Je lis avec beaucoup d’intérêt les différents articles de la presse depuis la parution du guide publié par le ministère de la justice contre les violences conjugales, du souhait de mobilisation contre les violences conjugales « un archaïsme qu'il faut éradiquer », de la nécessité de rompre la loi du silence sur la violence familiale et conjugale».
Monsieur Perben a dit « Les femmes victimes de violences portent très rarement plainte et c'est notre grande question : comment les sortir de la honte ou du chantage à l'abandon qu'exercent sur elles leurs conjoints violents ? »
Madame Ameline a dit : « Les violences psychiques ne sont pas suffisamment prises en compte. On se contente souvent de compter les bleus alors que la violence peut prendre d'autres formes »
Le président de la république a proclamé en conseil des ministres « la nécessité de rompre la loi du silence sur la violence familiale et conjugale».
Je suis la maman d’une femme qui a osé porter plainte contre la violence de son ex mari.
Il est beau de dénoncer par voie de presse les violences conjugales, il est bien de faire un guide pour inciter les femmes à lancer une procédure, il est bien d’annoncer « la nécessité de rompre la loi du silence sur la violence familiale et conjugale», il est bien d’annoncer les dix mesures du plan mais :
- Que font les ministres pour que soient appliquées les recommandations du guide « Lorsqu’une victime de violences au sein du couple se présente dans un commissariat de police ou une unité de la gendarmerie, il importe de lui témoigner une écoute et une disponibilité particulières » ? Je peux attester des ricanements et propos déplacés des policiers qui font tout pour ne pas enregistrer la plainte.
- Que font les ministres pour que soient pris en compte les témoignages « de nombreuses personnes qui peuvent, de par l’exercice de leur activité professionnelle, à titre privé ou de manière fortuite, avoir connaissance de la survenance de violences au sein d’un couple » ? Tous les témoignages des proches et des amis sont de principe réfutés.
- Que font les ministres pour que les enfants « soient entendus en dehors de toute pression de l’un ou l’autre parent et où cette audition n’est pas susceptible d’aggraver le traumatisme déjà subi ». Je peux témoigner que des enquêtrices sociales, et même des experts se contentent, pour rédiger leur rapport, de voir quelques minutes dans leur bureau les enfants en présence du père maltraitant !
- Que font les ministres pour « imposer une expertise psychiatrique pour déterminer le degré de dangerosité de l’auteur » alors qu’aujourd’hui cette expertise n’est imposée qu’à la victime ?
- Que font les ministres pour qu’un juge aux affaires familiales prenne en compte « tout agissement agressif ou violent de la part du mis en cause à l’égard du parent victime ou des enfants » ? alors qu’il suffit que l’auteur nie les faits pour qu’il ne prenne pas en compte ces agissements même quand un signalement a été fait au procureur par des professionnels.
- Que font les ministres pour que « la procédure de l’enquête sociale rapide d'orientation pénale soit respectée ? » et surtout que l’enquête soit effectuée par des personnels compétents et formés à cette problématique ? Mesure-t-on les effets que peuvent avoir sur une famille les mots, les écrits qui la décrivent et engagent son avenir?" quels moyens sont donnés pour « Repenser la formation des travailleurs sociaux qui paraît central", comme le demande Claire Brisset, Défenseure des enfants.
- Que font les ministres pour que soit appliquée cette recommandation « les classements sans suite "secs" doivent par principe être proscrits en matière de violences au sein du couple, les classements sans suite sous condition devant constituer la réponse pénale minimale donnée par l’autorité judiciaire à des faits de cette nature » ? Aujourd’hui chacun sait que les ¾ sont classées sans suite
- Que font les ministres face à des procureurs ou des juges qui estiment que la violence et particulièrement la violence sexuelle n’existent pas dans les milieux favorisés et qui dépénalisent d’emblée les procédures?
- Que font les ministres face à des procureurs qui estiment qu’il est impensable de prendre en compte la parole des enfants ?
