Imposer une tolérance zéro pour le cannabis au volant, comme des provinces canadiennes, dont le Québec, prévoient le faire, serait très difficile à appliquer selon des experts, rapporte Le Devoir.
À l’heure actuelle, il n’y a pas de marqueur biologique qui puisse indiquer avec exactitude le niveau d’intoxication en bord de route, estime Ryan Vandrey, professeur associé de pharmacologie comportementale à la Johns Hopkins University, interrogé par le quotidien.
Le THC (tétrahydrocannabinol), l’ingrédient actif le plus important du cannabis, reste longtemps dans l’organisme après que l'effet psychotrope soit dissipé. La quantité résiduelle augmente avec la fréquence de consommation.
« Vous pourriez avoir quelqu’un qui fume tous les soirs chez lui avant de se coucher et, le lendemain, il sera positif à un test tout au long de la journée. Même s’il n’a pas fumé », a-t-il expliqué au Devoir. Alors qu'un consommateur occasionnel qui viendrait tout juste de manger un brownie au cannabis afficherait un taux de THC moins élevé que le consommateur régulier qui est à jeun, même s’il est très intoxiqué.
La science ne permet pas de déterminer le niveau d’intoxication au cannabis en analysant simplement la salive, le sang ou l’urine, dit-il.
Les tests de salive
Le gouvernement fédéral canadien a déjà annoncé, indique le quotidien, que les appareils de dépistage recommandés aux corps policiers analyseront la salive. Mais « la salive n’est pas un très bon indicateur », explique le Pr Vandrey.
Il a notamment cosigné une étude, menée avec 18 volontaires qui n’étaient pas des consommateurs réguliers de cannabis, dans laquelle le THC était décelable dans la salive moins longtemps que les effets psychotropes. Alors que le cannabinoïde n’apparaissait plus dans la salive, les tests cognitifs montraient que les capacités étaient encore affectées. L’écart était plus grand avec le cannabis consommé de façon comestible.
Le THC est décelable dans la salive en moyenne deux heures après consommation. Mais déjà, lors de la seconde heure, les taux baissent rapidement. Or, les effets de la drogue peuvent durer de 4 à 5 heures lorsqu’elle est fumée, et jusqu’à 6 à 8 heures lorsqu’elle est consommée sous forme comestible. Le cannabis comestible atteint son effet de pointe environ 3 heures après la consommation, soit après la période de détection de THC dans la salive.
« À moins d’arrêter les gens tout de suite après qu’ils ont consommé, vous allez quand même faillir à le déceler et ils pourraient être encore intoxiqués », prévient le chercheur.
Analyser la salive, « ce n’est pas fiable » », estime aussi Pierre Beaulieu, professeur de pharmacologie à l’Université de Montréal.
Les tests sanguins
Le THC apparaît plus longtemps dans le sang que dans la salive : 3 à 5 heures lorsque le cannabis est fumé, 6 à 8 heures sous forme comestible. Mais les délais pour administrer ce test sont importants.
Le projet de loi fédéral fixe à 5 ng/ml la quantité de THC qu’un conducteur pourra avoir dans le sang pour prendre le volant. Mais un usager fréquent aura, sans avoir consommé depuis 24 heures, 5 ng/ml dans le sang, note Ryan Vandrey. Dans son étude, seuls 2 des 18 participants ont atteint cette concentration et aucun d’entre eux ne l’a dépassée, « et ils étaient considérablement affectés » rapporte-t-il.
Les tests d'urine
La Sûreté du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal vérifient plus souvent l’urine que le sang, rapporte le quotidien. Mais le THC et les ingrédients actifs du cannabis y restent présents plusieurs jours, voire jusqu’à deux semaines. Le taux de THC d’un consommateur fréquent poserait ainsi problème.
« Ce n’est pas demain que les policiers vont être prêts à faire ce dépistage. Ou alors, il sera sujet à caution et très contestable », prédit Pierre Beaulieu.
Article du Devoir : Cannabis au volant : la tolérance zéro serait impossible
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