Je me suis trouvée mes lèvres toutes proches des siennes. Désireuse de les connaître, de les goûter, j'approchais doucement vers lui. Sans violence et sans déchaînement des passions, nous établîmes un étroit contact mu par un conjoint désir que nous scellâmes en un très doux baiser. Ses lèvres se collèrent au miennes en une quasi-osmose. Ce sentiment de "perfection" m'étonna d'ailleurs tant que je lui en fis part dans un souffle.
Des baisers et des bouches, oui je connais. Mais il y a "les baisers" et "les bouches". Et ceux et celles que l'on n'oublie pas. Celles qui sont douces, molles, tendres, mordantes, violentes, insignifiantes, froides, dures, sans aucun doute ou encore et c'est pire ... sans commentaires, désagréables, humides, putrides, quelconques, insipides.
Et puis, émerge parfois LE BAISER, celui auquel on ne s'attend pas, celui qui est doux, chaud, réel, tel quel et sans façon, naturel et sans condition, celui qui finalement vous surprend et vous laisse un souvenir. Celui qu'on n'oubliera peut-être pas, bien que sans nostalgie. En un mot LE BAISER. Celui de la bouche et de lèvres écartées, entrouvertes. Une bouche dévorante et gourmande qui se donne et qui ne sais ce qu'elle donne. Une bouche qui cherche aussi, et sans chercher. Une bouche qui ne calcule pas. Juste une bouche qui en embrasse une autre, spontanément, avec ses habitudes de bouche et qui rencontre l'autre, qui attend tout et finalement rien de l'autre, mais qui reçoit. Une bouche avec laquelle c'est un peu la surprise, la profonde découverte mais qui occasionne surtout d'en savoir et d'en avoir plus ... et plus encore.
De cette bouche ferme qui franchit les hésitations, la surhumidité et la mollesse, il en jaillit le désir. Le désir qui envahit, inonde l'âme et le corps. Le désir, le désir de toujours, toujours plus, toujours plus loin. Alors les corps s'emballent, les pupilles se dilatent et les sexes frémissent sous l'emprise de ce baiser. Chacun isolément et sagement rangés, ils débordent, se trémoussent, vibrent, se manifestent et finissent par jaillir de leur endroit. Dès lors ils s'affichent, se montrent, s'exhibent et s'affrontent, s'offrent et se tendent. Leur rencontre est imminente mais les corps ont aussi leur desiderata, souhaitent en tout point s'affronter. Les sexes existent et font vibrer, onduler mais les corps se meuvent et s'émeuvent, se cherchent et s'enlacent pour mieux se découvrir. Chaque petit centimètre dévoilé est un signe de victoire. D'hésitations en tâtonnements, les corps s'apprivoisent.
Et pourtant, il est si difficile de se remémorer la position des êtres au moment où le désir les prend. A tout bien réfléchir, il y a toujours des "trous" et des passages aveugles, des secondes qui manquent, qu'on a bien vécues mais qui sont impossibles à revisionner. Les sensations sont là mais pas les enchaînements.
Perdre la conscience est le plus pur impact de la schizophrénie, la schizophrénie de l'état d'amour, la petite folie.
Ensuite on se découvre nus et transis de désir. Les premières barrières matérialisées par les vêtements viennent de se lever et dès lors les soutiens-gorge s'affichent en bataille, les collants filent, les chemises rendent leur dernier bouton et les pantalons semblent voler en éclat sous l'impulsion de l'imminence ... l'imminence de l'acte d'amour...
Voilà ce que j'avais écrit sous l'inspiration de Jérôme en 1998. C'était la première fois de ma vie que j'éprouvais une telle chose...
Où plutôt, il faut ici entendre que c'était le premier qui m'avait -enfin- inspiré cela.
Pas mal non ?