Réponse à: MIMOSA (question reliée à Abricot)
Surnom: MIMOSA
Pays: France
Âge: 38
Sexe: féminin
C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu la question posée par Abricot et la réponse que vous lui avez apportée, et ce, parce que je suis moi-même confrontée à ce problème.
Je souhaite, si vous le permettez, donner mon point de vue sur ce sujet et à mon tour, poser une question, qui, je l'espère, sera suffisamment pertinente pour espérer recevoir une réponse de votre part.
Tout d'abord, vous définissez le transfert en ces termes : "attitudes et sentiments d'amour de l'enfant envers ses parents (figures d'autorité) sur la personne du psychothérapeute. Plus loin vous dites : "la petite fille qui désire tellement être spéciale aux yeux de son papa".
Je souhaite ici apporter mon commentaire. Je fais un énorme transfert sur mon psy et je vis la même situation que celle d'Abricot. Je puis vous dire ceci : je veux bien accepter ou croire que je transfère des attitudes et des sentiments d'amour de l'enfant que j'étais envers mes parents sur la personne de mon psy mais je suis absolument certaine que je n'ai jamais désiré être spéciale aux yeux de mon père. Et pour cause : Je l'étais et je l'ai toujours été. Donc, je n'ai jamais cherché à l'être ! En revanche, j'aurais terriblement voulu qu'il soit, lui (mon père), spécial à mes yeux, mais, très jeune, c'est-à-dire, vers l'âge de 8-10 ans, j'ai réalisé qu'il ne l'était pas. Quelle déception pour une petite fille qui réalise que son père n'a rien de plus (ni rien de moins) qu'un autre...
A présent, ma question est la suivante. Vous dites : "Désirer (son psy) n'est pas nocif. Céder à ce désir l'est pratiquement toujours".
Comme Abricot, je suis prête à interrompre ma psychothérapie avec mon psy, justement pour ne pas le laisser "déraper dans une faute professionnelle". Qu'y a-t-il donc de nocif à céder au désir lorsque deux êtres semblent s'aimer ? En quoi le passage à l'acte serait-il "non éthique" ? Je veux espérer qu'il soit l'homme de ma vie, je refuse d'admettre qu'il soit mon psy pour la vie !
Bonjour Mimosa,
Premier point, vous n'avez jamais désiré être spéciale aux yeux de votre père car vous l'avez été. Donc vous n'avez jamais cherché à l'être, dites-vous. D'accord, mais vous cherchez sans doute à le rester ! C'est un peu différent, mais un peu pareil aussi.
Vous avez réalisé, à l'âge de 8 à 10 ans, que votre père n'était plus si spécial à vos yeux; c'est, en effet, une grande déception pour une petite fille. Et c'est en même temps l'apprentissage du contact avec le réel : votre père n'a rien de plus ni rien de moins qu'un autre. Ce phénomène peut avoir contribué au fait que votre psychologue devienne, LUI, si spécial à vos yeux. Une sorte de rattrapage.
Qu'y a-t-il de si nocif à céder au désir lorsque deux êtres semblent s'aimer, demandez-vous. Vous utilisez vous-même le verbe «semblent s'aimer» laissant la porte ouverte à une illusion possible. Comprenez-moi bien : je ne dis pas qu'un tel amour est toujours une illusion. Il peut être très réel et très authentique; je dis que les deux êtres en présence ne sont pas «égaux».
Il y a entre eux une relation thérapeutique aidant-aidé qui existe déjà au moment où naît l'amour. La relation amoureuse se superpose donc à une relation déjà existante : la relation thérapeutique, avec toutes ses caractéristiques. Ceci constitue un bien mauvais départ pour une relation amoureuse.
Le passage à l'acte est considéré non éthique car la cliente est dans une position de vulnérabilité, de fragilité émotionnelle, dans un rôle (symbolique) d'enfant devant son père. C'est du moins la position des codes de déontologie de plusieurs ordres professionnels au Québec. Il y a néanmoins une certaine tolérance, une certaine ouverture, à envisager, lorsque la thérapie a cessé pour une période suffisamment longue pour que les effets du transfert se soient estompés (mais certains auteurs prétendent que cette barrière ne devrait jamais être transgressée).
Bien à vous, Mimosa !
Georges-Henri Arenstein, Psychologue