Point de vue: Pour un bon usage de la psychiatrie
par Édouard Zafirian,
Professeur de psychiatrie et de psychologie médicale, CHU de Caen.
"(...) Aujourd'hui, on va plus loin encore dans cette médicalisation de l'existence. La grande enquête sur la santé mentale en population générale menée - entre autres - par le ministère de la Santé présente des chiffres impressionnants : 11 % de dépressions, 12,8 % d'anxiété généralisée, près de 10 % de tentatives de suicide. A-t-on réellement mesuré des pathologies mentales ou un malaise dans la société ? Quand on voit que les facteurs en cause sont le chômage, les séparations, les divorces et la précarité, a-t-on affaire à des malheurs ou à des maladies ? La souffrance psychique inhérente à notre condition humaine doit-elle être annexée par la psychiatrie, médicalisée, et recevoir des traitements ?
L'administration Bush a commencé à évaluer la totalité de la population au plan de la santé mentale et à traiter préventivement les enfants déviants par des médicaments (British Medical Journal).
Si la liberté de penser est en danger, comme le soulignait, le 7 novembre dans ce journal, un éditorial de François Régis Hutin, d'autres valeurs humaines le sont également. La psychiatrisation de la souffrance psychique masque les vraies raisons qui sont en jeu. L'individualisme, l'égoïsme et l'intolérance ont leur part de responsabilité dans notre société. Les vrais remèdes à la souffrance psychique - qui n'est pas une pathologie mentale - sont le sens de la responsabilité individuelle, le respect de l'autre et la solidarité. Les traitements médicaux peuvent-ils se substituer aux valeurs morales ? J'en doute."
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