Réponse à: RÊVEUR (être à la recherche d'un "trip")

Surnom: RÊVEUR
Pays: Canada
Âge: 30
Sexe: masculin

Bonjour

Je voudrais d'abord vous remercier pour ce service que vous offrez gratuitement... Je vous visite depuis près de 3 ans maintenant, et ce site est toujours une source pour moi. Félicitations... J'ai déjà posé une autre question il y a longtemps (sous un autre nom je crois) et je n'ai jamais eu de réponse, j'espère être plus chanceux cette fois!

## Bonjour Rêveur, (Éternel Rêveur) voilà votre chance.

Voilà, je suis un homme et j'ai 30 ans. Je me demande s'il est normal pour quelqu'un de mon age d'encore être à la recherche d'un "trip", c'est à dire que je ne semble jamais être satisfait d'une relation de couple, et quand je suis seul, je trouve ça plate et je recherche une relation désespérément. Finalement, je ne suis jamais content, et c'est ça le problème...

## Se pourrait-il que vous confondiez «intimité» avec «intensité» ?

J'ai le feeling d'être encore un ado... J'ai toujours des "trips" de gars (ou de célibataire?), par exemple avoir une belle voiture pour "flasher"... Je m'imagine toutes sortes de situations où je suis un cadre d'une grosse compagnie, dans mon grand appart luxueux, vivant la grande vie dans une ville américaine, etc. Ou ben, et surtout quand je suis seul, je rêve à la grande romance avec une personne avec qui je vais passer le reste de ma vie, nous serons toujours ensemble, et rien d'autre ne sera important pour nous, sur notre voilier nous ferons le tour du monde, blablablabla... Vous voyez le topo...

## Oui très bien. Vous créez des scénarios de puissance et de force dans lesquels vous jouez un rôle important.

Finalement, je vis (dans ma tête) dans un film, et la réalité du petit train train quotidien m'embête. Et en finale, je gâche tout... Je suis avec une personne actuellement (et depuis plus de 3 ans) avec qui j'ai vécu pendant un bout dans mon rêve où rien d'autre n'était important pour moi (mais vraiment rien d'autre), mais depuis, le rêve s'est éffondré (évidemment, puisque ça ne peut pas fonctionner comme ça). Et maintenant, je rêve encore, soit à cette relation impossible, soit à être seul avec mes "trips" imaginaires (et donc à la quitter). Et je sais que si je pars, je vais "tripper" 2 mois et retombé dans la déprime, regretter, et recommencer à chercher désespérément, et le cycle recommence...

## Oui; et la chute est pénible.

Justement, voilà 4 ans, après ces 2 mois en question, ben je suis tombé bien bas dans la déprime (solitude), et je suis devenu dépressif... Je croyais m'en être sorti, mais voilà, je me rends compte que le problème au fond est toujours là... Depuis, j'ai changé de conjointe, de job (3 fois), et même de ville!! Faut se rendre à l'évidence, le problème est en moi!!! Je sais "rationnellement" que ces rêves ne sont que ça, des rêves, mais je n'arrive pas à m'en débarasser, ils me hantent, me rendent malheureux, et me dépriment profondément... Je pense toujours au passé avec mélancolie et nostalgie, etc. Je cherche toujours le changement parce que je me lasse du quotidien, de ce que j'ai... J'en ai assez de ça, je veux vivre au présent, être heureux, être intègre, cesser de jouer un rôle dans un film qui n'existe pas!!!!

Je suis aujourd'hui suivi par un psy depuis quelques semaines, et je vais lui en parler, mais je voulais avoir votre réponse, et partager mon problème et votre opinion avec l'ensemble des gens qui vivent la même situation que moi... J'espère que vous prendrez le temps pour me répondre.

Comment faire ?

## Combien nombreux sont ceux qui confondent intimité avec intensité ! Laissez-moi vous dire quelques mots à ce propos. Le «délice» qu'éprouve l'alcoolique à boire, le boulimique à manger, le drogué à consommer, est en fait une expérience de grande intensité. Ivresse, montée d'adrénaline, sentiments de honte et de peur, le tout mêlé au plaisir, tout cela procure une intensité extrême. Ce sentiment donne l'illusion d'être en «étroite communication» avec l'autre, avec soi, avec la réalité. Mais c'est une pure illusion car l'intensité n'est justement pas l'intimité.

N'importe quel dépendant vantera la profondeur et le caractère intime des liens qu'il entretient avec l'objet de sa dépendance (ses copains de bar, le conjoint, etc ). En fait, il ne s'agit nullement d'intimité, car ces liens cessent d'exister aussitôt que les personnes concernées ne sont plus réunies autour d'une bouteille ou d'un lit.

Les adolescents sont réputés très intenses (bien que leur intensité ne soit pas toujours visible). Les jeunes amoureux qui ont 14, 15, 16 ans vont parfois très loin dans leur recherche d'intimité; en fait, ils rencontrent surtout l'intensité, chose normale puisque celle-ci peut être le prélude à une intimité réussie. Inutile de tenter de raisonner un adolescent dans sa phase intense ! Les amours adolescentes fondent souvent rapidement : en effet, l'intensité se présente un peu comme une bourrasque de vent. Aussitôt arrivée aussitôt partie. L'intimité nécessite patience et persévérance, ce n'est qu'ainsi qu'elle peut demeurer à long terme.

Les dépendants s'ennuient de l'intensité. Les personnes matures cherchent et trouvent l'intimité. Les grands sages nous enseignent qu'on peut être intime avec une fleur, une fourmi, un nuage. Même si l'expérience passe, l'intimité demeure, car elle nous remplit.

Qu'ont en commun les substances ou les activités susceptibles de créer la dépendance (nourriture, jeu, sexe, drogue, alcool, etc.) ? Elles ont le pouvoir de procurer un état de bien-être artificiel; celui-ci réconforte et vivifie. Mais bien sûr, les effets sont temporaires et voilà pourquoi on doit recommencer bien vite à reprendre une dose.

Passer de l'intensité à l'intimité, c'est passer de la dépendance à l'autonomie. Arrêter de consommer une substance n'est qu'une étape dans ce processus de longue haleine. C'est changer toute notre perception du monde intérieur et extérieur dont il est question. C'est passer du «j'ai besoin» infantile au «je demande et j'offre» de l'adulte. C'est long et difficile, mais c'est réaliste.

Peut-être pourriez-vous vous poser cette question : vos «trips» sont-ils une recherche d'intensité ? Si c'est le cas, pourquoi craignez-vous tant l'intimité ? Si vous en avez envie, il serait possible de chercher quelques pistes dans cette direction.

Bien à vous.

Georges-Henri Arenstein, Psychologue