Réponse à: DIDI (dépendance affective / estime de soi)

Surnom: DIDI
Pays: Belgique
Âge: 25
Sexe: féminin

Bonjour,

Si je vous écris c'est par désespoir total,je suis éducatrice et j'ai fort bien conscience de mon problème mais cela ne facilite pas forcément les choses.

Je suis restée 3 ans avec un homme en instance de divorce avec 2 enfants en bas âge.Dans cette relation,j'ai tout donné,tant matériellement qu'affectivement. Il y a 6 mois,il a décidé de rompre et le ciel m'est tombé sur la tête.Après plusieurs tentatives de suicide,et plusieurs thérapies qui n'ont pas aboutis,mon problème de deuil s'accentue de plus en plus.

Je suis partie en voyage en espérant me ressourcer mais de retour après 2 mois,son absence m'est encore plus difficile.Je le harcèle sans cesse pour le relancer,je ne sais comment lui prouver mon amour,je n'arrive plus à avancer sans lui,je vis à travers lui,je n'ai aucune estime de moi,je me sens nul et incapable.

J'ai beaucoup souffert et je sais que je dois sortir de ce cercle vicieux car mes comportements me gachent la vie même s'ils m'ont toujours sécurisée jusqu'à présent.Je me documente beaucoup,mais j'ai très peur de changer car je suis certaine que je ne pourrais pas survivre sans cet homme.

Je me suis investie à cent pour cent autant pour ses enfants que pour lui.Aujourd'hui,je me sens vide de tout comme si il m'avait tout pris.Il me comprend mais me dit de l'oublier et de me soigner : il dit que je suis capable et que j'ai énormément de qualités mais,je n'y crois pas .Il dit ne plus m'aimer en tant que petite amie mais il m'aime bien.Je ne supporte pas de ne plus avoir son admiration et sa tendresse.J'envisage de faire de l'hypnose afin de faire sortir tout le mal que je ressens car je suis rongée par la douleur...

Comme indications,je peux vous dire que je suis une fille adoptée par une famille formidable qui ne sait plus non plus quoi faire pour moi.Je suis actuellement très mal,j'ai peur de tout et je me renferme à la maison pour éviter de voir des gens qui ne comprennent pas ma détresse.

Voilà,j'espere que vous pourrez me donner des pistes vers une éventuelle guérison et je vous en remercie d'avance.

Recevez toute ma sympathie, merci.

Bonjour Didi,

Vous avez choisi le bon titre à votre lettre : dépendance affective et estime de soi. Effectivement, là où il y a dépendance affective, il y a faiblesse dans l'estime de soi.

Voici les bouts de phrase qui m'ont frappé à la lecture de votre lettre.

- J'ai tout donné matériellement et affectivement - après plusieurs tentatives de suicide et plusieurs thérapies mon problème de deuil s'accentue de plus en plus. - Je le harcèle sans cesse pour le relancer - Je me sens vide de tout comme s'il m'avait tout pris. - J'envisage de faire de l'hypnose - j'ai une famille formidable qui ne sait plus quoi faire pour moi.

Reprenons ensemble ces quelques points si vous le voulez bien et je vais vous y apporter mes commentaires.

- Vous avez tout donné matériellement et affectivement. Vous êtes donc une personne très généreuse pour les autres ! Et à vous-même, vous en donnez-vous ? Pas beaucoup, je le crains. Si vous consacrez tout votre temps à donner tant sur le plan matériel qu'affectif, il ne vous reste plus tellement de disponibilité pour vous donner à vous-même ni aucune disponibilité pour recevoir. Je ne vous apprendrai peut-être rien en vous précisant combien il est utile de vivre un juste équilibre entre donner et recevoir.

- Vos tentatives de suicide semblent symboliser vos efforts pour faire mourir la partie souffrante en vous. Vous avez raison de vouloir faire mourir cette partie. Mais, diable ! Pourquoi emporter la totalité de votre personne dans la mort ? Vous êtes une jeune femme de 25 ans qui peut certes encore s'épanouir. Votre vie est bien plus vaste que cette souffrance (envahissante, certes, mais qui n'a pas à prendre toute la place !). Une psychothérapie est un excellent moyen de progresser mais il faut persévérer pour obtenir des résultats concrets et surtout s'investir et y consacrer des efforts personnels.

- Votre harcèlement envers votre ami est le moyen le plus sûr de le faire fuir très vite et très loin. C'est aussi une stratégie efficace pour oublier que vous avez, vous aussi, une vie à vivre : la vôtre. Il serait sage d'arrêter ces man uvres qui ne vous apportent que des déboires.

- Vous vous sentez vide de tout «comme s'il vous avait tout pris». Cette phrase est très révélatrice : elle est à mettre en parallèle avec le début de votre lettre où vous disiez : «j'ai tout donné». La réalité, c'est qu'il ne vous a rien pris : c'est bel et bien vous qui avez, hélas, «tout donné». En donnant tout, il n'est pas surprenant que vous vous sentiez vide. Je vous invite à «fermer légèrement la porte de sortie» et à «entrouvrir graduellement la porte d'entrée».

- L'hypnose est une technique très intéressante, très utile et très bénéfique, lorsqu'elle est utilisée par un professionnel de la santé compétent et dûment formé. (C'est sans doute le secteur où évoluent le plus de charlatans.) Mais attention ! Évitez de considérer l'hypnose comme le remède qui vous permettra d'être mieux très vite et sans effort. Si vous croyez que vous allez être endormie souffrante et vous réveiller guérie, détrompez-vous.

Il s'agit d'une technique qui trouve sa pleine efficacité lorsqu'elle est encadrée dans une approche plus vaste qui l'encadre et lui donne un sens.

- Tans mieux si vous avez une famille formidable qui fait le maximum pour vous. Cela aide considérablement. Mais cela ne remplace pas les efforts individuels, les vôtres. Vous-même, que faites-vous pour vous ? Votre lettre ne le dit pas. Alors, Didi, commencez aujourd'hui.

Encore ceci : vous nous dites «je ne sais comment lui prouver mon amour ». Mais pourquoi devez-vous à tout prix en faire la preuve ? Lui dire une fois ne suffit donc pas ?

Et avant de finir, permettez-moi d'être surpris d'une chose : «Je ne pourrais survivre sans cet homme». Oh que si ! Vous avez vécu avant de le connaître, il est donc logique de croire que vous pourrez vivre après l'avoir connu.

Je reconnais que le deuil d'une relation amoureuse est une épreuve souffrante. Mais la souffrance peut s'estomper et vous pouvez grandir. :o)

Didi, je vous souhaite de vous ressaisir et de vous retrousser les manches. Je vous invite à lire «Aimer, perdre et grandir» deMonbourquette, de reprendre votre psychothérapie et de croire à vos possibles.

Bonne convalescence et bonne guérison !

Georges-Henri Arenstein, Psychologue