Des zones du cerveau impliquées dans le dégoût social et moral sont activées lorsque des participants considèrent des scénarios dans lesquels le financement des soins de santé sont alloués inégalement, montre une étude publiée dans le Journal of Neuroscience, Psychology, and Economics (JNPE).
Le psychologue Timothy Hodgson de l'Université Lincoln et ses collègues (1) ont utilisé l'imagerie cérébrale par résonance magnétique pour étudier les processus psychologiques, cognitifs et émotionnels, qui sous-tendent les approches utilitaristes de rationnement des ressources dans les soins de santé tels que l'approche des « années de vie ajustées selon la qualité » (Qaly) (2).
L'étude a été menée avec 30 participants. Des images cérébrales étaient prises alors qu'ils devaient juger différents scénarios médicaux et non médicaux de décisions d'allocation inégale de ressources à différents groupes sociaux.
Par la suite, la moitié des participants recevaient une brève formation sur les principes de l'utilitarisme qui est une approche éthique (morale) dont le principe est de viser le plus grand bien pour le plus grand nombre (ce qui peut impliquer par exemple de refuser des soins très coûteux à un petit nombre). La philosophie éthique utilitariste se démarque de l'éthique dite déontologique qui est centrée sur l'application de principes moraux (caractère sacré de la vie, égalité…) de façon absolue indépendamment du contexte.
L'insula antérieure s'activait lorsque les participants sentaient qu'un choix injuste était proposé. Cette région est impliquée dans le dégoût physique mais aussi lors d'un fort sentiment d'outrage moral lors de la perception d'une violation des normes sociales et éthiques. Les scénarios qui concernaient des questions de santé suscitaient les plus vives réactions.
Lorsque les participants qui avaient reçu une initiation aux principes utilitaristes approuvaient des scénarios inégaux d'allocation des ressources, ils semblaient supprimer la réponse de dégoût pour faire des choix rationnels et utilitaristes.
Les images cérébrales montraient une activation du cortex frontal inférieur, une région associée à l'inhibition de réponses. Cette inhibition était beaucoup moins prévalente dans le cas de scénarios médicaux.
Les décisions d'allocation de ressources en santé prises au moyen de systèmes comme le Qaly sont souvent vues négativement par le grand public, soulignent les chercheurs. « Les gens croient souvent plutôt que tout le monde a le droit de recevoir des soins médicaux et que tout ce qui viole ce principe est injuste et immoral.
»
« Lorsqu'ils reçoivent suffisamment d'informations, ils peuvent être plus enclins à appuyer les décisions de soins de santé fondés sur le QALY, mais cela nécessite un effort cognitif pour remplacer un biais, davantage basé sur l'émotion, vers l'égalité absolue et les droits universels
».
Ces résultats sont cohérents, concluent les chercheurs, avec le corpus existant de recherche en psychologie comportementale qui suggère que la prise de décision implique des interactions complexes entre deux systèmes distincts du cerveau : un système rationnel et un système émotionnel.
(1) Lisa J. Smith, Paul Anand et Abdelmalek Benattayallah.
(2) « Quality Adjusted Life Years » (QALYs). Le Qaly est une unité de mesure pour les études coût-utilités des traitements.
Psychomédia avec sources : University of Lincoln, JNPE (abstract), JNPE (article).
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