Réponse à: FLASH_INFO_BIS (deuil)

Surnom: FLASH_INFO_BIS
Pays: Suisse
Âge: 44
Sexe: masculin

Et encore une question pour Georges-Henri, une ... hop !

Le deuil. Il ne s'agit pas de décès là, mais bien de ce qui est fréquamment recommandé aux "clients".

Souvent, il est dit (par toi puisque tu es le seul à animer les réponses, merci encore à toi de faire vivre cette rubrique !!!) qu'il faut faire le deuil ..d'une situation, d'évènements, que sais-je encore...

Mais je rencontre des cas où le deuil est difficile, sinon impossible à faire. A cause de l'émotion, de l'attachement, du vécu, de forces qui lui vont, semble-t-il, au delà.

Il y a toujours une balance dans les choses. Même si une action de deuil est à prendre, il y a parfois le contre poids. Avec ses ennuis. J'ai 2 connaissances pour lesquelles le deuil ne se fera sans doute jamais. Bien que le concept est accepté. D'une part parce qu'effacer 40 ans semble impossible. Trop demandant en énergie, trop source d'implications insidieuses du style vengeance.

Faire le deuil sans dommages ? Est-ce possible ?

D'un autre côté, lorsque le sort s'acharne, il est peut-être plus simple de se laisser couler. Pour atteindre une sorte de paix, que sais-je. Dans ces conditions, quelle est l'issue ?

Merci d'avance GHA, toujours de bon conseil.

Bonjour Flash_Info_Bis,

L'expression «faire le deuil» fait allusion à un processus actif qui consiste à renoncer. Renoncer, c'est cesser de s'attacher à quelqu'un, à quelque chose, à une situation.

Tant que nous sommes attachés, nous sommes prisonniers. Comme une chèvre est attachée à son piquet. L'avantage, c'est qu'elle ne peut pas se perdre. L'inconvénient, c'est qu'elle n'est pas libre. Grandir et se libérer, c'est renoncer à nos vieux attachements, c'est lâcher prise.

Inutile de préciser que cette démarche, qui se fait par étapes, est source de peurs et d'angoisses. Beaucoup de gens préfèrent s'accrocher à leurs vieilles souffrances, mourir à petit feu (et se plaindre), plutôt que d'affronter le deuil.

La première réaction, face à pareil langage, en est souvent une d'indignation : «Comment ? Mais c'est bien normal d'être triste lorsqu'on a tant souffert, lorsqu'on a perdu un être cher, etc .» Mais certainement, c'est normal ! Il n'a jamais été dit qu'il ne fallait pas être triste ! Mais il y a un temps pour la tristesse et un autre temps pour le retour à l'équilibre et la marche en avant. Chaque chose en son temps.

Vous dites « effacer 40 ans semble impossible». Bien sûr que c'est impossible ! Mais pourquoi vouloir les effacer ? Ces 40 ans ont bel et bien eu lieu. On ne peut pas faire autrement qu'en tenir compte. Faire le deuil de la partie souffrante de 40 ans de vie . voilà le défi. Et ça c'est réaliste.

Trop demandant en énergie ? C'est s'accrocher qui est trop demandant en énergie.

Faire le deuil sans dommage, est-ce possible ? Non. Il y aura des dommages et ceux-ci font partie de l'expérience humaine. Dès notre naissance, nous vivons déjà un premier deuil, celui de l'utérus maternel. Plusieurs auteurs ont souligné l'impact psychologique de cette première perte, combien douloureuse pour le bébé. Le jour de notre disparition nous perdons la vie. Entre les deux, nous perdons un très grand nombre de personnes et de choses : perte de nos grands-parents, puis de nos parents, perte de nos dents de lait, perte de notre enfance, de notre adolescence, de notre jeunesse, perte d'amis, perte d'objets, perte de la vigueur juvénile, perte des cheveux, de la santé . et j'en passe.

Vu le très grand nombre de pertes obligées qu'une personne aura à subir dans sa vie, elle a intérêt, si elle veut passer au travers de l'existence sans trop de casse, à apprendre à les assumer, donc à bien gérer ses deuils. Sinon, c'est la répétition de la souffrance, les affres du détachement non souhaité, la peur de perdre, l'ennui, etc.

«Finalement, lorsque le sort s'acharne», dites-vous . Personnellement, je ne crois pas que le sort s'acharne. Je pense qu'il s'agit d'une tournure linguistique habile qui permet à certaines personnes de se déresponsabiliser. Ce n'est pas le sort qui s'acharne sur quelqu'un. C'est la personne qui s'acharne à se saboter. Dû au fait que ce processus est inconscient, elle préfère accuser le sort plutôt qu'elle-même.

Voilà quelques réflexions sur les «renoncements nécessaires», le titre d'un excellent livre de Judith Viorst (Ed. Robert Laffont).

Merci, Flash_Info_Bis, d'avoir attiré l'attention de nos lecteurs sur ce sujet.

Bien à vous,

Georges-Henri Arenstein, Psychologue