Réponse à: LILI (blocages affectifs)

Surnom: LILI
Pays: France
Âge: 31
Sexe: féminin

Bonjour, excusez-moi tout d'abord pour la forme de mon message, il est tout en vrac comme mon esprit et je ne sais par où commencer. Je suis une psychanalyse (plus exactement une psychothérapie analytique, mais je ne vois pas la différence, je suis allongée sur le divan et je trouve que ma psy ne dit rien), et ce depuis 4 ans.

## Les psychanalystes parlent très peu, il est vrai, durant les séances. L'approche le veut ainsi.

Je vais mal en ce moment, même si aujourd'hui, presque exceptionnellement (!), je vais bien. Je vais mal et cela se manifeste par du désespoir où je ne vois que la mort comme terme à ma souffrance. Je pleure et suis désespérée très souvent et cela m'est insupportable. Je crois que je traverse une crise depuis quelques temps, un à deux mois environ. Depuis 4 mois, je prends des antidépresseurs, chose que je n'avais jamais faite avant, de toute ma vie. Mais dans mon cas, je crois que c'est positif de prendre des médicaments, cela veut dire que je refuse de souffrir, alors qu'auparavant il me semblait normal d'endurer la souffrance, comme si la vie n'était que ça.

## Vous avez raison; il y a des moments où c'est nécessaire.

Elle n'a souvent été que ça jusqu'à maintenant, mais je ne voulais pas le reconnaître. J'avais même honte parce que j'ai honte d'exprimer toutes mes émotions quelles qu'elles soient.Bref, aujourd'hui j'en suis à la dose maximale de cachets. Mais je ne sais pas si cela a un effet sur moi car je suis bel et bien en dépression. Mon principal problème est la honte, la peur d'exprimer mes émotions.

## Peut-être s'agit-il là d'un apprentissage précoce. Le mode d'expression des émotions et leur gestion est souvent appris dès l'enfance.

J'ai eu une enfance difficile, maintenant que je la regarde avec du recul, mais je ne l'ai pas vécue entièrement comme un cauchemar lorsque j'étais enfant. Mon père a pratiqué sur moi des atouchements incestueux lorsque j'avais 10-11ans. Le pire de cette histoire, ce qui m'a "tuée", c'est que je n'en ai parlé à personne(!)jusqu'à l'âge de 27ans après une belle dépression qui m'a conduite chez le psy.

## Oui, les attouchements sexuels dans l'enfance, suivis de silence, ont souvent des effets très pénibles, sinon dévastateurs, sur le développement.

Un peu auparavant vers 8 ou 9 ans peut-être, l'un de mes frères ainé avait fait la même chose sur moi. Je n'en ai parlé à personne hormis mon psy. J'en garde de la culpabilité parce j'ai éprouvé du désir envers mon frère.

Enfin le 3ème évènement traumatique de mon enfance, le plus profond et que j'ai le plus refoulé, alors que c'était gros comme une maison, c'est la peur d'être battue. Une peur panique quand j'étais petite. J'aurais fait n'importe quoi pour eviter ces coups qui me traumatisais. Par lacheté, j'aurais accusé n'importe qui pour me défendre, j'aurais tout fait à l'époque tellement j'avais peur. Mes parents n'étaient pas des bourreaux d'enfants, je n'ai pas été une enfant martyr, mes parents étaien "seulement" sévères, mais j'étais terrorisée.

Le résultat de cette enfance c'est qu'aujourd'hui face à un garçon qui me plait je suis bloquée, inhibée, paniquée, j'ai envie de me soustraire à son désir, de fuir. Je crois que je me retrouve comme dans l'enfance où j'aurais fait n'importe quoi pour me soustraire à cette situation de panique.

## La petite fille que vous étiez a donc subi agressions sexuelles et physiques. Les violences subies dans l'enfance, Lili, laissent souvent des marques profondes et durables.

Donc je n'aime pas, je fantasme seulement comme une gamine. J'ai honte de désirer, honte d'être inhibée, honte de mes sentiments, honte de ne pas pouvoir les exprimer, honte d'être lâche, honte d'être hypocrite, honte d'aimer, honte de hair, honte d'éprouver de la colère, honte d'avoir du plaisir etc etc ... la liste est longue; je n'assume pas grand chose.

## Oui, la honte vous accompagne depuis longtemps. C'est une émotion souvent étouffante.

Depuis 4 ans je pleure à chaque séance, sur le divan de mon psy. Pour fonctionner, ma psychanalyse fonctionne... Mais je souffre que mes blocages affectifs soient intacts. Parfois, j'ai envie d'insulter ma psy, de la traiter de tous les noms, mais je n'y arrive pas, c'est surhumain pour moi. J'ai l'impression que je n'y arriverai jamais. Je sais qu'il faut être patient, mais c'est facile à dire de l'extérieur; à l'intérieur, c'est autre chose.

## Peut-être est-ce l'approche qui ne vous convient plus.

Je ne sais pas pourquoi je vous écris, ni ce que j'en attend. J'ai souvent le sentiment que je ne compte pour personne, ça me fait mal. Peut-être qu'en écrivant un peu sur moi, en racontant mon histoire, ça lui donne une forme d'importance.

## Je vous remercie pour nous avoir fait ces confidences. Vous ne comptez pour personne ? Vous comptez au moins pour vous-même et c'est un début.

J'ai envie d'avoir de vous des réponses impossibles: -pour combien de temps est-ce que j'en ai encore avec ma psychanalyse ?

## En psychanalyse, c'est toujours très long.

-"Qu'est-ce que j'ai, docteur?"

## Honnêtement, je ne peux pas vous dire par correspondance, mais les traumatismes vécus pendant l'enfance ont laissé des blessures difficiles à guérir.

-Comment m'en sortir ?

## En plus de votre psychanalyse, pourquoi ne pas vous ouvrir à quelques rares personnes sûres de votre entourage ? Pourquoi ne pas tenir un journal ?

Dites moi simplement quelques mots, s'il vous plait.

## Courage Lili. On vient à bout de telles blessures avec de la patience et de l'assiduité.

Merci d'avance.

?? Merci à vous et prenez soin de vous-même.

Georges-Henri Arenstein, Psychologue