Réponse à: VIVI (être demi-frère)
Surnom: VIVI
Âge: 36
Sexe: féminin
La question concerne mon fils de 11 ans né de mon premier mariage. Comme je me dois de résumer la situation, je n'entrerai pas dans tous les détails mais je peux vous dire que mon fils a vécu des périodes assez difficile dans sa petite enfance (à partir de 1 an); notre divorce difficile, son père qui a vécu des relations amoureuses très difficile (chicane, rupture, reprise etc.) . Mon fils a eu une grosse réaction face a tout cela et ce pendant plusieurs années. Ce que je trouvais bizarre c'est que ses crises se faisaient chez moi lorsqu'il était chez son père il était un ange. J'ai donc décidé de consulter un professionnel pour avoir les outils pour l'aider. Les crises se sont espacées, et la situation s'est rétablie graduellement, mais les idées noir restaient. Je rencontre un homme merveilleux qui accepte mon fils et apprend à l'aimer, cet homme devient mon mari et deux ans plus tard nous avons un enfant ensemble. Tout ce passe comme dans un rêve, mon ex. lui aussi rompt définitivement avec sa relation houleuse qui dure depuis six ans et il rencontre une autre femme extraordinaire, ils ont deux autres enfants ensemble. Donc, mon fils se retrouve avec deux demi-frères et une demi-s ur (je ne mentionne jamais demi devant lui). Jamais au grand jamais mon fils n'est laissé de côté, nous faisons le nécessaire pour qu'il soit heureux et qu'il reçoive l'attention qu'il mérite, je dirais même plus, mon fils est privilégié car nous avons rétabli son père et moi (inclus les conjoints) des excellentes relations.
Les idées noir sont revenus et de plus en plus présente, il nous dit des choses comme : vous allez voir un jour vous ne me verrez plus, qui suis-je moi entre me frères et s ur, juste un rebut déchet ? Je le rassure, je lui parle mais tout ça fonctionne un mois et ça recommence. Ce qui est étrange c'est que mon fils dégage beaucoup de joie de vivre et d'amour de la vie, il est un petit clown, fait rire tout le monde, il est sportif et très de service, il exprime ses 'down' ou émotions seulement avec moi. Je vous avoue que je suis de plus en plus inquiète je ne voudrais pas qu'il pose un geste irréversible, je lui a parlé de consulter à nouveau mais il s'est mis en colère et m'a dit qu'il ne voulais pas voir une autre psychologue. Dois-je l amener de force ? Avez-vous une autre solution ?
Merci de m'avoir lu
P.S. J'ai parlé de mes inquiétudes à son père mais je n'aurais jamais dû car il n'est pas doué en communication. Ce dernier n'a vraiment pas eu le tour de lui parler, il n'a pas jasé avec lui il lui a dit : c'est quoi ces niaiseries de vouloir de tuer, tu vas m'arrêter ça.
Bonjour Vivi.
Votre fils vit sans contredit des moments extrêmement pénibles pour lui et il ne fait pas de doute qu il lance des messages de détresse qui peuvent être des indices suicidaires. Il ne faut jamais négliger ces messages, même chez un enfant de onze ans car les jeunes sont de plus en plus en contact avec des exemples suicidaires de leur famille ou de la télé. Ils en parlent donc plus qu avant et il arrive malheureusement que certains passent à l acte. Il faut donc vérifier le bien-fondé de ces messages. De plus, il ne faut pas penser que cela va se « tasser » tout seul. Votre fils va entrer progressivement dans l adolescence et cela risque de ne pas aider la situation.
Je vous propose donc une action en deux temps. Dans un premier temps, prioritaire, il faut assurer la sécurité de votre fils et, pour cela, il doit être évalué pour ses messages suicidaires. Vous pouvez le faire si vous pensez que vous êtes capable de rester calme et d écouter ses réponses sans devenir bouleversée. Dans le cas contraire, vous devez le faire faire par quelqu un d autre. Il ne veut plus rencontrer d intervenant mais dans une situation d idées suicidaires, il ne doit pas avoir le choix. Expliquez-lui que les phrases qu il dit vous inquiètent énormément, que vous l aimez trop pour laisser ça comme ça et qu il doit rencontrer quelqu un maintenant. Appelez les services jeunesse de votre CLSC et il sera rencontré très rapidement.
