Diminuer nos attentes
J'aime bien cette idée de diminuer nos attentes. Nos désillusions sont ainsi moins grandes. La descente est moins abrupte.
Mais il demeure tout de même dommage que les patrons aient «d'autres chats à fouetter que nous!!» comme vous dites. Avec le recul, ils pourraient être très aidants pour nous.
Je connais une jeune équipe d'éducateurs qui se sont payés un superviseur. Ils ont considéré leur santé mentale plus importante que les quelques dollars investis. C'est peut-être une autre façon de s'en sortir.
Jean
nos vies
Je crois que je vis plus pleinement dpuis que j'ai croisé la mort sur ma route. IL me semble que ma vie vaut la peine et que je dois y goûter tout le temps que je peux l'avoir!
Elle est un peu comme les fleurs, je les regarde souvent parce qu'elles finissent par faner ou dépérir.
La mort, cette dernière étape de la vie, m'a fait vivre différemment, penser davantage à moi, prendre soin de moi. Lorsqu'elle survient et que je réussis à passer au-travers du deuil, je réalise que je gagne beaucoup de choses, que la personne morte me lègue tout un héritage de vie. C'est cet héritage qui me permet de re-vivre après ce deuil. Je garde des «morceaux» de la personne morte pour moi, très égoïstement.
Jean
support entre collège
la surcharge de travail...et l'épuisement
Vrai! Oui les dossiers dont de plus en plus lourds, le support de moins en moins grand.
Il nous faut être de plus en plus prudent et se supporter les uns les autres...faute d'avoir le support professionnel de nos institutions.
La vulnérabilité nous guette et nous devons être présent à nous, à nos «faiblesses», à nos coéquipiers.
Et cette surcharge n'ira pas en diminuant. Protégeons-nous!
Jean
Placer nos frontières
Parcours de vie...
Bonjour,
D'accord pour le terme parcours de vie et merci, j'aime bien votre façon de raconter.
J'ai beaucoup hésité avant d'écrire, voilà pour le délai de ce message. En parlant de deuils, j'avais plusieurs choses à raconter et je trouvais ça trop lourd de le faire comme j'avais pensé le faire. Ce n'est pas si simple de faire face à la mort, autant dans sa vie personnelle que professionnelle. Il y a des gens qui passent dans nos vies et qui laissent leurs traces, des gens qu'on n'oublie pas, des visages dont les traits ne s'effacent pas.
Depuis 5 1/2 ans je ne travaille plus en milieu hospitalier, mais dans une Résidence pour personnes âgées autonomes. Il y a près de 3 ans, j'ai perdu mon vieil ami de nuit. Toutes les fois où je travaillais il venait passer quelques heures en ma compagnie, il avait toujours un tas de trucs à raconter, je l'aimais beaucoup et c'était réciproque. Je suis revenue un jour de congé, il avait été transféré d'urgence aux soins intensifs. J'y suis allée le lendemain avant de prendre mon service et suis retournée à la fin de celui-ci également dans l'espoir de lui parler. Je savais qu'il était très anxieux face à la mort, les autres fois où il avait dû aller à l'hôpital je lui téléphonais ou il le faisait lui-même et ça lui faisait du bien, mais cette fois il était inconscient. Je lui ai parlé sans savoir s'il m'entendait, il est mort peu de temps après ma dernière visite. J'ai eu beaucoup de peine. Par la suite je me suis dit que je devais garder une certaine distance entre moi et les résident(e)s, mais bon c'est une belle théorie, difficilement applicable. Maintenant je ne me déplace plus pour aller les voir à l'hôpital ou en Centre d'accueil (ce n'est pas dit que je ne le referai jamais, mais jusqu'à maintenant j'ai gardé cette façon de faire). Ce qui diffère beaucoup du milieu hospitalier, c'est que je peux exprimer aux autres membres de l'équipe ce que je ressens (et eux de même)et en discuter.
