ou non ?" On a bien le droit, avec la pilule, de choisir le moment où l'on pourra être féconde !!!).
Moi je veux faire un vrai choix. Je ne veux jamais me retourner un jour en me disant qu'avoir mis au monde cet enfant que j'attends m'empêche de faire des choses dans ma vie qui me tiennent vraiment à coeur et auxquelles j'ai renoncé à contre-coeur quand j'ai sû que j'étais enceinte (tout est dans le à contre-coeur, si j'y renonce dans la joie, très bien !) : je n'ai pas envie que la contrepartie d'une naissance soit une frustration, je n'ai pas envie que mon enfant porte la culpabilité de m'avoir empêchée d'être ce que je veux être. Je n'ai pas envie que mon enfant me dise un jour "Plutôt que d'arrêter ta poterie - ou toute autre chose -, tu aurais mieux fait d'arrêter ta grossesse, si c'est pour me faire porter ton malheur tous les jours...". Moi, il y a des moments où j'ai eu envie de dire cela à mes parents, à chaque fois qu'ils se plaignaient de leur vie. Ils ne me désignaient pas dans ces moments-là, mais moi, je me désignait seule, je savais pourquoi ils avaient cette vie, et je leur en voulais de s'en plaindre devant moi, car indirectement, ils se plaignaient que j'existe...
Ca paraît égoïste, mais je crois au contraire que c'est tout l'inverse. Seulement, je considère que ma vie ne se borne pas à avoir des enfants. J'ai envie de me réaliser dans d'autres domaines, et ce n'est pas pour cela que je serai une mère indigne, bien au contraire, je veux être une mère équilibrée et heureuse.