La différence contre l’indifférence
UN TEMOIGNAGE SANS TABOU
Catherine Melchior signe avec « Je ne sais pas », Éd, Bénévent, son premier livre (disponible sur amazon.fr). Une réalité décrite comme un catalogue quotidien d'expiations, un témoignage déchirant du silence glacial qui l'habite sans répit. Une histoire vraie. Sans complaisance. Déroutante par une impudeur à abattre toutes les façades du bien penser en société. Comme pour tellement d'autres personnes victimes de « troubles de la personnalité », tortionnaires d'eux-mêmes, la violence est permanente dans un monde perçu comme sans issue. Alors, « prenons le temps de découvrir ce qui se cache derrière chaque visage car tout le monde cache quelque chose : une histoire simple ou complexe, heureuse ou malheureuse, de la joie ou de la souffrance, des émotions, des affinités, des amours…, mais toujours une histoire exceptionnelle ! » Lucie (le reflet à peine romancé de l'auteur) est atteinte d'un mal sournois et impitoyable: le trouble de la personnalité limite qui rampe et ronge de l'intérieur un nombre impressionnant de personnes, emmurées vives dans leur être. Ce voyage réel au pays de la peur et du silence témoigne du banal écrasant, où nul répit, nulle issue, nul espoir n’est permis. 30 % à 40 % des patients de cette pathologie
Cette vision du monde étouffante, apporte un regard rare et juste, puisé dans le vécu de l'auteur même. Dont le rêve le plus insensé, comme celui de Lucie son personnage, est d'enfin devenir « acceptable » aux yeux de tous.
Une rencontre forte avec l’auteur et son poignant témoignage "Je ne sais pas", Éd. Bénévent. Ou quand le quotidien devient une guerre sans merci contre... soi-même. Une histoire vraie surgie du silence le plus terrifiant... :
- Ce livre « Je ne sais pas », je l’ai d’abord écrit pour moi, c’était comme une nécessité, un cri que je me serais autorisé à pousser… et à ce moment-là, j’avais l’assurance que personne ne l’entendrait.
Je me suis donc accordé le droit à l’impudeur, aux mots écrits sur le vif, aux confidences bruts et impulsives, seule devant mon écran d’ordinateur.
Le livre
En apparence, Lucie est dans une situation que beaucoup de femmes pourraient envier. Elle a avant tout, un mari qui véritablement est l’homme de sa vie, amoureux, attentionné, dévoué, financièrement à l’aise (ce qui n’est pas négligeable non plus), musicien (ce qui peut ajouter un certain charme à la vie).
Eurent-t-ils beaucoup d’enfants ? Oui quatre
Et vécurent-ils très heureux… ????
Pas tout à fait. Ce roman n’est pas vraiment un remix de Blanche Neige évidemment.
Lucie cherche à résoudre l’énigme de sa vie, de son parcours. Pourquoi le bien ? Pourquoi le mal ? De quel crime est-elle coupable ? Et si elle n’est pas coupable, pourquoi ce sentiment de devoir payer une dette ? Pourquoi ces questionnements et cette souffrance perpétuels ?
Si le bonheur est à portée de main, car il est là le bonheur, pour l’obtenir et le vivre pleinement, il suffirait de l’accepter tout simplement, alors pourquoi se l’interdire, être convaincue de ne pas y avoir droit ?
Si cette mère a quatre enfants, il y en a aussi un cinquième, omniprésent, encombrant, véritablement envahissant. Un enfant qui surgit à tout moment, sans crier gare. Et cet enfant, Lucie est seule à le voir, à l’entendre, tout au fond d’elle-même. Si chacun à un enfant intérieur, l’enfant qu’elle a été, dans cette histoire, est particulièrement lourd à assumer.
Lucie est issue d’une famille de cinq enfants. Née d’un père autoritaire et d’une mère dépressive, faible et quelques fois cruelle.
Dans cette famille, le principe est simple : « Tu es le meilleur ou tu n’es rien »
Et cette enfant intelligente ne peut surtout pas échapper à la règle puisqu’elle a en elle tout ce qu’il faut pour devenir ce qu’il y a de meilleur.
Mais les enfants sont des enfants. Et si Lucie ne sera pas devenue la meilleure, peu à peu, elle va trouver tout à fait logique de n’être rien, n’être capable de rien. Elle va même plus loin que ça. Inconsciemment, elle va développer un handicape physique lui interdisant d’agir. Un handicap qui remplace un message verbal : « Regardez comme je suis nulle ! Regardez comme je suis bonne à rien ! » Indigne même d’être aimée.
