Réponse à: SENSIBLE40 (comment se prémunir de la violence psychologique)
Surnom: SENSIBLE40
Pays: Canada
Âge: 40
Sexe: féminin
Bonjour Monsieur Arenstein,
Est-ce que les femmes victimes de violence psychologique ont tendance à répéter le même pattern? c'est-à-dire à être attirées par le même genre de personnes, telles les femmes de conjoints alcooliques?
Je m'explique: Je suis séparée depuis deux ans. Désirant faire la connaissance d'un ami, je me suis inscrite à une agence de rencontre via internet. Les mots "douceur" et "respect" m'ont attirée comme un aimant. Je contacte cette personne. On se parle deux heures au téléphone, le contact est bon et semble correspondre à la description de la personne en question et à mes propres attentes.
En deux jours, on communique beaucoup ensemble, tant par téléphone que par icq mais quelque chose accroche et je me sens mal à l'aise (un détail pour certaines peut-être, mais il m'appelle "ma chérie" et "mon trésor", mots que moi je réserve à l'amour et non à une amitié naissante).
Ne pouvant dormir, je lui envoi un e-mail lui expliquant avec délicatesse mon malaise. Sa réponse me laisse bouche bée; le ton est non seulement accusateur mais il porte des jugements très durs et erronés sur ce que je lui ai dit et pas dit, sur ce qu'il a cru lire entre les lignes, bref il m'attaque personnellement. Je lui réponds avec calme, sans l'attaquer et refuse de m'expliquer par téléphone (j'ai déjà un message téléphonique de lui qui termine par un blâme). Il me traite de lâche ect... après quelques échanges, il comprend que je ne désire pas continuer cette relation (je ne l'ai pas rencontré encore!) et il me dit m'assurer de son respect, chose que je ne peux lui enlever paraît-il.
J'ai passé la journée quasiment dans un "état second". Je me sentais vidée, écrasée, incapable de me sortir de cette torpeur qui m'avait envahie. Le soir j'ai lu les échanges de courrier à ma mère et à mon fils (d'âge adulte). Ma mère m'a dit que ce n'était pas étonnant que je me sente si vidée, que je n'avais pas à me laisser démolir ainsi et m'a fait faire le rapprochement avec ma relation avec mon ex. Mon fils, m'a tout simplement dit: "regarde bien maman" et a tiré la chasse d'eau. Il a ajouté, tu "flush" ça c'est tout, voyons il n'en vaut pas la peine.
Je me croyais bien remise de ma séparation. J'ai un bon sens de l'humour, j'aime la vie, je fonctionne de façon autonome, m'intéresse à toutes sortes de choses... mais je constate certaines faiblesses également. Je demeure vulnérable face à la critique (surtout lorsqu'elle est injustifiée), je fais facilement confiance aux gens et dire "non" est pour moi un exploit (malgré que j'y parviens mais non sans efforts).
Je me suis impliquée dans un projet pour venir en aide à d'autres personnes... seulement dans la vie de tous les jours je n'ai pas d'ami(e)s véritables. Quand l'ordinateur est fermé, je n'ai personne à qui parler (sauf les gens de ma famille). En temps normal cette solitude ne me dérange pas trop, mais elle commence à me peser. J'éprouve de la difficulté à me sortir de cette inertie. Est-ce par peur ou par faiblesse? je ne sais pas du tout.
Avant ma séparation, j'ai consulté une psychothérapeute. C'est elle qui m'a fait prendre conscience de la violence dans laquelle je vivais. Je l'ai rencontré à plusieurs reprises et ça m'a bien aidé à y voir plus clair, à reprendre confiance en moi. Je l'ai revue également à quelques reprises, lorsque mon conjoint a pris la décision de me quitter.
Maintenant, la vie suit son cours et j'ai hâte que ma convalescence prenne fin. Comment me prémunir contre ce genre de relations? (j'en reviens à ma question du début) Comment peut-on détecter les agresseurs psychologiques? mais surtout... comment ne pas tomber dans le rôle de la victime??
Merci infiniment de prendre le temps de me répondre
Sensible40
Bonjour Sensible40,
Votre fils est un grand sage : il connaît le lâcher prise ! Tirer la chasse d'eau est vraiment un symbole superbe .
Je perçois dans votre lettre une belle qualité : l'intuition. Vous vous rendez compte que quelque chose accroche et occasionne un malaise. (Au début de cette relation)
Ce correspondant dont vous parlez me semble hautement susceptible. Douceur et respect sont probablement les qualités qu'il recherche et non celles qu'il a à offrir. Ces «ma chérie» et «mon trésor» dénotent ce besoin de posséder, d'avoir, qui semble passer chez lui avant le besoin d'être.
Sensible40, vous semblez mal gérer votre «frontière». Vous vous sentez vidée, démolie, votre vulnérabilité est si grande face à la critique .. comme si les autres n'avaient pas grand chose à faire pour vous « rentrer dedans». C'est sans doute un point à développer : votre frontière n'est pas un rempart qui vous coupe de l'extérieur; c'est un membrane symbolique, protectrice, qui vous protège de l'envahisseur mais qui vous permet, de façon sensible, (vous connaissez ce mot ? ) de rentrer en contact avec l'autre. La sensibilité est déjà là, si je me fie à votre nick. :o)
Ce projet pour venir en aide à d'autres personnes, le manque d'amis véritables, la vulnérabilité face à la critique, la confiance aux gens, la difficulté à dire non, tout cela me fait penser que vous exercez une profession dans le domaine humain, dans le domaine de la santé peut-être. Feriez-vous partie de la catégorie des «soi-niantes» ?
La porte de sortie de cette inertie, dont vous parlez, c'est l'affirmation de soi. Si vous avez vécu dans un contexte de violence, c'est que vous connaissez sans doute le rôle de victime. S'affirmer se fait un pas à la fois.
Comment vous prémunir contre ce genre de relation ? Comment détecter les agresseurs psychologiques ? Fiez-vous à votre intuition, Sensible40. Affinez cette frontière, qu'en psychologie humaniste, on appelle la frontière-contact. Et comment ne pas tomber dans le rôle de victime ? En vous affirmant dans ce que vous êtes, pardi !
Bien à vous :o)
Georges-Henri Arenstein, Psychologue