La mort a une autre dimension. Elle a toujours été présente dans ma vie, encore plus maintenant, parce que la clientèle est en fin de parcours. Je les vois encore partir mais pas de la même manière. Il y a eu des moments pas mal plus difficiles. Je ne sais pas si je peux dire qu'on s'habitue à la mort ou si on accepte le fait que c'est l'aboutissement d'un parcours de vie. En tout cas, ça nous donne des sujets de réflexions, ça nous permet de remettre en questions certaines de nos valeurs et/ou de modifier certaines façons de voir les choses... d'apprécier.. la vie ?!
Aquarelle
le dernier tant et aussi longtemps que...
Je suis contente que ma réflexion t'ait inspirée.
Bonne journée.
Son puits
Quelle belle image! N'est-ce pas que c'est toujours le dernier puits que l'on remplit?
Jean
Réponse de Josée Leboeuf, sexologue
J'avais juste envie de mettre des mots différents sur ton paradoxe... Une citation que j'aime bien:
Il faut d'abord remplir son propre puit, pour pouvoir donner à boire aux autres.
Bonne journée à tous.
l'équipe...malade
Eh oui! J'aime votre idée qu'un groupe de travail puisse reproduire des modes de fonctionnement des gens aidés. Parfois, les personnes aidées amènent avec elle leur système, leur pattern de relation et nous les «imposent». Nous nous laissons prendre dans ce jeu systémique et nous adoptons les mêmes modes de relation qu'elles.
A mon sens, il faut beaucoup de vigilance et une confiance en nos coéquipiers pour éviter un tel piège. Confiance dans celui ou celle qui remet en question le mode d'intervention de l'équipe. Il faut savoir l'écouter, écouter derrière la critique le fondement de sa vision. Parfois un seul membre de l'équipe peut voir autre chose et nous éviter de bien difficiles moments avec les clients.
Oui, soignons notre équipe, dorlotons-là!
Jean
Les limites individuelles, limites de l'équipe
Par ailleurs le métier de soignant a en soi un paradoxe: c'est parce qu'il y a des malades qu'il y a des soignants. Du coup l'identité du soignant dépend en quelque sorte de l'existance des malades! Sans malades y aurait-il des soignants?
Serait-ce cette identité dépendante de celle du malade celle qui donne lieu au phénomène concu comme la "chronicisation des soignants"?
L'équipe dans certains cas est un support important, surtout quand il s'agit d'une équipe "questionnante" come vous dites, et donc qui aide à penser. N'empêche je trouve que là aussi l'équipe elle même a besoin d'espaces où elle puisse être interrogée. En effet, il faut également pouvoir penser ce qui touche l'équipe, la facon dont un groupe de travail peut aboutir à reproduire des modes de fonctionnement propres aux pathologies qu'elle prend en charge.
Une histoire à raconter...
Est-ce davantage un parcours de vie qu'une histoire? Je ne sais trop.
Ce que je sais, c'est que j'ai été longtemps, très longtemps silencieux. J'ai peu parlé de ce que je vivais ou ressentais. Parfois, je me suis caché derrière le professionnel, le rationnel. Et lorsque je me suis ouvert, j'ai eu peur de devenir très perméable. Et je le suis devenu un peu, parfois beaucoup. Les clientes avec lesquelles je travaillais, dont je parle dans mon livre, me parlaient de leur souffrance et j'en prenais une grande partie.
Leurs peurs, leur besoin d'amour et d'aimer, leur impuissance me rejoignaient dans ma vie personnelle et professionnelle. Dans mes débuts professionnels, j'ai joué au sauveur et j'ai été envahi par les «sauvées». Je les avais constamment en tête, je pensais à des moyens de les aider, je me poussais loin, tout près de la limite «dangereuse». Comme si je voulais combler mes besoins inassouvis par le biais de ces femmes.
