Je me sens séparée. C'est pourquoi je m'en "remets" à vous qui aurez une vision objective de la situation dans laquelle je nage.
Je connais Jonathan depuis quatre ans: il est l'ex-copain d'une amie à moi. Nous nous sommes toujours bien entendus d'un point de vue amical en raison de nos nombreux intérêts communs.
Ce printemps dernier, nous nous sommes rapprochés: aucune journée ne passait sans que nous nous voyions. Je lui ai offert d'emménager dans mon petit 3 et demi. Il a d'abord refusé, j'ai accepté son refus, puis il a changé d'idée pour venir habiter avec moi. Notre motivation n'était toutefois pas l'amour mais plutôt "utilitaire", au sens où notre cohabitation nous offrait l'avantage d'une économie d'argent, conjointement à une vie à deux amusante.
Bien que fusionnelle, nous entretenons depuis une saine et simple relation: grand respect de chacun dans son individualité, avec ses différences, ses besoins propres, écoute, attention, partage, ouverture de soi, etc. Nous avons des projets à cours et à plus long terme. Le sexe est aussi satisfaisant et à une fréquence qui convient aux deux. En fait, nous vivons comme un couple qui s'épanouit dans l'harmonie du quotidien.
Cette vie à deux correspond en tout points à ma vision de l’amour qui se base sur l’amalgame d’une profonde amitié et d’un engagement sincère. Ma « grande expérience » de la vie (j’ai 27 ans) m’a portée à choisir l’harmonie plutôt qu’une passion éphémère, en amour. Je crois qu’une relation a davantage de chance de s’inscrire dans la durée de cette façon. Je souhaite aimer mon partenaire pour ce que j’apprends à connaître de lui et pour les difficultés que nous surmontons au jour le jour. Le sentiment d’amour qui découle de cet « amour-action » au quotidien est pour moi beaucoup plus satisfaisant que les hauts et les bas engendrés par l’illusion du sentiment amoureux proprement dit. C’est à la fin de ma vie que je pourrai dire d’un homme qu’il était « l’homme de ma vie ».
Cocteau a dit: "Il n'y a pas d'amour. Il n'y a que des preuves d'amour."
Ainsi, j’ai choisi Jonathan pour ses grandes qualités et ses défauts et j’ai développé à son égard non pas un amour passionnel, mais sincère.
Dans l’élan de notre relation, je lui ai fait part de mon désir d’avoir des enfants un jour et que j’envisageais même que ce soit avec lui s’il le désirait aussi. Mais voilà… Ce dévoilement de ma part l’a incité à s’ouvrir à son tour : « Je ne suis pas en amour avec toi. Je ne crois pas que tu sois la femme de ma vie, bien que je tienne à notre relation. Je ne sais pas si je veux des enfants. En même temps, je m’engagerai dans de tels projets avec la femme que j’aimerai de passion. Je suis très bien avec toi présentement, mais j’aurai éventuellement envie de tomber en amour.»
Bien qu’il ait agit et agisse toujours avec amour à mon égard, il affirme ne pas se sentir amoureux de moi. Il a développé des sentiments qui sont profonds mais d’un autre ordre. En fait, Jo étant un profond romantique et idéaliste, il recherche la confirmation de son amour dans ses sentiments (la passion). Sans quoi il ressent le manque et aurait l’impression de construire une relation sur du vide.
Je suis très triste de constater que nos visions respectives de l’amour à deux sont différentes. Pour lui, le sentiment amoureux précède la relation tandis que moi, plus pragmatique, j’estime qu’il vaut mieux qu’il découle d’une harmonie au quotidien. Il serait très difficile pour moi de continuer à vivre sous le même toit que lui sans craindre une rupture éventuelle. En conséquence, je lui ai demandé de quitter mon appartement, ce qu’il fera d’ici quelques jours. Il me comprend.
À ce stade-ci, où notre cohabitation demeure harmonieuse quoique plus distante, je me pose de nombreuses questions qui ne manquent pas de me plonger dans l’incertitude.
Si je lui ai fait la demande de quitter l’appartement, c’est par fidélité à ma vision de l’amour. Je crains de ne pas avoir la force de tolérer l’angoisse que génère chez moi notre divergence d’opinion. Je veux aussi me protéger d’une souffrance éventuelle causée par son désir d’aller chercher la passion ailleurs. Je me dis que cette décision est la plus sage et la plus respectueuse pour nous deux. Je nous donne ainsi la possibilité de connaître l’amour dans le futur selon nos visions respectives de ce qu’il est.
En même temps, il est difficile pour moi d’accepter que Jo ne perçoive pas notre relation harmonieuse de la même façon. J’ai le désir d’invalider sa perception. J’ai envie de lui crier par la tête qu’il ne voit que le manque, plutôt que de se satisfaire de l’amour que lui apporte la situation actuelle. Qu’il sera un jour ou l’autre confronté à la réalité, au fait que l’amour passion ne dure pas et qu’il est une illusion. Que le fait d’avoir des papillons dans le ventre au contact de quelqu’un n’est pas garant d’un amour épanoui. Que l’amour action, qu’un engagement profond ne garantit pas le succès d'une relation mais, bien plus que d'autres facteurs, il contribue à l’assurer.
Lui ne jure que par le langage du cœur. Il croit que je me suis résignée à l’amour véritable en me convaincant de ma vision plus rationnelle, voire didactique de ce qu’il est. Que j’ai peine à confronter la réalité. Je suis pourtant très satisfaite du lien que l’on entretient.
Bien entendu, je voudrais que ma relation avec Jonathan continue. C’est pourquoi je me demande si nos visions sont malgré tout compatibles. Je me sens lâche du fait que j’abandonne à ce qui semble être un premier gros obstacle. Ne devrais-je pas plutôt m’efforcer d’accepter sa vision et prendre le risque d’entretenir notre lien au jour le jour? Si oui, à quel prix? Jusqu’à quel point est-ce que je tiens à lui?
Ou comme je l’ai déjà décidé, devrais-je couper tous les ponts une fois qu’il aura quitté afin de facilité mon deuil de cette petite mort? Dans un tel cas, quel état d’esprit adopter pour ne pas me languir de son retour vers moi?
Qu’en pensez-vous? Que suscite chez vous mon histoire?
Merci,
M.