Réponse à: LEELOO (droits et devoirs des centres de prévention du suicide)

Surnom: LEELOO
Sexe: masculin

Bonjour,

Un soir ou j etais particulierement deprimée, j ai telephoné a une ligne d ecoute-suicide de ma région.

J ai discuté avec une dame qui etait, bien que douce assez directe dans ses questions.Je lui ai mentionné que j avais deja fait des tentatives de suicide dans les derniers mois.

Apres 15 a 20 minutes de discussion, les policiers sont arrivé chez moi et sont entré sans sonner, sans frapper. Ils m ont pratiquement sauté dessus.

Je me suis senti trahi et chassé comme une proie. J ai reussi a m enfuir en dehors de la maison. Ils m ont pourchassé dans la ville et apres quelques heures j ai pu me refugier dans un endroit qui m a paru sur. Et la, je me sentais comme un chien traqué, comme une rien du tout, j etais terrorisée.

Et j ai passé a l acte. Je me suis ouvert les poignets avec un tesson de bouteille.

J etais vraiment paniqué.

Les policiers m ont retrouvé et une ambulance m a conduite a l hopital. J ai une grande phobie des hopitaux. Mais j etais assez calme a mon arrivée a l urgence. Les policiers l etaient pas mal moins. Le medecin de garde et l infirmier chef ont du les faire sortir.

Mes blessures etaient sans trop de gravité. Mais, ils m ont dit qu ils etaient obligé de m envoyé en psychiatrie pour une evaluation.

Physiquement j allais bien.Et psychologiquement j etais tres calme et je j utilisais des techniques de relaxation pour ne pas paniquer, vu ma hantise des hopitaux.

Pour vous mettre dans le contexte, je suis en depression majeur depuis fevrier. Un psychiatre et une psychologue me suivent regulierement et j ai un tres tres bon contact avec eux.

Mes questions sont les suivantes:

Les centres d appel ont ils le droit de telephoner a la police sans notre concentement?

La police a t elle le droit de pourchasser quelqu un comme ca, sans raison, de forcer sa porte et de la traquer?

Pourquoi l hopital est elle oubliger de nous enfermer en pyschiatrie, surtout quand il est indiqué dans mon dossier que j ai une grande phobie des hopitaux? Est ce une politique interne ou une reglementation?

Depuis ce temps, je barre toujours ma porte, j ai fait poser une double serrure et je dors le jour; la nuit me fait tres peur. L attitude du centre d appel et des policiers m a poussé a poser le geste. Ils m y ont oubligé je n y voyait que cette issu.

Je sais que ma question peut etre derangeante etant donné que vous conseillé a plusieurs personnes de faire appel a ces organismes. Mais, d un autre coté, mon aventure m a fait beaucoup de mal et j imagine que les personnes en difficulté psychologique doivent avoir certains droits.

Merci beaucoup pour la reponse. Je trouve votre site tres bien; il m a appris beaucoup sur ma maladie et vos conseils me sont précieux.

Leeloo

Bonjour Leelou.

Votre question est très légitime et ne me dérange pas du tout. Il est normal de se poser des questions lorsqu'on a été ainsi poursuivie par des policiers. Il faut simplement pour comprendre, replacer les choses dans leur contexte.

Tout d'abord, si vous avez appelé un centre de prévention du suicide, vous n'avez pas appelé un centre d'écoute mais un centre d'intervention. Ce centre, lorsqu'il répond à un appel, tente entre autres choses, d'évaluer si vous allez passer à l'acte ou pas. Malheureusement, vous ne mentionnez pas ici ce que vous avez dit à cette dame. Je n'ai donc pas ce qu'il faut pour juger de la pertinence de son recours aux services policiers. Ce qui est certain, cependant, c'est que si elle y a fait appel, c'est qu'elle jugeait que vous étiez dangereuse pour vous-mêmes à court terme.

Votre question est de savoir si elle en avait le droit. Et la réponse est oui. Non seulement elle en avait le droit mais elle y était obligée par la loi. En effet, au Québec, toute personne qui croit que la vie de quelqu'un d'autre est en danger, que ce soit par elle-même ou un autre, doit porter assistance à cette personne. Ne pas le faire est un acte criminel. De la même façon, les policiers, dans la mesure où ils croient que vous allez porter atteinte à votre vie, peuvent et doivent vous suivre partout où que vous alliez pour vous en empêcher.

Voyez-vous, Leelou, il y a un problème ici qui est un peut délicat mais qu'il est important d'aborder. Sur le coup, ce qui sui va vous fâcher peut-être, mais je vous invite à y revenir de temps à autre afin de mieux le comprendre. Cela ne peut que vous aider dans la suite de votre traitement.

Ce que vous dites vous place en position de victime : victime du centre de prévention qui appelle les policiers, victime des policiers qui vous pourchassent, victime ensuite de l'hôpital qui vous envoie en psychiatrie. Vous dites être en dépression et il est bien possible que vous ayez le sentiment que vous ne contrôlez rien, ce qui vous donne l'impression que tout le monde prend des décisions à votre place. Vous avez pourtant beaucoup plus de pouvoir que vous ne croyez. Je vous invite par conséquent à envisager les actes dont vous parlez comme des conséquences de ce que vous faites plutôt que le contraire.