Tout au long de mon parcours de vie professionnel et personnel, j'ai été confronté à des deuils, des personnes mortes dans mon entourage. Et parfois, cela se produisait alternativement dans mes «deux vies». Perte d'un enfant, perte d'un jeune élève qui s'est suicidé. Perte d'un ami avec qui j'avais beaucoup de plaisir à travailler, mort d'un enfant d'une femme que j'accompagnais au centre d'accueil. Bizarre, non?
Voilà un peu pourquoi je parle de cet envahissement de la souffrance des aidés dans ma vie et nos vies d'intervenant.
Jean
Chacun de nous a une histoire à raconter
Je ne crois pas être si courageuse, en parler peut en aider d’autres à s’ouvrir également.
Le pire souvent est de croire qu’on est seul(e) à vivre le genre de difficultés que l’on rencontre sur notre route.
Oui beaucoup de souffrance, mais des moments inoubliables aussi (dans un sens positif).
Il y a une histoire à raconter derrière vos réflexions, j’aimerais bien la connaître un peu.
Aquarelle
la reconstruction...
Quel mot! Et quel travail sur soi!
Je vous trouve courageuse d'en parler. Parce que ce qu'on oublie de ce travail avec les gens en souffrance, c'est qu'il vient éveiller les vieilles blessures, ré-ouvrir parfois les cicatrices que nous croyions fermées. Ce fut le cas pour moi. Plusieurs situations d'intervention m'ont confronté à de vieilles peurs ou souffrances que je croyais «guéries» à jamais. Mon besoin d'être aimé, mon besoin de valorisation, mes relations avec les femmes, ma peur de l'échec.
Beaucoup de moi dans tout cela. Et beaucoup de travail personnel, de questionnements, de remise en question, de thérapie parfois. A tout le moins, beaucoup de souffrance.
Jean
le partage en équipe
Oui, je suis d'accord avec vous concernant le partage dans le quotidien, dans l'instant suivant la situation. Parfois, il faut attendre trop longtemps avant d'en parler et nous passons à la rationnalisation. Je ne dis pas qu'il faut oublier de rationnaliser! Mais sur le mmoment, l'émotion a besoin de s'extérioriser, il nous faut la liquider, la vider, la dire, la pleurer, la rager!
Ce partage quotidien, de petits instants de répit, de petites bouffées de santémentale sont nécessaires.
Jean
Reconnaître nos limites
Faire un tel travail gruge nos énergies constamment. C'est un peu comme une maison avec un système de chauffage central: il faut, à l'occasion, y mettre du carburant. Et je crois que le carburant pourrait être soit une bonne supervision professionnelle soit une équipe aidante et supportante mais aussi questionnante. Pourquoi j'investis tant avec ce client? Pourquoi je fais tant d'efforts? Pourquoi ai-je l'impression d'être le seul à ramer dans cette chaloupe?
Cette supervision me permet de voir si j'investis trop, si je participe trop à la souffrance des gens. Elle me permet de me questionner sur mes limites, de m'objectiver.
Une autre question, parfois plus «plate» que je me pose: est- ce que j'ai besoin de ce client pour me valoriser, pour bâtir monidentité, pour consolider ma personnalité?
Jean
la fatigue de compassion
Accepter nos limites, notre impuissance devant cette réalité bouleversée est biensûr le point de départ. Avoir un temps de travail personnel est indispensable. Être à l'écoute du patient et de ce qui pour lui a été traumatisant nous permet d'éviter des préjugés rapides qui pourraient entraver le processus thérapeutique...
Malgré cela au bout des mois, on commence a se demander comment est-ce qu'on peut reconnaître sa propre limite, voir jusqu'à quand peut-on continuer à faire ce travail? C'est comme si on vivait avec les doigts branchés à la prise: du haut voltage en permanence! C'est vraiment une grosse fatigue! Alors comment l'éviter, la surmonter, reprendre une distance quand on vit soit même cette réalité? Quelle est cette limite que nous devons reconnaître pour rester des bons thérapeutes?
Se renier soi-même...
