Réponse à: CURIOSUS (traitement pour violeurs)
Surnom: CURIOSUS
Pays: Québec
Âge: 44
Sexe: masculin
Bonjour,
Je désire savoir s'il existe des thérapies efficaces pour les violeurs. Y a-t-il des thérapies dans les prisons pour les violeurs ?
Merci.
Curiosus
Bonjour Curiosus,
Le traitement le plus efficace, à ma connaissance, est celui qui a été créé à l'Oregon State Hospital aux Etats-Unis dans les années 1985 environ. Voici ses caractéristiques principales.
Le traitement est disponible pour des détenus ayant commis des viols à répétition et qui sont en prison. Environ trois ou quatre ans avant la fin leur sentence, ils sont éligibles à ce programme, sur une base volontaire, moyennant quelques avantages.
La première étape du traitement consiste à faire écouter à la personne une bande sonore du déroulement d'un viol en pleine action. Cet enregistrement a été obtenu par la police de l'Oregon lors d'un appel 911. La victime avait eu le temps d'appeler et la patrouille est arrivée sur place en très peu de temps. Cependant le récepteur est tombé des mains de la victime et ses cris de détresse ont été enregistrés. Cette bande sonore est passée des centaines de fois sur plusieurs mois aux auteurs des viols. Beaucoup finissent par craquer et éclater en sanglots.
L'objectif de cette première étape est de mettre l'individu en contact avec la souffrance de sa victime, chose totalement inconnue de lui. En d'autres mots, on introduit l'empathie là où il n'y en a pas.
La deuxième étape du traitement consiste à présenter au détenu deux fois par semaine des films de violence, et ce pendant environ un an. On place un pléthysmographe pénien à l'individu pour mesurer son degré d'érection pour savoir quelles scènes exactement sont excitantes pour lui. Dans un deuxième temps, on lui envoie des chocs électriques (dans le bras) pour rendre la scène aversive (tel que montré, en partie, dans le film Orange mécanique).
Il va de soi que la saturation dans les étapes une et deux ont pour but de rendre toute forme de violence (sexuelle et autre) aversive et de courcircuiter la vie fantasmatique du détenu. Les manifestations d'empathie, dans le discours comme dans les gestes des détenus, sont renforcés.
Dans une troisième étape, on permet à des femmes, victimes de viols de venir ventiler leurs émotions aux détenus. Les femmes entrent dans la prison et sont autorisées à lancer leur colère aux hommes. Là encore, plusieurs craquent et se mettent à sangloter.
Evidemment, les pleurs ne sont pas encore un signe de guérison, loin de là. Ils marquent néanmoins un pas dans la bonne direction puisque la majorité des thérapies de basent sur la sensibilité retrouvée du client. Il faut donc qu'elle soit ressentie et exprimée pour que les bénéfices de la thérapie «accrochent».
La quatrième et dernière étape consiste à inviter les détenus à parler normalement à des femmes. Des femmes bénévoles viennent converser avec eux de façon légère et à bâtons rompus.
L'objectif est ici de permettre au détenu de faire l'expérience de relations non sexualisées et non érotisées avec des femmes. De superficielle, la conversation peut devenir profonde, et même amicale, mais bien sûr sans aucun échange physique.
Tout au long de ces quatre étapes, les détenus sont invités à partager, en groupe, ce qu'ils vivent à travers ces expériences.
Finalement, des policiers les interrogent sur les conseils à donner aux victimes pour se prémunir, autant que possible, contre les agressions sexuelles. Dévoiler leurs trucs est une façon de s'empêcher de recommencer. Les détenus puisent, dans leur propre répertoire, les situations à risque qu'ils ont découvertes ou repérées et les partagent, se coupant ainsi eux-mêmes l'herbe sous les pieds.
Ce programme s'est avéré un succès puisque les statistiques indiquent un taux de succès de 90 %.
Rendons hommage aux artisans de ce programme, les docteurs Rebecca Ryan, Richard Read, et Robert Freeman-Ialango.
Ce programme, avec quelques modifications, a été repris dans plusieurs pénitenciers fédéraux du Québec et du Nouveau-Brunswick.
Merci, Curiosus, d'avoir attiré l'attention de nos usagers sur ce thème.
Georges-Henri Arenstein, Psychologue