Réponse à: MÉLANGÉE (rapport client/thérapeute)
Surnom: MÉLANGÉE
Pays: Québec
Âge: 40
Sexe: féminin
Bonjour à vous,
Je rejoins, par ce courrier, la lettre de "Tourbillon".
J'ai une relation avec mon thérapeute qui a toujours été thérapeutique et qui suit le cours normal d'une relation d'aide. Voici en bref la situation. J'ai vécu un profond attachement avec mon thérapeute; jusque là, c'est du déjà vu en thérapie. J'ai vécu cet attachement de façon très "raisonnable et rationnelle" c'est-à-dire que dès le début de mon cheminement en thérapie,je me suis obligée à renoncer à cette attitude et à ces sentiments, qui, je le savais ne me mèneraient nulle part. J'ai eu un thérapeute qui, tant que je vivais cette forme de dépendance et d'attachement excessif(très contradictoire avec la raison que j'essayais de faire mienne)n'a jamais voulu répondre à mes demandes (me prendre dans ses bras, me dire si j'étais importante pour lui etc.
Finalement on a beacoup travaillé à transformer ce besoin que j'avais de lui pour que j'atteigne une maturité émotionnelle et que je puisse sortir de la fusion infantille dans laquelle j'étais. Tout au long de cette thérapie, mon thérapeute a toujour insisté sur l'importance de m'aimer, de me respecter et l'ouverture pour lui passe par "le principe du plaisir". Maintenant que je réussis à ne plus avoir un besoin pressant de lui, que je peux envisager l'avenir sans qu'il soit présent en permanence. je peux arriver à lui dire ce que j'aimerais vivre : ne pas rompre le lien avec lui.
Contrairement à ce que je m'attendais, pour lui, ce qui est essentiel, c'est d'avoir des liens, des situations, des gens,qui nous donnent le plaisir de vivre, d'aimer la vie et de s'aimer soi-même. Il est donc d'accord avec le fait que la fin d'une thérapie ne signifie pas nécessairement la fin d'une relation. Par contre, il me fait voir que "l'essentiel est invisible aux yeux" et que, même loin de lui, un lien restera toujours présent entre nous et que l'on ne passe pas ainsi d'un lien très intime (la thérapie) à une absence totale de liens.
Pour ma part, je crois qu'il y a deux façons d'arriver à régler ses conflits intérieurs: Par la souffrance ou par le plaisir. volià donc mon questionnement. Faut-il nécessairement passer par la souffrance pour comprendre et accepter certaines choses ou situations?
Je cois qu'effectivement, certaines parties du processus d'évolution d'une personne sont parfois très souffrantes, mais actuellement, devrais-je me priver d'un plaisir (celui d'avoir un lien d'amitié et de partage avec mon thérapeute après la thérapie)qui me permettrait de poursuivre mon évolution d'une façon que je juge, ainsi que mon thérapeute, maintenant saine?
On a longuement parlé de tout cela lui et moi et j'avoue que son ouverture me surprend, car j'étais de celle qui ne jurait que par "le détachement coûte que coûte". Mais toutes ces années de thérapie m'ont démonté que je pouvais vivre un attachement à une personne sans toutefois me perdre et vivre dans l'insécurité d'un abandon futur; Chose que je n'aurais jamais pu penser et que je n'aurais jamais pu apprendre si l'ouverture d'un lien à apprivoiser ne m'avait été offerte.
Bonjour Mélangée,
Vous nous apportez là un témoignage fort intéressant; je n'ai qu'un petit commentaire à formuler et une petite réponse à vous donner.
Vous pouvez arriver à dire à votre thérapeute ce que vous aimeriez vivre : ne pas rompre le lien. C'est beau d'être capable de lui dire, mais c'est néanmoins ce qui va arriver. Lorsque la thérapie cesse, le lien thérapeutique demeure, mais les rencontres arrêtent.
Il est juste de dire que le lien est maintenu (dans l'invisible pour les yeux, si vous voulez) mais votre thérapeute ne deviendra pas votre ami. Oui, vous aurez à vous priver du plaisir d'avoir un lien d'amitié avec lui. Il n'est PAS votre ami, il est (ou a été) votre thérapeute. Et c'est incompatible et incontournable.
C'était mon commentaire. Quant à votre question relativement à la souffrance, je la trouve très pertinente. Près de 100 % des clients en thérapie se posent cette question. Et je crois bien qu'il y a autant de réponses différentes que de personnes sur la terre ! Je vais vous donner la mienne.
Oui, on peut arriver à régler ses conflits intérieurs par la souffrance ou par le plaisir. Ceci est exact . en théorie. Mais en pratique, on s'aperçoit que dans le plaisir, la vigilance s'estompe, la souffrance est évitée (ou on cherche à l'éviter), notre esprit critique s'endort et finalement on n'apprend pas grand chose ! Par contre, dans la souffrance, nos émotions sont constamment sollicitées, on «baigne dans le jus».
Et c'est alors que les occasions d'apprendre nous apparaissent dans toute leur splendeur. Bien sûr, on peut toujours décliner l'invitation et s'anesthésier dans le travail, la drogue, ou autres substances ou activités . mais la souffrance nous rattrape ! Voilà pourquoi il es préférable de se pousser un peu dans le dos pour apprendre au «premier coup de semonce».
Il existe un vieux proverbe bouddhiste que je vous cite : «La souffrance est une promesse que la vie tient toujours». Moi qui suis pourtant rébarbatif aux proverbes, je dois reconnaître que trois décennies de pratique en psychologie m'ont démontré que c'est vrai.
Donc, puisque la souffrance est inévitable, pourquoi ne pas en profiter et nous en faire une alliée pour grandir !
Vous me pardonnerez d'avoir débordé quelque peu du cadre de votre question. J'espère avoir pu clarifier quelque peu ce point pour vous, Mélangée, sans vous mélanger davantage. :o)
Bien à vous,
Georges-Henri Arenstein, Psychologue