Réponse à: SOUFFRANCE (inceste. Souvenirs remontés après 30 ans)

Surnom: SOUFFRANCE
Pays: Canada
Âge: 36
Sexe: féminin

Bonjour !

Depuis maintenant un mois, une page manquante de ma vie est revenue à ma mémoire. Quelle souffrance ! Depuis plus d'un an, je faisais des crises de paniques, j'avais des phobies, je faisais de l'angoisse, je croyais que j'étais en train de devenir folle. J'ai continué à travailler malgré cela. En août, je n'étais plus fonctionnelle. Tout ce que j'avais tenté par moi-même pour m'en sortir n'avait pas fonctionné. J'ai donc du me rendre à l'évidence et aller me chercher de l'aide pour comprendre ce qui m'arrivait.

Je suis allée consulter un médecin. Il a conclu a une dépression grave et m'a prescrit des antidépresseurs (paxil 30 mg) et j'ai commencé une thérapie. Après 6 semaines, j'ai commencé à voir une amélioration de mon état physique. Moins d'idées folles dans ma tête, moins d'obsessions, plus de panique, bref je remontais la pente.

En thérapie, ça avançait aussi. On travaille beaucoup avec mes rêves. Je voyais la lumière au bout du tunnel. Je faisais le ménage dans une enfance "focké" : violence physique et verbale, manque d'amour, de tendresse, de soins, et j'en passe.

Quelque chose manquait pourtant. Je me suis souvent demandée si j'avais aussi été abusé par mon père car j'ai toujours ressenti un malaise avec lui. Il ne me laissait jamais la chance de m'exprimer, il se fâchait toujours après moi. Je ne pouvais jamais placer un mot. J'ai toujours eu peur de mon père et je ne trouvais pas ça normal qu'à mon âge je sois encore tant tirée par le passé.

Depuis peu je faisais beaucoup de rêves très significatifs. Après quelques nuits le morceau manquant est enfin sorti. La bombe qui me grugait en dedans, la souffrance innommable avec laquelle j'avais toujours vécu est apparue dans toute son horreur. J'ai été sodomisée par mon père à l'âge de 6 ou 8 ans. Mon corps s'en souvenait enfin !!! Que c'est difficile à prendre et en même temps que c'est libérateur. Comment vivre avec cela.

Bien évidemment, je passe beaucoup de détails. C'est une quête qui est longue et pénible. Je pourais écrire un livre pour raconter le cheminement qui mène à la libération. Il pourrait s'intituler : L'art de vivre avec une bombe insoupçonnée dans le corps ... en 3 volumes à part ça !

Depuis cette découverte, les évenements se précipitent dans ma vie. J'ai écrit une lettre à mon père qui nomme toute la vérité de ma relation avec lui et aussi tout l'amour que je lui voue, malgré tous les malgrés ! Le plus difficile pour moi, c'est que j'ai pensé qu'il avouerait tout et qu'il serait content de se libérer lui aussi, mais c'était bien naïf de ma part. Il nie tout en bloc. Il se dit trahi et il ne comprend pas pourquoi je sors cette histoire après si longtemps. Toutefois, il a dit, entre autres, à ma mère qu'il n'avait jamais éjaculé en moi. Ça commence à ressembler à un aveu.

Je souffre de cette situation, j'accepte de vivre cette souffrance mais est-ce qu'on se sort de cela un jour ? Est-ce que l'on oubli ? Est-ce que que ça devient moins vif comme souffrance ? Est-ce que mon père va pouvoir me libérer en avouant ? Ai-je bien fait de nommer cette vérité ? Je suis perdue et en même temps je crois qu'après toutes ces années de travail intense sur moi, je pourrai m'en sortir ! Comme vous pouvez le constater, je suis pleine de confusions

Une réponse serait apprécié, un peu d'encouragement et d'espoir aussi. Merci !

Signé : montagne russe ... entre la confiance et la peur

N.B. Est-ce normal que j'aie si peur de mon père ? J'ai toujours peur qu'il arrive chez moi et qu'il me fasse du mal.

Bonjour Souffrance,

Il semble bien, en effet, que vous soyez en train de remonter la pente et de cicatriser ces blessures anciennes.

Tant mieux si la psychothérapie vous aide efficacement à intégrer les souffrances passées afin qu'elles cessent de faire mal.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit : cesser d'avoir mal, et par voie de conséquence, mener une vie plus épanouie et plus libre.

C'est VOTRE souvenir et VOTRE souffrance dont il est question. Votre père n'a plus grand chose à voir avec la situation d'aujourd'hui. Sa réponse à votre lettre, son attitude présente, tout cela est sans importance. Vous avez fait ce travail pour vous-même et pour personne d'autre.

Oui, on sort de tout cela un jour ! Et vous êtes déjà rendue très loin dans votre démarche vers l'autonomie. Il me semble cependant que vous ayez encore des attentes (irréalistes, il va sans dire) face à votre père : qu'il admette, qu'il regrette, etc .. Je pense que votre défi maintenant consiste à «annuler» vos vieilles attentes le concernant : vous avez fait ce que vous aviez à faire, vous l'avez informé et vous avez nommé la vérité. Ce qu'il en fera lui appartient désormais.

Je reconnais qu'il n'est pas facile de cloisonner les choses ainsi et de réussir à intégrer cette . bombe. Je suis cependant d'avis que vous êtes sur le point de réussir puisque vous avez franchi avec succès les étapes antérieures (amélioration de votre état physique, moins d'idées bizarres dans votre tête, moins d'obsessions et de crises de panique).

Vous avez choisi la voie la plus difficile et la plus courageuse : celle de la guérison et je vous en félicite.

Bien à vous, Souffrance passée.

Georges-Henri Arenstein, Psychologue