Les vrais pervers, surtout lorsqu’ils sont de milieux favorisés savent très bien exercer leur talent dans le cadre de la maltraitance qui ne laisse pas de traces et, en France, les plaintes pour violences psychologiques ne sont toujours pas enregistrées dans les commissariats considérant que cela n’existe pas et les juges ne retiennent pas les violences invisibles. Les plaintes sont classées sans suite même lorsqu’il y a des témoins, même lorsqu’il a un certificat du médecin des UMJ sous le motif « pas de preuve, infraction insuffisamment caractérisée »,. Et pourtant, tous les professionnels devraient savoir aujourd’hui que les vrais pervers nient toujours les faits, apparaissent à l’extérieur comme des hommes « bien sous tout rapport » et dans les milieux favorisés, qu’ils bénéficient de soutiens de toutes sortes. La violence se passe dans le huis clos du couple. Pas de témoin, la victime n’est pas crûe et l’auteur est renforcé dans sa toute puissance.
Le rapport du Pr Henrion explique pourtant bien que le profil de l’agresseur concerne majoritairement des hommes bénéficiant par leur fonction professionnelle d’un certain pouvoir : 67% de cadres et 25% de professionnels de santé. Les juges ont-ils seulement lu ce rapport ?
Les campagnes publicitaires qui sont menées montrent un cercueil dans lequel se trouve une femme battue. Faut-il attendre ce cercueil pour qu’un juge croît la victime ? Tous les témoignages prouvent qu’aujourd’hui les femmes victimes sont plus punies que les auteurs de violence. Que comptent faire les ministres ?
Quand une mère ne donne pas ses enfants au droit de visite du père à la suite d’un traumatisme crânien subi par sa petite fille de 14 mois lors d’une visite précédente, elle est condamnée par un juge avec inscription au casier judiciaire… Les plaintes pour violence avec ITT fixée par un médecin des UMJ sont par contre classées sans suite. Quelle est donc cette justice qui poursuit une mère qui tente de protéger ses enfants victimes de maltraitance et qui ne poursuit pas celui qui commet les violences ?
Quand l’ODAS publie les chiffres de l’enfance maltraitée et indique que les conflits de couple sont à l’origine de 20% des maltraitances… que comptent faire les ministres pour que la parole de l’enfant soit entendue et que l’enfant ne soit pas traité de menteur simplement parce que le père nie les faits ? Les dérapages du procès d'Outreau ont entraîné une remise en question du témoignage des enfants en justice mais faut-il pour autant traiter de menteurs tous les enfants qui expriment leur détresse et attendre un drame pour se poser les vraies questions.
A quoi bon publier un guide pour inciter les victimes de violences conjugales à porter plainte, à quoi bon annoncer dix mesures lorsqu’il existe un tel décalage entre les bonnes intentions des ministres et la réalité judiciaire ? La création d'un réseau «violence et santé» pour favoriser le repérage et la prise en charge des victimes ne changera rien à l’état d’esprit des juges.
Les classements sans suite sont vécus douloureusement par les victimes qui, au bout d'un processus très long pour oser révéler les faits, ont la souffrance de ne pas avoir été entendues et perdent confiance dans l’institution judiciaire. En outre cela conforte les auteurs dans leur sentiment de toute puissance et leur emprise psychologique.
L’une des dix mesures annoncées, prévoit la formation des magistrats et des policiers : sera t-elle rendue obligatoire ou juste mise en place pour les volontaires ? Tant que les dossiers ne seront pas traités par des juges formés à cette problématique, tant qu’une décision sera prise par un seul juge qui a tous les pouvoirs, les femmes victimes ne seront jamais protégées et on continuera de nous montrer les cercueils de ces femmes qui ont dû aussi multiplier les appels au secours sans être ni entendues, ni crues.
Les mesures annoncées pour prendre en charge les victimes, les campagnes de communication contre la violence conjugale «stop violence, agir c'est le dire», la publication du guide tout cela est très bien mais c’est un leurre pour toutes ces femmes. Les mentalités des magistrats n'ont pas changé et les femmes continuent à subir la perversité de l’auteur des maltraitances renforcé dans sa toute puissance par les décisions judiciaires qui l'ont renforcé dans sa toute puissance
mamou