La mort de mon enfant
Je vous écris d’un bureau. De ce petit bureau boisé qui fait partie de mon quotidien. J’aime me retrouver dans cet endroit où je me réfugie.
Le matin lorsque je prends mon petit déjeuner, j’aime me connecter sur Internet. Bien des fois je voyage à travers les images d’animaux, de fleurs, de paysages fantastiques. C’est ainsi que j’aime le début de la matinée, sans devoir me presser.
Dans ce petit bureau, qui était autrefois la chambre de mes enfants, j’adore écrire ma vie et celle de ma famille. Mon chien, mon chat sont là à me guetter, dans le coin de la porte.
Les murs du petit bureau respirent. Je sens la présence de mes enfants petits. Bébés, je les y ai nourris, bercés, langés. On a beaucoup joué ensemble. A mesure que les années ont passé, ils en ont fait leur empire, l’ont décoré de leurs peintures, leurs dessins d’école.
Maintenant, le décor n’est plus le même. La petite chambre est devenue bureau, je l’ai parée à ma façon : une belle paroi murale vitrée, remplie de souvenirs de mon fils disparu : voitures de collections, trophées de motos gagnés lors de cross. Les murs sont décorés de petits dessins encadrés, de photos de la famille, de ma fille toujours près de nous, ainsi que de mes amis avec leur petite dont je suis la marraine. Tout cela est cher à mon cœur.
Aujourd’hui, à travers ce témoignage, je veux dire à mon fils combien je l’aime, à quel point il me manque mais aussi je voudrais expliquer comment je suis encore “debout”.
L’enfant du bonheur
Nous sommes en 2001, notre fils a 21 ans. C’est un beau garçon qui nous amène tant de joie. Il est toute notre vie à moi et à mon mari. Nous l’avons conçu pendant notre voyage de noce et je l’appelle l’enfant du bonheur.
Ce furent des années de joie. Sa petite soeur nous a rejoint trois ans après. Il l’a accueillie et aimée tout de suite, sans jalousie. Bien au contraire, il l’a protégée durant toutes ces années.
L’effondrement
Ce fameux mois de septembre 2001 fut le tournant terrible. Notre fils accomplissait son école militaire de recrue en Suisse. Il s’était passé neuf longues semaines, dures, fatigantes.
Puis arriva ce fameux 5 septembre. Le téléphone Natel de mon mari sonna lorsque nous étions au restaurant avec son amie. Nous avions pris nos vacances. J’écoutai la conversation. Je vis le visage de mon conjoint devenir blême. Sa voix tremblait. Il demanda à son interlocuteur de le rappeler dans un moment ...que nous allions remonter chez nous. J’avais compris qu’il parlait à quelqu’un de l’armée. Nous sommes repartis à la maison. Le téléphone sonna de nouveau. Mon mari demanda à son interlocuteur de confirmer ce qu’il lui avait dit précédemment - un grand silence - puis il réussit à peine à sortir un “au revoir”.
Il nous fît nous rapprocher de lui, me regarda avec des yeux pleins de larmes et m’annonça : notre fils est décédé d’un accident de la route pendant un déplacement dans le cadre de l’armée.
Je m’effondrai. Des pleurs qui n’étaient pas des pleurs mais des hurlements de douleurs qui déchirèrent la pièce. Toute une vie s’écroula en une seconde. Elle prit un tournant depuis ce fameux jour.
4 ans d’anesthésie
C’est seulement 4 ans après l’accident de moto de notre fils - machine qu’il aimait tant - que j’arrive maintenant à m’exprimer sur mon vécu.
L’après, c’est un moment de non sens, anesthésié par la douleur de la perte de l’être chéri.
Pendant plusieurs mois, des pleurs sortaient de mes entrailles chaque matin.
Chacun à la maison voulait cacher sa souffrance, pour ne pas faire de mal à l’autre.
Lettre à mon fils
Aujourd’hui, je peux penser, je peux écrire.
A mesure que les mois s’écoulaient, la famille proche, ainsi que nos véritables amis, nous ont aidés par leurs visites leur écoute, leur réconfort, en nous faisant sortir, nous invitant. Chacun de nous essayait aussi d’avoir des occupations !
En fait, tu sais, peu d’amis ont réussi à nous accompagner dans notre parcours du deuil. C’est vrai que ce n’était pas facile pour eux.
Pour papa le fait de se retrouver avec des jeunes qui partageaient tes passions, mon cher enfant, l’aide énormément. C’est comme une continuité, ta continuité.
Avec ta sœur, je fais beaucoup de sport, de natation, cours d’aquagym... Ce sont nos instants précieux pendant lesquels nous pouvons nous parler.
J’essaie de laisser à chacun la liberté de vivre ce deuil de toi à sa manière, c’est une façon de respecter l’autre.
Apprendre à vivre sa propre vie, continuer notre parcours sur terre.
Pour moi, ta maman, l’écriture aura été ma découverte, une véritable thérapie ; Coucher toute ma douleur et mes expériences sur papier.
Du petit bureau, je vais écrire toute mon histoire, une façon de faire revivre tous ces souvenirs, de les garder tout près de cet endroit si précieux pour moi. Pouvoir continuer à la faire vivre cette chambre devenue petit bureau.
Pour ce soir, je m’arrête là, car notre histoire, je suis en train de l’écrire. Ce sera notre vie, à toi, à moi, à notre famille.
TA MAMAN , JE T'AIME MON FILS.