Bonjour Domino,
Voilà le temps passe. Et je me sens de plus en plus sûre de moi. Je regarde de l’extérieur et je constate que mon état d’esprit change aussi. Je ne me laisse plus tellement atteindre par des sentiments négatifs de jalousie ou de frustration par rapport à la conjointe de mon amoureux ; mais j’ai aussi fermé la porte à la pitié. Je crois que c’est par nécessité. Comment pourrai-je faire face si j’ai trop de compassion ? Ce n’est pas mon rôle d’ailleurs n’est-ce pas ?
Tu m’écris que ma situation n’est pas si hors-normes. Ce qui me paraît inhabituel, c’est le fait que je m’apprête fort possiblement à prévenir la conjointe de mon amant qui lui et moi nous aimons depuis deux ans sous son nez… avec son assentiment (à lui). C’est vrai qu’il a tout fait pour qu’elle comprenne et réagisse, mais les mois passant il est devenu de plus en plus évident que tant qu’elle pourrait passer à côté elle le ferait. Au fond elle a su de façon certaine qu’il l’avait déjà trompée, elle sait aujourd’hui qu’il n’est pas heureux avec elle et qu’il ne la voit pas comme le grand amour
Pourquoi est-elle encore là ? Il me semble que si mon conjoint me disait ces mots-là j’organiserais mon départ
Pour ce qui est d’écrire ce qui se dit, je bats des records. Sais-tu que j’écris tout depuis le début de notre histoire ? J’ai une grosse pile de cahiers qui n’ont pas laissé passer grand chose. Ceci dit, pour arriver à en tirer un résultat clair, il me faudrait bien du travail : j’ai écrit presque tous les jours depuis le mois de juillet 1999 et je n’ai négligé ni la description de mes états d’âme ni mes raisonnements parfois tortueux… Il faudrait que je me fasse un genre de calendrier net et concis depuis ce temps-là, ne mentionnant que les faits.
Je ne comprends pas tout à fait ce que tu veux dire en écrivant « Dans mon souvenir, il n’a pas souvent parlé au présent, en disant que MAINTENANT il lui reprochait ceci ou cela ». Mais il est certain que les mots qu’il lui a dits dernièrement sont allés plus loin. Je peux par contre me demander s’il ne fait pas surtout en sorte de la préparer à ce qui s’en vient.
Et après tout, si cela était ? Au moins nous aurons eu l’impression d’agir de concert.
C’est vrai que je suis impatiente. J’ai tendance à me dire qu’après plus de deux ans j’ai toutes les raisons de l’être. Mais en même temps je suis très consciente que j’ai aujourd’hui beaucoup moins de tolérance face au temps qui passe – ou à n’importe quoi.
Nous nous sommes vus vendredi soir. Il devait accompagner son fils quelque part en début de soirée puis rentrer chez lui. Mais il est venu me retrouver et n’est rentré chez lui que beaucoup plus tard. Sa conjointe l’a appelé toute la soirée sur son téléavertisseur et il n’a retourné aucun de ses appels.
J’illustre ici ce que je t’écrivais sur ma patience qui est désormais très limitée : je lui ai dit que je pouvais lui passer mon téléphone portable et qu’il la rappellerait ainsi tout de suite. Il m’a répondu qu’il ne voulait pas lui mentir devant moi. À quoi j’ai répliqué qu’au point où on en était il n’avait pas à mentir. Il a trouvé 1000 raisons d’esquiver, en particulier que sa sœur était avec elle et qu’il ne pouvait pas lui parler dans ces conditions. Ça m’a fâchée. Et puis j’ai compris que j’allais trop loin.
Il est donc rentré vers 23 h. La sœur de sa conjointe était effectivement avec elle et ainsi elle a très peu questionné. Il est allé se coucher rapidement et le lendemain elle est partie travailler avant qu’il ne se lève. Mais j’avoue que je demeure stupéfaite – même si je devrais m’y être faite :
Domino… Tu attends ta conjointe en début de soirée, elle a quelque chose de rapide à faire, tu penses qu’elle sera là au plus tard à 20 h. Voyant qu’elle n’arrive pas tu l’appelles sur son téléavertisseur ; tu l’appelles plusieurs fois mais elle ne retourne aucun de te appels. Et elle arrive trois heures plus tard… comme une fleur… Laisserais-tu les choses telles quelles ? J’appelle ça de l’inertie. Mais tout le monde connaît la force d’inertie !
