J'ai vécu ma première bouffée délirante à 20 ans, en 1982. Auparavant ma famille me placait régulièrement en psychatrie, parfois même pour de simples insomnies, sans qu'il n'y ait de corrélation psycho pathologique établie (les médecins de famille
pouvaient encore faire procéder à un internement, sans aucune vérification des réalités de l'état de santé d'une personne : ce médecin et mon père étaient de très bons amis, et mon père un commercial réputé... Inutile d'en dire plus, je crois...) Ces hospitalisations arbitraires m'ont fragilisés, avant que je ne trouve un échappatoire... Le suivi psycho-thérapeutique s'est déroulé pendant 2 ans, et cela toujours en présence du thérapeute et de mon père, lors de ces entretiens. Ne rien pouvoir dire, de fait, de ses brimades permanentes (lorsque j'avais 5 ans ma mère le suppliait à genoux de m'appeller par mon prénom, et de me parler, exemple assez anodin, pour situer ce que fut mon enfance...) Cette impossibilité de communiquer mes souffrances à ce médecin, l'obligation de me protéger contre ce thérapeute que je voyais davantage comme un allié de mon père que comme un soutien potentiel, ou une aide possible pour échapper à ces violences morales et privatives de liberté, ont fini par engendrer le pire... D'autant que ces mises en causes paternelles permanentes compromettaient mes disponibilités au travail, et m'obligèrent, faute d'avoir un domicile, à rester chez mes parents jusqu'à 27 ans, cible permanente de brimades en tout genre. Il est peut-être difficile de comprendre pourquoi je suis resté : J'avais fini par être convaincu que je ne valais rien, et que je ne serai jamais rien... Mon père, "rassurant", me donnait tout ce qu'il m'était de première nécessité.
J'ai été dressé comme on dresse un animal.
Trouver un refuge où j'avais enfin une valeur, une légitimité à exister, une importance, un droit de vivre, simplement, comme un homme, avec des droits... dont j'étais régulièrement privé. Pour ne plus être ainsi bridé dans mon désir d'épanouissement, j'ai pris un autre chemin, pour survivre. Je vivais ma douleur seul, protégé par mon univers virtuel. Mais que de souffrances !
N'ayant jamais pu évacuer les souffrances que j'ai enduré de mon père (ma mère était inexistante, peu affective et parfois violente, non en acte, mais en propos blessants, sournois, à double sens... C'est encore un manque terrible pour moi. Elle n'a pas changé. Ses attaques sont encore monnaie courante : Elle vit maintenant au Costa-Rica, et est en France pour deux mois : Elle refuse de me voir, de me parler, de m'écouter, de recevoir ma demande : ce que je voudrai lui demander ? Juste d'Amour... Pour lui dire que j'ai aussi un jour, je l'espère, son fils, leur fils. Pourquoi tout cela !?
En 1984, j'ai "trouvé", en réponse à ces brutalités de l'âme, un échappatoire. Et quel issue ! Délire messianique... Prolongé.. 6 ans de vie fictive, pour me protéger. Avec toutes les conséquences que cela implique. Mais c'était si sécurisant, si apaisant ! Les symptômes étaient parfaitement cachés (on s'habitue à survivre dans des milieux hostiles, j'en ai une expérience, je crois, assez peu commune...) Nombre de psychiatres, après consultation "de routine familiale", m'ont déclarés sain d'esprit... Fin des hospitalisations... Jusqu'au début des Hallucinations visuelles, auditives, sensorielles (jusqu'à la mutilation, pour me défaire d'une hallucination...) Le délire messianique ? C'est un combat de chaque seconde avec le diable, dans ce qu'il a de pire, avec pour seul allié nos convictions et notre honneur, notre loyauté, nos sentiments nobles... Ce qui différencie l'homme digne de l'animal. Que d'horreurs j'ai vécu ! De 1984 à 1989, ma vie a été ainsi. Chaque seconde...
Au fait : A 23 ans (date fatidique), j'était heureux, entouré d'amis, et enthousiaste à l'idée de créer une petite entreprise avec des amis proches. Le vide fut fait autour de moi par mon père. Je n'ai revu qu'un de ces amis, il y a quelques mois. Nous nous sommes retrouvés avec joie. Il m'a expliqué comment il avait été écarté de mon entourage... Pour donner une idée un peu particulière, j'étais alors "le chien de mon père", bien en cage, et avec interdiction de voir quiconque... Oui, il y a des gens comme ça... Nous partageons régulièrement des loisirs. Il est un de mes trois soutiens...
