Réponse à: Soupir (Amaigrissement et équilibre psychologique)
Surnom: Soupir
Pays: Canada
Âge: 26
Sexe: féminin
Depuis la puberté (12 ans) je fais des diètes. J'ai souvent perdu du poids pour le reprendre par la suite ce qui entraînait régime après régime. Seulement, les régimes alimentaires ne réussissent pas nécessairement à faire baisser mon poids sur la balance, mais ils réussissent toujours à faire baisser mon moral. Je deviens très émotive, je pleure constamment jusqu'à ce que j'abandonne la diète. Et ça devient alors pour moi un nouvel échec, donc je m'aime encore moins. Non seulement parce que je suis grosse, mais parce que je suis aussi incapable de changer ma situation.
J'ai suivi une diète de février 99 à septembre 99 où j'ai perdu 30 livres, mais toutes ces livres ont été perdues dans les 3 premiers mois. Comme mon poids était stable malgré un régime strict, j'ai changé de diète et j'ai commencé un régime combiné à de l'exercice. J'ai perdu à peine 5 livres en deux mois de privation et d'activités intenses. Ce qui fait probablement que cet automne j'ai eu une grosse déprime, voire peut-être même une dépression (je n'ose pas consulter). J'ai recommencé à sourire lorsque j'ai cessé de me conformer à la diète et que j'ai cessé d'aller au gymnase. J'ai recommencé à manger des choses que je n'avais pas touchées depuis plusieurs mois, même certaines depuis quelques années.
Mes questions sont les suivantes: mon incapacité à maigrir et à maintenir ce poids peut-elle être reliée à la mauvaise estime que j'ai de moi? Et est-ce normal que je déprime chaque fois que je fais un régime? Ma "beauté physique" doit-elle l'emporter sur ma santé mentale?
Si je pose ces questions, c'est que j'ai vraiment peur de me diriger vers des troubles graves d'alimentation. J'en ai peut-être déjà! Et je ne voudrais pas me détester plus que je ne le fais déjà. J'associe mes difficultés amoureuses à mon poids et certains obstacles professionnels aussi.
Il est peut-être préférable que je consulte un psychologue, mais y en a-t-il plus spécialisés dans ce type de problèmes?
Je vous remercie de votre attention.
Bonjour Soupir,
La situation que vous décrivez est classique. Plusieurs personnes sont aux prises avec ces difficultés de régimes à répétition et d'échecs à répétition. Dans votre lettre, vous soulevez plusieurs aspects importants de ce phénomène que vous vivez.
Est-ce normal que vous déprimiez chaque fois que vous faites un régime ? Les sentiments dépressifs que vous vivez sont fréquents lors de régimes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette dépression. Premièrement, il y a l'aspect physique. La perte de poids entraîne des changements hormonaux. Aussi, les changements dans l'alimentation modifie l'apport énergétique et l'apport de nutriments. Souvent, lors de régime, la personne mange moins ou supprime certains aliments ce qui peut entraîner des carences, manques d'éléments essentiels. Ces changements et carences vécus dans notre corps ont un effet sur notre santé mentale.
Deuxièmement, il y a l'aspect psychologique. Tel que vous l'avez vécu, les régimes entraînent habituellement des pertes de poids rapides au début. Puis un plateau est atteint parce que le métabolisme s'habitue à la baisse d'apport calorique et apprend à vivre avec moins de ressources. La perte de poids s'arrête ou se fait à un rythme très faible. Lorsque ce plateau est atteint et qu'il n'y a plus de perte de poids significative, il y a souvent un découragement puisque la personne n'arrive pas aux résultats voulus malgré les efforts. Un autre aspect psychologique est le fait que certaines personnes utilisent la nourriture comme récompense ou encore comme réconfort. Le régime enlève à la personne cette satisfaction ce qui peut devenir difficile après un certain temps. Et puis le régime a cet effet pervers que l'image négative de soi est présente en permanence : il faut constamment se surveiller, faire des efforts, se priver parce qu'au fond on ne s'aime pas tel que l'on est.
Votre incapacité à maigrir et maintenir ce poids peut-elle être reliée à la mauvaise estime de vous ? L'estime de soi est un facteur important dans la décision de faire un régime et peut aussi influencer votre capacité à atteindre vos objectifs. Vous me semblez prise dans un engrenage qui s'est installé dès le début de votre adolescence. Vous faites des régimes parce que vous détestez votre corps (vous dites ne pas vouloir vous détester plus que vous ne le faites déjà). Le régime semble être pour vous une mesure temporaire qui, idéalement, vous amènera à avoir un corps que vous pourrez aimer. Or, avez-vous réellement besoin de perdre du poids pour votre santé ? Vous croyez-vous capable d'atteindre vos objectifs ? Ces objectifs sont-ils réalistes ? Votre poids est-il réellement le seul obstacle à votre amour de vous-même ?
Votre beauté physique ne devrait pas l'emporter sur votre santé mentale parce que vous êtes une personne dans un corps humains et non seulement un corps. Il est certain qu'il faut prendre soin de ce corps. La façon efficace d'en prendre soin est de l'aimer d'abord. Parce que vous vous aimez, vous adopterez des habitudes permanentes bonne à la fois pour votre corps et pour votre âme. Apprendre à s'aimer et avoir une image positive de soi est un processus à long terme, surtout si vous avez depuis votre enfance une image négative ancrée en vous.
Vous vous demandez si vous devez consulter, je crois que ce serait bénéfique pour vous. Je vous invite à consulter un médecin d'abord qui pourra évaluer avec vous si votre poids menace votre santé et voir si des facteurs physiologiques contribuent à votre surplus de poids. Je vous invite aussi à consulter un ou une psychologue. Certains psychologues se spécialisent effectivement dans les problématiques reliées au surplus de poids. Le terme « psychodiète » est même apparu pour désigner une psychothérapie axée sur la perte de poids en travaillant les aspects psychologiques de l'alimentation (pourquoi et comment vous mangez) en même temps que l'estime personnelle et l'image corporelle. L'efficacité pour la perte de poids est limitée, mais la personne en ressort grandie et développe une attitude beaucoup plus aimante face à elle-même. Si vous êtes au Québec, vous pouvez contacter le service de référence de l'Ordre des psychologues du Québec pour avoir le nom de psychologues de votre région.
Je vous souhaite bonne chance dans vos démarches et de la bonté envers vous-même.
Stéphanie Deslauriers, Psychologue