Si vous vous sentez à l aise pour le faire vous-mêmes avec calme et discernement, vous devriez vous asseoir seule avec lui et lui demander directement ce que signifient les mots « vous allez voir, un jour vous ne me verrez plus ». Demandez-lui s il pense souvent au suicide, s il a trouvé un moyen, s il sait quand il veut faire ça. Plus sa planification sera précise, plus il est urgent que quelqu un intervienne avec lui. Par contre, il faudra peut-être reposer souvent ces questions en fonction des événements qui surviennent puisqu à cet âge, l urgence peut devenir très forte tout d un coup.
Si sa planification est précise, n attendez pas. Appelez les services jeunesse de votre CLSC et parlez de votre situation. Il sera aussi rencontré rapidement. Il est dommage qu il ne veuille pas recevoir d aide, mais encore une fois, dans une situation d urgence élevée, il ne faut pas lui laisser le choix. Qu il sente cependant que vous faites tout ça parce que vous l aimez et que vous vous inquiétez pour lui.
Dans un deuxième temps et si l urgence suicidaire est faible, votre fils doit pouvoir recevoir l aide dont il a besoin. Vous êtes par contre moins pressée et vous pouvez prendre le temps d aborder tout ça avec lui plutôt que de lui imposer.
Demandez-lui de vous parler de sa souffrance, de ce qu il ressent, de ce qu il vit. Faites de la place à ses perceptions même si pour vous elles sont fausses. Rappelez-vous qu un adolescent parle en termes de « toujours » et « jamais ». Il ne faut pas vous sentir sur le banc des accusés et essayer à tout prix de vous justifier. Recadrez doucement ses perceptions lorsque c est possible sans avoir l air de vous obstiner avec lui. Par exemple, s il vous dit que vous ne l écoutez JAMAIS, demandez-lui des exemples de fois où vous ne l avez pas écouté, demandez-lui ce qu il aurait voulu, cherchez ensemble des solutions, faites-lui remarquer qu en ce moment, vous êtes en train de l écouter et que c est donc possible, même s il a l impression que ça n arrive pas souvent. Laissez-le parler abondamment de ses demi-frères et s ur (au fait, pourquoi ne dites-vous jamais « demi » alors que c est la réalité; lui, qu en dit-il?). Laissez-lui l espace pour exprimer ce qu il ressent face à eux et surtout face à vous et à son père sans le reprendre, sans nier sa propre réalité. Juste lui laisser la place de l exprimer et l accueillir dans ses états d âmes. N oubliez pas qu il est le seul de la famille à ne pas vivre avec ses deux parents. Laissez-le exprimer ce qu il ressent face à cela.
Abordez aussi avec lui la question du psychologue. Pourquoi ne veut-il pas consulter? Faites-le parler, laissez-lui de l espace pour s exprimer et soyez à l écoute de ses réponses. Faites aussi de la place à ses bons coups. Revalorisez-le, dites-lui qu il est important pour vous et que vous l aimez profondément. Demandez-lui s il croit qu il va bien, s il pense qu il aurait besoin d aide. Dans l affirmative, confrontez-le sur ses idées suicidaires : comment quelqu un qui va bien peut-il penser à disparaître? L idéal est de l amener à consulter. Par contre, sa sécurité importe avant tout.
J entends dans votre lettre que vous avez cherché longtemps la stabilité et le bonheur. Mais votre fils cherche sa place dans ce bonheur. Il a beaucoup de difficulté à la trouver. Bien sûr, votre fils aurait grand intérêt à être vu par quelqu un. Peut-être serait-il moins réfractaire à des rencontres familiales? Avez-vous déjà envisagé une sorte de thérapie familiale où tous auraient une place et construiraient ensemble le bonheur de la famille? Même si le reste de la famille va bien, elle gagnerait certainement à faire le point avec un intervenant spécialisé. Votre CLSC peut grandement vous aider dans ce domaine.
Bonne chance, Vivi.
Jean Rochette Psychologue