Vous touchez un point important dont je saisis maintenant la portée. Par le passé j’y ai été confronté à maintes reprises. Plusieurs personnes expriment leur souffrance par la colère, les injures, les cris ect. De même que l’immobilisation physique de personnes en crise où nous devions être 4 à 6 personnes pour en venir à bout. J’ai toujours réussi à maîtriser mes propres émotions (ou devrais-je dire contenir?), en fait, je n’avais pas de ressentiment envers ces gens, je comprenais que leur colère ne s’adressait pas directement à moi. Je croyais que j’avais une certaine facilité à m’occuper de ce genre de personnes parce que j’arrivais assez bien en général à les calmer, à les amener à s’exprimer de façon plus posée tel que l’on m’avait enseigné.
Avec le temps, en y réfléchissant, j’en suis venue à penser qu’à la base de notre formation il y a un problème. Si on prône le respect et la dignité de la personne humaine à mon avis on doit y inclure les aidants également, leur donner des outils, non pas pour qu’ils soient violents à leur tour, mais pour se prémunir. Le fait de croire qu’on « comprend » la violence verbale déresponsabilise ceux qui usent de violence, dans le sens qu’on les excuse d’emblée. Je « dois » comprendre puisqu’il est malade. Je « dois » comprendre puisqu’il ressent de la frustration ect… ça fait beaucoup de « je dois » en bout de ligne. Non seulement on se donne le devoir de comprendre et d’excuser, mais on perd de vue la notion de violence…et on se perd de vue aussi. C’est ce qui m’est arrivé dans ma vie personnelle. J’ai vécu pendant plusieurs années dans un climat de violence verbale sans lui prêter même ce nom. Je réalise aujourd’hui que je réagissais exactement comme je l’avais appris dans mon travail, en me reniant moi, en refusant de considérer que je n’avais pas à accepter ni excuser cette violence, cette solution ne me venait même pas à l’esprit.
Actuellement je suis en plein travail de reconstruction, je réapprends à m’affirmer, à dire plutôt que taire, ce n’est pas si facile parce que je me rends compte que je réagis parfois de façon trop émotive. C’est ça qui m’embête, parce que dans ces moments-là je me sens vulnérable et maladroite, je n’ai pas toujours une explication rationnelle à une réaction émotive. Si on grandit à force de tâtonnements et d’expériences, alors je peux dire que je suis sur la bonne voie.
Aquarelle
Notre silence sur nos bobos...psychologiques!
Pourquoi est-ce si difficile me dites-vous? Bonne question. Peut-être sommes-nous formés pour «guérir» les gens, pour les aider, pour les écouter et qu'il nous semble normal de pouvoir le faire pour soi. Combien de fois me suis-je dit:« Je vais m'en sortir seul, je suis capable d'aider les autres donc je serai capable de m'aider!»
Votre exemple du gardien de prison me fait aussi penser à un ami qui travaillait en relation d'aide et il était patron. Il réglait des tonnes de problèmes dans une journée, écoutait ses employés, assurait un suivi de leur dossier. Un champion! Puis un jour, il m'appelle et m'annonce qu'il est en congé maladie: épuisement et dépression nerveuse. Ouf!
J'ai constaté que chez les aidants, il y avait quelque chose qui ressemblait à un échec au fait de demander de l'aide pour soi. Ils veulent se distinguer de leur clientèle et se disent qu'ils ne sont pas si «mal pris» qu'eux, qu'ils ne sont pas rendus si loin que ces personnes. Avouer qu'on a besoin d'aide nous replace dans le format «humain» et dans la même «ligne» que nos clients. D'où ce sentiment d'échec et de honte surtout.
Un dernier élément: la pente est à mon avis plus abrupte à gravir lorsque la souffrance des aidés se traduit par la colère ou la violence envers nous. Se faire engueuler, crier des injures, devoir faire des arrêts d'agir physique, tout cela est très bouleversant. Et on sait très bien que la violence isole les victimes. Lorsque je suis aidant et que je subis des violences verbales, j'ai d'autant plus de difficulté à le dire puisque je risque d'être étiquetté de mauvais aidant ou bien que j'aurais dû l'arrêter, ne pas me laisser insulter ou traiter ainsi.
