Il y a près de six ans, alors que ça faisait deux ans que j’étais en appartement, j’ai été contrainte par mes parents de revenir à la maison. Bien qu'ayant des difficultés financières, ce n'était pas ce que je voulais. Puis ma mère a appris qu'elle avait un cancer de l'ovaire. Elle est morte, il y a deux ans.
Depuis, je reste avec mon père. Au début, je me sentais obligée mais maintenant que ma situation financière est meilleure, je ne veux qu'une chose c'est m'en aller! Et puis c’est devenu un fardeau. Maintenant, il ne fait que me dire des bêtises; il se comporte mal : en plein hiver, il regarde la télé en bedaine, à table il se tient mal et mange en faisant du bruit. En plus, il radote: un jour, il dit une chose; le lendemain, il dit exactement le contraire. Et puis, il passe son temps à ressasser le passé et ça me purge, toujours à l'entendre parler du bon vieux temps en Belgique. Tiens, tout à l'heure, il me disait qu'on pouvait trouver des abricots DelMonte ici: j'en ai jamais vu. Chaque fois qu'on en mange, il me répète la même histoire! Qui plus est, il me traite comme si j’étais une domestique alors que je suis l'aînée de la famille.
Les relations avec mon père ont toujours été compliquées. Quand mon frère et moi étions plus jeunes, mon frère recevait tous les encouragements et ne faisait pratiquement rien dans la maison alors que moi, je faisais les corvées domestiques et mon père trouvait toujours que je n’en faisais pas assez. Quand je disais à ma mère que ce n’était pas juste, elle me disait que l’on s’était assez occupé de mes problèmes de santé quand j’étais petite. Au secondaire, j'ai été victime d'un prof pédophile et comme dans beaucoup de cas, on ne m'a pas crue et le type qui m'a fait ça n'a pas été inquiété plus que ça: mon père lui a parlé (alors que ce qu’il méritait c’était une volée). Après, c’était comme s’il ne s’était rien passé. Et mon père considérait qu’il avait fait son boulot. Parfois, il remet ça sur le tapis en disant que c’était de ma faute et que j’avais choisi l'école. Ce qui est faux: je voulais fréquenter la même école que mes amies, et non un établissement étranger.
Puis à l’université, j’ai étudié en langues et traduction. Comme à la maison j’aidais ma mère et qu’en raison de ma santé, je devais faire des nuits régulières, je ne pouvais consacrer autant de temps à mes études que je l’aurais souhaité. Parfois, quand je restais éveillée, on venait me dire d’aller me coucher, parce que j’empêchais mon frère et ma sœur de dormir! Après un premier cycle moyen dans une discipline choisie à la hâte, mon père m’a forcée à aller aux études supérieures et là ça a été pire. Il fallait que je le fasse sinon, il me mettait à la porte. Je n’étais pas prête, j’ai fait des choix désastreux. Plus intéressée à intégrer rapidement le marché du travail, je voulais faire un travail à portée pratique mais la personne qui me dirigeait ne s’intéressait qu'à la supervision de mémoires théoriques. J’ai donc abandonné mes études au bout d’un an. Quelques années passèrent avant que je trouve un premier contrat pour me rendre compte que je n’étais pas dans la bonne branche. Malgré tout, ma mère me répétait ad nauseam qu’on a tous besoin d’un emploi.
Puis, après des années difficiles, j’ai fini par trouver un emploi dans une entreprise financière. Pendant plus d’un an, j’ai enduré les manigances et les commérages de ma patronne presque sans rien dire : elle faisait croire à mes collègues que je restais parce que je voulais une prime de départ. Je n’avais donc pas vraiment de sécurité d’emploi. Mon père m’a alors dit qu’il fallait que je me trouve un appartement. Comme j’avais compris les intentions de ma patronne, je ne voulais pas mais j’ai fini par déménager parce qu’il devenait menaçant. Ma patronne me mettait à la porte moins d’un mois plus tard. Là encore, mon père, qui n’avait jamais rien voulu savoir de mes difficultés, a osé me dire que je m’étais arrangée pour me faire mettre à la porte.
Ce qui m'a réveillée, c'est qu'au Nouvel An, j'étais chez une amie d'enfance et son mari. Ce dernier m'a dit que je vivais “maritalement” avec mon père. Ce n'est évidemment pas ce que je souhaite et j'aimerais vraiment retrouver ma liberté. Mais comment faire?