En vous positionnant en victime, vous avez l'impression de vivre les conséquences des actes des autres. Et pourquoi ne pas envisager au contraire les actes des autres comme des conséquences des vôtres? Ainsi, vous découvririez que vous avez bien plus de pouvoir que vous en avez.

Ainsi, par exemple, c'est vous qui appelez d'abord le centre de prévention du suicide. C'est vous qui posez le premier geste. Par la suite, une discussion a lieu dont vous ne dites pas la teneur. Auriez-vous dit quelque chose qui permettait à l'intervenante que vous alliez passer à l'acte incessamment? Bien possible que oui puisqu'elle a appelé les policiers. Mais qu'espériez-vous en appelant là? Que l'intervenante vous laisse faire tranquillement? Possible que vous vous disiez : je n'ai rien dit, il me semble, pour inquiéter l'intervenante. Et pourquoi alors ne pas rappeler au centre, demander la direction et regarder avec eux le contenu de cet événement. Peut-être découvririez-vous des choses intéressantes? Et dans le cas où il y aurait eu une erreur de la part du centre (si vous n'aviez pas de propos inquiétants pour l'immédiat), vous les aiderez du même coup à prévenir ce genre d'erreur.

Voyons la suite. Des policiers, appelés par l'intervenante, arrivent chez-vous pour (dans leur esprit, en tout cas), vous empêcher de vous suicider : vous vous sauvez. Que vouliez-vous qu'ils pensent de cette attitude? Ils se sont dits avec raison : elle se sauve pour ne pas qu'on l'empêche de mourir. Ils vous ont alors couru après. Normal, vous savez. Si vous ne vouliez rien faire, vous n'aviez qu'à rester là et à leur expliquer que vous n'étiez pas dangereuse pour vous-mêmes. Pourquoi fuir?

Dans la suite de votre lettre, vous mentionnez que, terrorisée, vous êtes passée à l'acte et que c'est l'attitude de tout ce beau monde qui vous a obligé à poser ce geste. Voyons, Leelou. Lorsque quelqu'un est poursuivi et est terrorisé, il ne tente pas de se suicider habituellement. Bien au contraire, l'instinct de survie est à son plus fort et il tente de se protéger. Par ailleurs, c'est vous qui avez pris le tesson de bouteille pour vous lacérer. Personne ne vous a obligé à poser ce geste. Vous avez ce pouvoir. Personne n'est responsable de la vie de quelqu'un sinon lui-même.

Pour ce qui est de l'hôpital, je ne peux répondre à la place du médecin qui a pris la décision de vous envoyer en psychiatrie. Je ne peux que supposer que, prenant connaissance des péripéties que vous racontez ici, il a jugé bon que vous soyiez vue par un psychiatre. Une chose est certaine, c'est que s'il craignait que vous recommenciez, il ne pouvait pas vous laisser sortir, que vous ayez une phobie des hôpitaux ou pas.

Vous savez, Leelou, si vous avez cette crainte des hôpitaux, le meilleur moyen pour vous de les éviter est de prendre conscience que vous avez du pouvoir sur votre vie afin d'éviter de poser des gestes qui vont vous y envoyer.

En résumé, vous avez appelé un centre de prévention du suicide qui s'est inquiété et vous a envoyé des policiers, ce qui est son travail. Vous vous êtes sauvée et vous vous êtes lacérée. L'hôpital, devant cela, vous a fait voir un psychiatre. Tout cela semble très normal à partir du moment où vous avez la volonté de mettre fin à vos jours.

Si vous considérez qu'il y a eu une erreur quelque part, vous pouvez porter plainte aux différents services concernés qui feront une enquête. Dans le cas contraire, ce qui est préférable est de prendre conscience que votre vie est sous votre responsabilité et que vous avez le pouvoir d'empêcher que de telles choses se reproduisent.

Les centre de prévention du suicide peuvent vous aider dans la mesure où vous voulez être aidée. Ils peuvent vous écouter lorsque vous êtes découragée et vous encourager à persévérer dans vos traitements. Il peuvent aussi réagir lorsque votre suicide est imminent. À vous de les utiliser afin de vous encourager. Par ailleurs, lorsque vous avez affaire aux services policiers, il vous appartient de les rassurer quant à votre sécurité. Plutôt que de vous enfuir et de vous lacérer, expliquez leur la situation.

Personne ne vous a obligé à faire une tentative de suicide, Leelou. Vous seule avez ce pouvoir.

Enfin, vous devriez reprendre ces événements avec votre psychiatre et votre psychologue. Ils pourront très certainement vous aider à y voir clair.

Je suis certain que vous êtes capable de prendre conscience de votre pouvoir et de vos responsabilités et ainsi de vous sortir de cette dépression que vous dites avoir depuis février.

Lorsqu'on vit ce genre de situation, les moments de découragements sont importants. Les centres de prévention comme les intervenants sont là pour vous aider. Mais c'est vous qui est le principal agent de votre guérison.

Bon courage, Leelou.

Jean Rochette, Psychologue