Je crois qu'on oublie beaucoup cet aspect dans la souffrance des aidés.
Pourquoi est-ce si difficile?
Je crois que cette difficulté doit être la même dans pratiquement tous les milieux de travail qui ont un rapport avec une certaine clientèle (travail social, éducation, nursing ect..) Je me souviens d’une histoire incroyable mais qui est véridique : celle d ‘un gardien de prison qui travaillait depuis x nombre d’années au même endroit. Pendant un an il a vécu sur les revenus de son fonds de pension avant d’avouer à sa femme qu’il avait donné sa démission. Elle ne s’était douté de rien. Il partait avec son lunch soit-disant pour le travail et rentrait aux mêmes heures. Diagnostic : burn out. Quand il m’a raconté son histoire il était sur l’assistance publique… il avait tout perdu; sa maison, sa voiture… mais il était plus proche de sa femme et de ses filles…ça chambarde une vie! La question qui me brûlait les lèvres est : pourquoi? Pourquoi ne pas avoir demandé de l’aide avant d’avoir atteint cette extrémité? Pourquoi ne pas en avoir parlé même à ses proches? Je n’ai pas pu la poser. Sur le coup ça m’apparaissait trop incroyable pour être vrai, pourtant ça l’était. J’avais le souvenir d’un gros bonhomme jovial et là il avait changé. Aujourd’hui on m’a confirmé qu’il travaille toujours comme gardien, pas au même endroit, mais comme je ne l’ai pas revu depuis plusieurs années, je ne sais pas comment il s’en est sorti.
J’ai souvent eu envie de fuir aussi, pas de cette façon, mais envie de claquer la porte, de dire adieu à tous les bobos du monde. Le premier geste que j’ai posé a été de suivre un cours d’agent de voyage (j’avais mon trip! hihihi). Un beau rêve peuplé d’exotisme; les décors ennivrants, le sourire des clients, le soleil, le sable chaud ect… Finalement je me suis contentée d’un voyage au Mexique
Vous dites que « parfois l’équipe nous est d’un grand secours dans ces situations », est-ce que ça signifie que c’est rarement le cas? Pourquoi est-ce ainsi? Pourquoi ce silence à votre avis?
Je garde de précieux souvenirs d’un département où j’ai travaillé. Une équipe formidable malgré les conditions de travail existantes.
Nous travaillions presqu’exclusivement dans les corridors et à un rythme exigeant auprès d’une clientèle variée demandant une surveillance rapprochée. Aucune compétition, aucune lutte de savoir, mais du partage et de l’entraide. J’ai quitté avec regrets pour un poste à temps complet car on savait que ce département fermerait et effectivement il n’existe plus depuis de nombreuses années. Je n’ai jamais retrouvé cet esprit d’équipe dans le secteur hospitalier, c’est bien dommage.
Aquarelle
Taire sa souffrance
J'ai aussi appris à taire cette souffrance ou à tout le moins à chosir à qui je me permettais de la montrer et de la vivre. Parfois, je voulais changer le monde, faire du missionnariat. Je me suis cogné à des incompréhensions et fait mal à l'occasion.
Mais il est vrai, comme vous le dites, qu'il est possible d'en parler. Et d else laisser toucher par celle des autres.
Parfois l'équipe nous est d'un grand secours dans ces situations.
Je crois que cela est aussi partie prenante de nos limites, de dire ce que nous ressentons, dans nos mots à nous. Dans notre façon de s'exprimer et d'être face à la souffrance, la nôtre et celle des autres.
Mais qu'il est difficile dans un monde de relation d'aide de dire que nous sommes parfois en besoin d'aide!
