Début juin, le site satirique américain The Science Post a publié un article intitulé « 70 % des utilisateurs de Facebook ne lisent que les titres des actualités en science avant de les commenter ». Près de 46 000 personnes ont partagé le lien alors que l'article ne contenait que du texte en latin, rapporte le Washington Post.
Une récente étude, présentée au congrès de l'Association for Computing Machinery’s Sigmetrics confirme le phénomène.
Arnaud Legout et ses collègues de l'Université Columbia (New York) et de l'Inria (France) ont analysé, parmi le 1 % de données que Twitter rend publiques, les clics sur les articles de cinq grands médias de nouvelles et les partages de ces articles.
Dans 59 % des cas, les gens partageaient ces articles sans les avoir lus puisque les liens n'étaient pas cliqués. « Les gens sont plus disposés à partager un article qu'à le lire
», souligne le chercheur. « C'est typique de la consommation moderne d'information. Les gens se forment une opinion fondée sur un résumé, ou un résumé de résumés, sans faire l'effort d'aller plus loin.
»
Pour ceux qui étaient prêts à lire, les articles avaient une durée de vie relativement longue. Alors que plus de 90 % des liens étaient partagés en quelques heures, 70 % des clics sur les articles se produisaient dans la première heure, et 18 % dans la deuxième semaine.
Alors que les réseaux sociaux mesurent la popularité des messages, laquelle détermine le niveau de diffusion accordé, par le nombre de partages, l'étude montre que celui-ci ne constitue pas une mesure adéquate de la popularité, souligne le chercheur.
Des plates-formes comme Facebook et Twitter contrôlent maintenant ce que nous voyons et lisons. « Ce champ est non réglementé
», écrivait la professeure de journalisme britannique Emily Bell dans un article récent pour le Columbia Journalism Review. « Il n'y a pas de transparence dans le fonctionnement interne de ces systèmes.
»
Ainsi le comportement de partager sans avoir lu (d'autant plus que les titres sont souvent très peu représentatifs du contenu de l'article) a des conséquences sur les sujets qui ont une vie et qui influencent l'opinion publique, ou qui s'éteignent. Ce, alors que les réseaux sont devenus, pour plusieurs, la principale source d'informations.
(1) Maksym Gabielkov, Arthi Ramachandran, Augustin Chaintreau.
Psychomédia avec sources : Columbia University, Washington Post.
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