Par Olivier Bégin-Caouette, étudiant au baccalauréat en psychologie


Mercredi dernier fut un sombre jour pour le Québec. Ce fut un jour qui nous a secoué en tant que société. Nous pensions être quelque peu à l'abri de tels actes de violence. Et voilà que les drames du passé reviennent nous hanter et nous replongent dans un tourbillon émotif très désagréable. Ainsi donc, je veux offrir à tous ceux qui ont été touchés de près ou de loin par la tragédie mes plus sincères voeux de courage.




Car du courage, nous en aurons tous besoin pour affronter sainement le flot d'interrogations et de tiraillements. En tant que société égalitaire, démocratique, respectueuse et moderne, nous devons éviter les ravins dans lesquels le traumatisme peut nous mener et j'ai nommé : méfiance, vengeance, généralisations, conclusions hâtives et indifférence. Avec l'aide de notre raison, nous pouvons poser un jugement nuancé sur ce terrible moment de notre histoire. C'est d'ailleurs dans cette optique j'écris ces quelques lignes.




Je crois qu'il est nécessaire de faire contrepoids au travail médiatique qui s'opère depuis samedi. Nous avons assisté à un acharnement des journalistes qui, plutôt que de décrire, ont polarisé les faits. En effet, je m'offusque de voir que certains analystes ont opposé la personnalité de Kimveer Gill (le sombre adolescent isolé) à celle de sa victime, la pauvre Anastasia De Sousa (la jeune fille populaire qui aimait le rose). Même si ces caractéristiques
sont vraies, il n'en reste pas moins que l'on risque d'assister à une démonisation de Kimveer Gill, à créer une légende meurtrière, ce qui relève plus du fantasme que de l'analyse raisonnée des faits.




Il est normal et même sain de vouloir s'expliquer ce qui a poussé un être humain à une telle violence. Par contre, en soulignant certains de ses traits de personnalité, nous pourrions établir à tort un lien de causalité entre ces derniers et le désir de commettre un tel acte. Il aimait le noir, les armes et la musique sombre, il se prétendait gothique et n'aimait pas les sportifs. Mais n'est-ce pas trivial comme information? Il aurait très bien pu aimer le bleu et le rap et commettre les mêmes actes.




Ce qui est fondamental chez Gill, à mon humble avis, c'est qu'il était un jeune isolé socialement, qu'il avait vécu de grandes difficultés dans sa vie et qu'il n'a pas été capable de les surmonter, probablement à cause d'un problème psychologique. En plus, il ne semblait pas dans un état « normal » lors de la tragédie, ce qui me laisse croire qu'il était sous l'effet de substances.




Que ce soit bien clair, je n'essaie pas ici de le défendre ou de lui trouver des excuses. Chaque être humain est responsable de ses actes et ce qu'il a fait est inadmissible et impardonnable. Jamais aucune souffrance et aucune idéologie ne justifieront un tel massacre. Et aucun être humain ne devrait avoir le droit, selon moi, de décider de la vie d'un autre.




Mais il est nécessaire que l'on comprenne que nous avons tous, à titre de société, une responsabilité dans cet acte. En effet, comment se fait-il que nous ne l'ayons pas identifié comme « jeune à risque »? Comment est-ce possible que nous n'ayons pas pu lui procurer l'aide psychologique qu'il fallait? Et, encore plus important, pourquoi lui avons-nous permis de se procurer de telles armes à feu? Car, ce n'est pas vraiment le fait qu'il ait écrit qu'il voulait tuer qui me dérange (je crois à la liberté d'expression), mais plutôt qu'on lui ait donné les moyens de passer à l'action.




Et si nous reconnaissons notre responsabilité sociale, que faisons-nous? Devons-nous pleurer et nous fâcher? Peut-être, mais surtout, nous devons agir. En ce sens, je crois que le premier ministre ne devrait non pas retirer le registre, mais le renforcer pour empêcher qu'une arme aussi puissante se retrouve entre les mains d'un jeune avec de tels problèmes. Dites-moi, qui va aller chasser avec un fusil qui va faire exploser le chevreuil de toute façon? De plus, j'ai une proposition que je crois raisonnable. Puisqu'il est interdit de se promener avec une arme à feu, pourquoi les armes ne devraient-elles pas être confinées au club de tir? Peut-être aussi que l'on pourrait rendre impossible l'achat d'armes à feu et que l'on pourrait encourager la location de ces armes à l'intérieur du club. Car, à quoi peut bien servir une telle arme dans une maison?




Mais au-delà des lois, c'est par notre attitude que nous pouvons faire une différence. Nous devons resserrer nos liens pour soutenir les plus fragiles d'entre nous et nous devons propager un message de paix et d'amour. Répondons à la haine par la tolérance. Il est essentiel que personne ne se replie sur soi. Et c'est par la fraternité, la compassion et le respect que nous pourrons lutter contre les actes les plus aberrants.




Je pense également qu'il faudra faire attention pour ne pas ostraciser ceux que l'on qualifie de « gothiques » car, bien que ce soit des gens sombres en général, il n'en reste pas moins qu'aucun n'est identique et que des « fous », il y en a partout et de tous les styles. Je vous invite donc encore une fois à faire preuve de tolérance et de respect, peu importe la couleur, la religion, le sexe ou le style vestimentaire d'un individu. De cette manière, nous pourrons peut-être nous blinder face à une violence omniprésente...pas juste dans les jeux vidéo ou sur Internet... mais aux nouvelles et dans la rue.




Tentons de créer un avenir plus « rose » pour ceux qui voient la vie en « noir ». Et si nous créons une plus belle société, peut-être que moins de « désaxés » voudront la détruire. Kimveer Gill détestait l'humanité car il la trouvait dégoûtante. C'est triste, au lieu de l'améliorer, il n'aura fait que la rendre encore plus sombre et horrible.




Propageons la paix.







17 septembre 2006