Nous avons parlé de la façon dont les choses pourraient se passer. Il continue à dire qu’il faut que ce soit lui qui lui parle, mais aussi qu’il n’est pas du tout sûr d’en être capable. En fait je ne m’attends pas du tout à ce qu’il le puisse. Dans deux semaines exactement j’aurai le feu vert ; à moins qu’au dernier moment il ne me dise non… ce que je respecterai mais qui me fera cette fois vraiment reculer par rapport à nous.
Nous nous entendons sur le fait que je dois être directe et ne pas tenir de long discours ; il y a fort à parier qu’elle ne m’en laisserait pas le temps. Et aussi qu’il vaut mieux que j’appelle plutôt que de chercher à la rencontrer. Malgré tout il me reste la crainte qu’elle ne me laisse pas parler suffisamment. Il se pourrait qu’en sachant seulement qui je suis elle me raccroche au nez non ?
Il m’a dit qu’il ne sait pas comment il se comporterait. Il est sûr d’une seule chose : il ne niera rien de ce que je dirai. Mais si elle décide de s’accrocher quand même ?
Alors il m’apparaît primordial de dire des choses qui portent : qu’elle sache que ça dure quasiment depuis le début de leur vie commune, qu’il m’aime, que je l’aime, et aussi que lui et moi souhaitons refaire nos vies ensemble. Est-ce qu’elle pourra passer par-dessus ça ? Point positif : pourra-t-elle davantage passer par dessus l’humiliation de s’être fait prévenir par moi ?
Il m’arrive de me dire que je pourrais peut-être, au stade où nous en sommes, lui remettre cette responsabilité-là sur le dos. Mais premièrement la date limite n’a pas été fixée totalement au hasard : je me refuse à revivre l’enfer de la période des fêtes que j’ai connu les deux dernières années ; au pire on aura replongé dans la séparation. Et deuxièmement il semble tellement mieux depuis que ce pas en avant a été fait ! Il est indéniable de toute façon que c’est un geste plus facile pour moi que pour lui. Bien sûr ça me rend nerveuse, et il fait déjà partie de mes plans d’avaler un petit verre avant de passer ce coup de fil. Mais foncer pour accomplir un acte qui ressemble à un défi ça me ressemble trop pour m’arrêter.
C’est vrai qu’on se complète.
Ce qui me rend joyeuse aussi c’est de l’entendre faire des projets personnels tout à coup ; ça me paraît le signe évident qu’il se sent entrer dans une phase neuve.
Le lendemain j’ai passé quelques heures entre sa fille et lui. Encore un motif de me réjouir. Cette fois elle « signe » son acceptation voire sa complicité. Je ne rêve pas de la voir renier l’autre mais j’ai tout de même craint longtemps d’être rejetée par cette adolescente de 16 ans.
Un scénario écris-tu ?
Bon ! Je l’appelle. Probablement chez eux quand lui n’y sera pas. J’aimerais mieux que sa fille n’y soit pas non plus mais comment l’éviter ? J’imagine que son premier réflexe sera de le rappeler aussitôt. J’ai songé à prévoir un code que je lui ferai sur son téléavertisseur dès que l’appel sera donné pour le prévenir. Le jeter dehors ? Elle est bien mal placée pour ça puisqu’elle habite sa maison, à lui. Je m’attends à des larmes, des reproches, quelque chose d’assez violent même. Parce que jusqu’ici elle a tout fait pour ne pas se faire rattraper par la réalité et que ce jour-là elle ne le pourra plus. L’impuissance rend parfois méchant (j’en sais quelque chose). J’ose espérer qu’elle aura assez de fierté pour s’en aller rapidement mais je n’en suis même pas sûre. C’est pour ça que je veux que mes mots la frappent assez pour le lui laisser le moins de choix possible : ne pas lui laisser une chance de croire autre chose que la vérité.
Qu’en penses-tu ?
Mon cœur bat de plus en plus fort et il me reste encore deux semaines ! J’ai si peur que tout ça ne s’écroule au dernier moment. Ça me paraît vraiment irréel.
Amicalement,
Livie