Voilà maintenant 3 ans que ça dure, cet enfer.. je ne veux pas être catégorisée, je ne veux pas d'une étiquette, pourtant la réalité c'est que je suis bel et bien malade, impuissante, je suis boulimique.
Je ne contrôle plus ma vie, je ne contrôle plus mes émotions. Je suis impassible devant les autres.. je ne pleure pas, je ne ris pas, enfin, presque pas.. les gens ne comprennent pas et ne tentent pas de comprendre non plus. J'ai délimité mon territoire et n'y entre pas qui veut. D'adolescente en pleine éclosion, fraîche et vive, je suis devenue terne, sans vie, sans attrait.
Je ne vois plus d'intérêt de vivre. Je ne cesse de manger, de vomir, de me priver pour inévitablement retourner dans le cercle vicieux et remanger et revomir et me repriver... et y'a
aussi mes symptômes dépressifs, ces idées noires, l'automutilation, je me détruis car je me déteste. Non, je ne m'aime pas, je n'ai que de la haine pour la personne que je suis devenue. J'ai 18 ans et j'ai déjà raté ma vie.
J'ai tenté de m'en sortir, de voir un psy, j'ai même cessé mes crises de boulimie pendant 2 semaines, je ne me sentais pas mieux, j'ai donc replongé.. tant qu'à être malheureuse, je préfère l'être en me détruisant, j'ai ainsi plus de chance partir plus vite.
Je ne vois plus de sortie, je ne crois plus en ma guérison, je suis boulimique et je mourrai probablement ainsi, dans le secret le plus total. La honte m'envahit à chaque moment, la honte qu'on me découvre, qu'on me juge..
Qui chercherait a comprendre le pourquoi de ces crises?? Qui serait prêt à m'écouter? Je ne mange pas par plaisir, je mange par nécessité. Je ne peux pas gérer mes émotions alors je les étouffe sous des tas de nourriture que je vomis. Je mange parce que je ne sais pas quoi faire d'autres, parce que je ne veux pas vieillir, je ne veux pas être adulte, je ne suis pas prête a assumer mon rôle de femme, je ne veux pas de ce corps, je le détruis, le défais, l'abîme, je ne le tolère pas, je ne me tolère pas.
Qui m'a demandé mon avis? Personne. Et je dois accepter sans broncher ces formes? Ces regards sur mon corps de femmes, alors que je n'ai aucune maturité émotionnelle? C'est injuste. Je ne veux pas de tout ça.
Je suis malheureuse tout simplement, j'essaie de croire qu'un jour je serai bien mais je n'y arrive pas. Ce mal est imprégné en moi, je suis marquée au fer rouge, il n'y a plus rien à faire, rien à espérer.. mais je ne veux pas y penser, je veux oublier.. alors je vais manger.. une fois de plus, une fois de trop.. j'en sais plus rien, ça ne m'importe plus, c'est le quotidien, mon quotidien.
Je vais m'anasthésiée, me dépersonnalisée un peu plus, me suicider lentement, à petite bouchée.. jusqu'à ce que mon corps ne le tolère plus, jusqu'à ce que je trouve la force de demander de l'aide, d'avouer ma fragilité, mon impuissance.. jusqu'au moment ou j'aurai assez de lucidité pour croire en ma chance, en mon droit d'exister.. enfin, ce n'est pas pour demain tout ça... de toutes façons, comme l'ont dit si bien des tas de boulimiques: "je suis arrivée à un carrefour où je dois choisir, c'est guérir ou mourir."
Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire, c'est mon histoire, ma vie.. jusqu'à ce que j'aie le courage de la changer.