"Sauvant de nombreuses vies, les soins intensifs ont aussi créé une nouvelle classe de patients : ceux qui, victimes de traumatismes crâniens, survivent à une phase de coma, mais demeurent dans un état qualifié de végétatif. Ce terme décrit des personnes aux yeux ouverts, seulement capables de mouvements réflexes. Sont-elles conscientes ? C'est la lancinante question que se posent les proches, mais aussi le corps médical.
A Cambridge, Adrian Owen et ses collègues ont exploré l'univers mental de cette jeune femme grâce à un appareil d'imagerie par résonance magnétique. Lorsqu'elle était soumise à l'écoute de phrases ambiguës, comprenant des homophonies, une zone de son cortex impliquée dans le traitement sémantique s'activait, alors que des sons sans significations n'entraînaient pas ce type de réponse.
Intrigués, les chercheurs ont alors demandé à la jeune femme de s'imaginer parcourant sa maison, pièce par pièce, en partant de l'entrée ou de jouer au tennis. Dans les deux cas, des images du cerveau caractéristiques ont été enregistrées, qui coïncidaient fortement avec celles produites par des sujets normaux à qui on avait demandé de faire de même.
Ces images traduisent selon les chercheurs un acte intentionnel de la part de la patiente, "et confirment au-delà de tout doute qu'elle était consciente d'elle-même et de son entourage". Prudents, ils soulignent que l'absence d'image cérébrale caractéristique ne doit pas, a contrario, être considérée comme le signe incontestable de l'absence de conscience. Mais ils suggèrent que leur méthode pourrait à l'avenir servir à évaluer les patients dits "non communicatifs", qu'ils soient en état végétatif ou en état de conscience minimale - c'est-à-dire simplement capables de sourire à un visage connu.
Pour autant, "il est important de ne pas donner de faux espoirs, précise Steven Laureys (université de Liège), cosignataire de l'étude. Depuis dix ans, nous avons étudié 60 patients en état végétatif, et c'est la première fois que nous décelons ce type d'activité cérébrale." Au vu de l'examen clinique, la patiente avait une chance sur cinq de se remettre. Peut-être était-elle en phase de récupération, avance le chercheur. Aujourd'hui, raconte-t-il, elle est capable de suivre du regard son reflet dans un miroir. Alors qu'elle ne le fait pas pour le visage d'autrui."
Psychomédia avec source:
Le Monde