En 1953, le Royaume-Uni a mis fin à un rationnement du sucre instauré pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Britanniques se sont alors mis à consommer des confiseries et à sucrer davantage leurs aliments à la maison. En l'espace d'un an, la consommation de sucre du pays double.
Une étude a comparé les trajectoires de santé de personnes nées juste avant la fin du rationnement et juste après.
Les résultats, publiés en octobre 2024 dans la revue Science, démontrent les effets négatifs du sucre dans la petite enfance sur la santé à long terme, soulignent les chercheurs.
Tadeja Gracner de l'Université de Californie du Sud et ses collègues ont analysé les enquêtes sur l’alimentation menées au Royaume-Uni dans les années 1950, ainsi que les ventes annuelles de sucre et de friandises. Par l’intermédiaire de la UK Biobank, ils ont également recueilli des informations médicales sur plus de 60 000 personnes nées entre 1951 et 1956.
Près de 4 000 d’entre elles avaient développé un diabète de type 2 et près de 20 000 souffraient d’hypertension.
Des décennies plus tard, les personnes conçues ou nées après 1953 présentaient des risques plus élevés de diabète de type 2 et d'hypertension que celles nées pendant le rationnement.
« C’est une étude fascinante
», a déclaré Edward Gregg, épidémiologiste au Royal College of Surgeons en Irlande, que relaie le communiqué de la revue Science. « Bien que nous sachions que le sucre influence le risque de diabète, mener une expérience naturelle comme celle-ci, dans laquelle une population entière est soumise à une restriction alimentaire, suivie d’un changement radical et d’un impact important sur le diabète et l’hypertension, est, à mon avis, assez profond.
»
« Le rationnement du sucre a offert une opportunité rare : les bébés conçus avant ou après 1953 auraient eu une exposition au sucre très différente au début de leur vie, mais étaient similaires à tous les autres égards
», souligne le communiqué. « Bien que d’autres produits comme le beurre aient également été dérationnés au milieu des années 1950, aucun n’a connu une telle augmentation de la consommation.
»
Parmi les 60 000 personnes interrogées, la probabilité qu'une personne soit atteinte de l'une ou l'autre de ces pathologies était en lien avec le nombre de jours pendant lesquels le rationnement a été appliqué durant les 1 000 premiers jours de vie. Une personne conçue avant mais née après la fin du rationnement en 1953 avait un risque de diabète inférieur d'environ 15 % à une personne conçue après cette date, et un risque d'hypertension inférieur de 5 %. Les nourrissons qui ont atteint l'âge de 1,5 ans avant la fin du rationnement s'en sortaient encore mieux, avec un risque de diabète inférieur de 40 % et un risque d'hypertension inférieur de 20 % par rapport au groupe qui n'avait jamais été soumis au rationnement. La réduction du risque de diabète était plus prononcée chez les femmes que chez les hommes.
La consommation de sucre dans les premières années de vie pourrait favoriser les maladies plus tard dans la vie de diverses manières, avance Gracner. L’exposition au sucre dans l’utérus pourrait affecter le développement du fœtus d’une manière qui prédispose aux maladies métaboliques. Les nourrissons qui consomment du sucre pourraient également développer un goût pour les aliments sucrés, ce qui les amènerait à manger plus de sucre à l’âge adulte – un résultat pour lequel son équipe dispose de preuves préliminaires. Les chercheurs n’ont pas observé d’effet du dérationnement sur des conditions sans lien évident avec le sucre, comme la myopie ou le diabète de type 1 (qui est plus rare et principalement déterminé génétiquement).
Les autorités de santé publique recommandent de ne pas ajouter de sucre pour les nourrissons pendant les 1 000 premiers jours suivant la conception, une période cruciale pour leur développement. Mais la prévalence des aliments sucrés dans de nombreux pays signifie que les bébés sont exposés à des quantités anormalement élevées de sucre in utero et après la naissance. (Trop de sucre dans les aliments pour bébés, alerte l'OMS/Europe)
La prochaine phase de recherche portera sur l’effet d’un apport en sucre à un stade précoce de la vie sur l’inflammation et le risque de cancer, indiquent les chercheurs.
Notons que les recherches des dernières années montrent que les édulcorants (sucres artificiels) ne représentent pas une bonne solution de remplacement du sucre.
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La quantité quotidienne de sucre recommandée par l'OMS est très vite dépassée
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Préférer les aliments sucrés est lié à plus de dépression, de diabète, d'AVC, d'inflammation…
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Le sucre serait le principal responsable de l'hypertension et non le sel
Pour plus d'informations sur le sucre et la santé, voyez les liens plus bas.
Psychomédia avec sources : Science (article de recherche), Science (communiqué), Université McGill, avec sources : American Association for the Advancement of Science (AAAS).
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