Jean
Se taire et se cacher
être synonyme de rendement, d'efficacité dans ses interventions. La faiblesse, la vulnérabilité
ne sont même pas des mots qu'on prononce entre nous. Les infirmières sont dévouées, elles n'ont
pas d'émotions, elles sont là par vocation voyons )
Personnellement je n'ai pas ressenti cette peur de paraître trop faible ou vulnérable, au contraire,
je désirais briser cette image de dévouement stoïque et lui superposer une image plus humaine, plus
réaliste. Oh bien sûr je n'ai pas changé la face du monde, ni fait des actions d'éclats, mais autour
de moi j'ai essayé de sensibiliser les gens au fait que je n'étais pas un robot, que derrière l'image
de la professionnelle il y avait un coeur qui battait et qui pouvait comprendre la souffrance,
l'impuissance, la révolte.
Cependant, j'ai appris à taire ma propre souffrance, à l'enrober, à la réduire à quelques anecdotes et
généralités qui ne choquaient pas trop la sensibilité de mon entourage immédiat. S'ouvrir aux autres
devient impossible lorsqu'ils ne sont pas en mesure de recevoir, d'écouter. De temps à autre on soulève
le couvercle et laisse passer quelques réflexions, puis on referme en vitesse parce que l'on se rend
compte que déjà l'autre n'écoute plus.
Se taire, se cacher, se refermer deviennent des moyens de défense, pas les meilleurs je l'admet parce que
pour être bien, pour apprivoiser sa vulnérabilité il faut refaire le chemin inverse: l'exprimer.
Je pense que la véritable faiblesse est alors de nier son besoin d'écoute et de ne pas prendre les moyens
pour y répondre. Alors oui, cela rejoint ce que vous laissez comme questionnement à la fin de votre message.
Aquarelle
réponse à Tact
Jean
La distance...salutaire(psyrel)
Réponse à Aquarelle
Je suis d'accord avec vous. Effectivement, sur le marché du travail, peu de gens se soucient de cette problématique. Je crois que la notion de performance, de réussite à tout prix y est pour beaucoup dans ce phénomène. Peut-être aussi la peur de paraître trop faible ou vulnérable nous retient de le partager aux autres ou de nous ouvrir aux autres. J'ai été de ce nombre. je me sentais «faible» de vivre ou de ressentir des émotions que je vivais par le contact prolongé avec la souffrance. Pourtant, la faiblesse n'est-elle pas plutôt de se cacher et de se taire?
Jean
Re: "la fatigue de compassion"
Je me souviens qu'au tout début de ma formation d'infirmière, on insistait sur la différence entre la sympathie et l'empathie.
Etre empathique tient de la capacité à se mettre à la place d'autrui, alors qu'être sympathique inclus une participation aux sentiments des autres que l'empathie n'a pas, peut-être comme vous le mentionnez à cause du fait qu'elle rejoint nos propres souffrances. Je dis peut-être parce que c'est une possibilité mais pas l'unique, elle peut tout simplement provenir de la possibilité ou non d'évacuer nos propres émotions face à cette souffrance que l'on reçoit sur une base régulière. Je pense qu'être confronté(e) à la souffrance nous fait remettre en question certaines valeurs personnelles et sociales.
J'ai remarqué que lorsqu'un lien se crée entre moi et la personne aidée, je deviens plus vulnérable, plus sensible à ce que cette personne vit. C'est là qu'entre en jeu la notion de "sympathie", je comprends sa souffrance et la
ressens même si je n'ai pas vécu ce que cette personne vit. Tact parle de "frontière", c'est un terme plutôt récent pour moi, pas vraiment inconnu, j'utilisais plutôt l'expression "fermer la porte derrière soi". Psyrel parle de la distance salutaire, les termes se rejoignent, se complètent plutôt. Je me demande simplement... pourquoi est-ce qu'on ne souligne pas davantage ces principes dans les milieux de travail où les gens sont en position d'aidants. Il y aurait
peut-être moins de burn-out?
Aquarelle