De plus, j'était le cadet de trois enfants. Mes deux ainés, dès leur jeune age, ont suivi l'exemple paternel avec amusement (verres d'eau sur le visage le matin, en guise de réveil, accusations de fautes qu'ils avaient eux même commises, médisances auprès de tous (j'habitait une petite commune de 5000 habitants) J'ai appris ainsi que leurs confidences "attristées" portaient sur le fait que j'étais un "psychopathe- schyzophrène irrécupérable", je cite, malheureusement... En plus de n'avoir pas de famille, j'avais perdu mes amis, et mon entourage me méprisait, de par les "ouï-dires" propagés par mes "proches".
Difficile à croire ? Pourquoi prendrai-je la peine d'écrire, alors ? Parce que je me libère un peu ainsi de mes souffrances, qui sont encore bien présentes. Parce que je voudrai être reconnu, non pas pour ce que l'on veut que je sois, mais pour ce que je suis... Et cette vie est malheureusement la mienne. On l'a "choisi" pour moi...
Je pense parfois au suicide, car ce serai un délivrance... Parfois, en regard de ma vie, et face à l'incessante douleur que j'endure, la mort me parait douce et accueillante, un peu comme une amie, qui enfin me laissera pleurer toutes les larmes de mon corps, jusqu'à ce que j'aille mieux... Ma vie à été sans pitié, malgré ma sensibilité, et la douceur et le réconfort que j'ai toujours donné à ceux qui en avaient besoin, à tous les "laissés pour compte"... Mes Frères d'infortune...
Mon père est mort en 1997. J'en ai été triste. De ce qu'il ne m'ai pas compris, ou seulement entendu, voire écouté...
Aujourd'hui, le relai est pris par mon frère, ma soeur, ma mère. J'ai pourtant vécu plus de dix ans sans souci, comme tout le monde. Avec un travail responsable, des amis, des activités, un comportement tout ce qu'il y a de plus normal. Mais je n'ai jamais vu mes neveux, ma soeur s'y refuse, des fois que la bétise soit contagieuse... C'est triste. Mon frère arrive aujourd'hui, clamant haut et fort qu'il est "le grand frère" : Où était il, lorsqu'il ne me discréditait pas aux yeux de mes parents (non, ce n'est pas une idée fausse, et encore moins imaginaire) Il arrive avec ses ordres, ses conditions... Ma mère vit chez lui, pendant son voyage en France : Je n'ai jamais pu lui parler au téléphone, et je ne l'ai vu qu'une fois, une petite heure...
Des circonstances actuelles (j'ai prêté une moto et un ordinateur à un de leurs amis est aujourd'hui source de conflit : Il paraît que je les ai donnés ! C'est mon seul moyen de transport, et informaticien de métier, j'ai dû me racheter un PC... Ces 20 et quelques milliers de francs sont désormais la "propriété d'un de leurs amis, que je ne connais même pas. Et à réclamer cela, le ton est monté, jusqu'à ce que je me fasse traiter de malade mental. Ma mère m'a sommée de cesser ces exigences : Ce que je n'ai pas fait. Je suis donc aujourd'hui privé de tout lien avec quiconque de ma famille, pour avoir été abusif dans ma demande à retrouver ce qui m'appartient...
Je suis aujourd'hui épuisé de tout cela. Je commence à avoir des idées suicidaires, et l'alcool et la drogue sont entrés depuis peu dans ma vie.
Qu'ai-je fait pour mériter celà ? Je n'ai jamais reçu aucune explication pour ces agissements. Un non-dit qui me relègue au rang de mort-vivant.
Dans ce mot composé, un seul me gène encore vraiment : vivant. L'autre me rassure, et j'attends depuis longtemps de mourir, et avec un peu de chance, sans que je l'ai décidé : Je ne méritait pas cela, et je suis révolté à l'idée de leur donner cette dernière victoire sur moi...
C'est la seule chose qu'il me reste. Et je tiendrai jusqu'au bout, pour ne pas leur offrir cela...
Mais j'aimerai tellement que tout cela s'arrête, et que je vive enfin une vie heureuse ! N'y ai-je pas droit, après tout cela ?
J'espère tant que ces rêves deviennent, un jour, ma réalité...
Bon courage à vous tous, qui vivez le désespoir. L'espoir est là aussi, pour compenser...
Pierre-Philippe