Le sort qu’on lui réserve, les mots, les gestes, ce qu’on ne fait pas à un enfant est pourtant perçu comme étant normal pour l’enfant lui-même.
Malgré cela, à l’âge adulte, Lucie s’investit pour son mari, pour ses enfants. La vie, les expériences lui inspirent des comportements appropriés. En tout cas, elle arrive toujours à faire les bons choix quand il s’agit d’intervenir par rapport aux autres.
En fait, on peut dire qu’elle mène une double vie : elle vit en fonction des autres, de ce qu’on lui suggère. Elle observe et agit en fonction de ce qu’il y a de bon en ce monde. Elle a le souci d’être juste et respectueuse autant que possible
Mais en même temps, elle a sa vie à elle seule. Un univers dans une bulle, solitaire et à peine dévoilé, construit sur des sables mouvants et nourri par ce qu’il y a de mauvais dans notre monde.
Si au quotidien Lucie doit faire des efforts épuisants pour contrôler ses gestes afin de passer inaperçue, contrôler également ses paroles par souci de ne surtout pas déplaire, épuisée, elle se laisse trop souvent glisser dans ce monde qui est le sien et qui l’isole. Elle n’est alors plus que spectatrice de l’univers qui l’entoure et n’en fait plus partie même si tout l’atteint et amplifie sa souffrance qu’elle ne comprend pas.
Les événements les plus anodins font des montagnes, les mots sont des sables mouvants.
Dans ce livre on peut lire combien le silence est glacial et la souffrance déchirante et sans répit.
Une souffrance que Lucie accumule et ne parvient pas à exprimer et à évacuer sauf peut-être de la manière la plus morbide qui soit. Si cette femme est tortionnaire d’elle-même psychologiquement, elle l’est aussi physiquement. Et le quotidien devient une guerre sans merci contre elle-même.
Souffrir pour ne plus souffrir :
Comme Lucie ne voit pas ce qui peut être la cause de sa douleur, elle ne peut pas se faire soigner d’une chose qui n’existe peut-être pas réellement. Alors, elle se fait mal. Elle a ainsi le droit de dire qu’elle souffre et en expliquer la raison. Et puis quelqu’un soigne cette blessure enfin. Et les soins qu’elle reçoit sont des antidotes. Ils empêchent de sombrer plus profond, d’aller trop loin, de mourir.
Mais lorsque la blessure physique guérit, la blessure intérieure resurgit. Il faut donc recommencer … C’est un cercle vicieux qui perdure aussi longtemps que nécessaire.
Puis revient la vie réelle dont Lucie veut apprécier les beaux moments.
D’instants présents parsemés de souvenirs, tout s’explique finalement. Et si Lucie ne pourra pas refaire l’histoire, elle aura toujours la liberté de faire des choix et de gérer sa vie en fonction de ses difficultés mais aussi de ses forces.
…
Ces pages je les ai écrites dans le creux d’une vague. Je n’ai pas cherché à rédiger un catalogue quotidien d’expiations ni un témoignage déchirant. Je n’ai même peut-être rien cherché du tout. De nature assez silencieuse, j’ai toujours eu besoin d’écrire. A ce moment-là, je devais écrire simplement parce qu’il le fallait. J’ai vidé un bagage sur le sol, comme ça, en vrac.
Je suis toujours et encore étonnée que mes écrits soient devenus un livre.
Mais le plus étonnant, ce sont les réactions que ce livre a suscités et suscite. Moi qui pensais que ce sujet n’intéresserait personne, j’ai découvert semaine après semaine, par de multiples messages, que ce problème n’était pas le mien, mais celui d’un nombre vraiment impressionnant de gens.
J’ai appris qu’au moins 3% de la population souffrait de troubles de la personnalité limite. C’est dire que dans l’entourage de chacun de nous, il y a sans doute une ou plusieurs personnes qui cachent ce trouble derrière un sourire.
Sachant cela, j’aimerais que ce livre soit un témoignage au nom de tant de gens qui souffrent en cachette, ceux qui sont toujours dans le creux de la vague et n’osent pas en parler, ne savent pas comment décrire leur douleur et particulièrement pour les personnes qui sont dans une solitude qu’ils ne méritent certainement pas et dont ils sont convaincus qu’elle est sans issue.