"Aujourd'hui, la mise au point d'un tel compagnon est l'un des axes de recherche les plus excitants en robotique, même si nous en sommes encore loin.
(...) Le géant Toyota a annoncé lors de l'Exposition internationale qui se tient actuellement dans la région d'Aichi, au Japon, qu'il prévoyait de vendre des androïdes « baby-sitter » ou « papy-sitter » dès 2010.
Le plus grand obstacle à franchir est celui de l'intelligence de ce robot compagnon, ou disons plutôt de sa programmation. « Si la machine est en contact avec l'homme, elle doit le détecter, le reconnaître, interagir avec lui, communiquer par la parole ou par les gestes. Il faut aussi qu'elle puisse comprendre ses intentions. La relation homme-robot ne fonctionnera pas si l'homme doit systématiquement dire au robot ce qu'il doit faire. Il faut que l'androïde puisse être autonome, prendre des décisions. Or le concept d'initiatives est tout nouveau en robotique. Cela nécessite une analyse permanente de la situation », précise Raja Chatila.
Exemple : l'homme veut sortir de la pièce. Le robot doit comprendre son intention et lui ouvrir la porte. S'il se contente d'entrouvrir la porte de 5 centimètres, il aura deviné l'intention, mais sans comprendre comment les hommes passent les portes. Pour les roboticiens, la tâche consiste donc à donner en modèle à la machine toutes les activités humaines : l'homme assis, l'homme qui marche, qui dort, qui lit... Mais ce n'est pas tout. La machine doit aussi s'adapter à son environnement. Elle doit interpréter correctement les objets qui l'entourent : leur forme, la façon de les tenir et de les utiliser. Une canette de bière tendue systématiquement dans le dos risque vite d'agacer l'humain assoiffé.
Toutes ces informations sur le comportement humain, la manière de saisir les objets et de les utiliser, ne peuvent pas être programmées à l'avance. Le robot compagnon devra avoir des capacités d'apprentissage. C'est la tendance actuelle de l'intelligence artificielle. On fournira à l'androïde quelques informations de base, à lui de découvrir le reste. Pour en arriver là, les chercheurs ont encore pas mal de chemin à parcourir. Quelques pistes sont ouvertes, notamment l'imitation : le robot regarde l'homme agir, par exemple lorsqu'il tend une bière, puis il l'imite. Problème : le robot n'a pas les mêmes capacités de mouvement que l'homme.
Autre gros souci : la sécurité. « A partir du moment où la machine évolue dans un environnement humain, il faut s'assurer que son fonctionnement, voire ses dysfonctionnements, ne nuise pas à l'homme », souligne Georges Giralt, chercheur au LAAS, qui lors de notre entretien préparait justement un colloque sur la sécurité des relations homme et robot pour l'Exposition internationale d'Aichi. Comme le robot compagnon sera en interaction physique étroite avec l'homme, certains de ses actes pourraient avoir des conséquences catastrophiques. Il serait possible d'assurer la sécurité élémentaire en plaçant sur la machine une sorte de bouton d'arrêt d'urgence. Mais cette technique n'est pas satisfaisante. « Nous travaillons plutôt sur le concept de "compliance" », explique Raja Chatila. Au contact, le robot ne s'arrête pas mais réduit considérablement sa force. Si l'homme le pousse, il doit reculer, ne pas résister. « C'est très difficile à mettre en oeuvre, car il faut des capteurs partout. La solution est sûrement dans la mise au point d'une peau sensible qui recouvrirait la totalité de la carcasse », précise Raja Chatila.
(...) A force de s'inspirer des comportements humains pour éduquer leurs machines, les roboticiens ont compris qu'ils gagneraient beaucoup de temps en allant chercher les informations à la source, c'est-à-dire chez les psychologues. Ainsi, Jacqueline Nadel, spécialiste du développement à la Salpêtrière, est souvent consultée : « Les robots nous intéressent car, contrairement à l'homme, ils nous permettent de modifier les paramètres à volonté afin de tester nos modèles d'apprentissage », commente-t-elle."
Source: lepoint.fr