Vaginisme primaire de la partenaire
Josée Leboeuf, Sexologue clinicienne et psychothérapeute
Surnom: JORGE
Pays: France
Ma femme qui est toujours vierge souffre de vaginisme primaire. Sensible et fragile, elle a une phobie de la pénétration et du sang. En dehors du rapport vaginal, nous n'avons pas de problèmes sexuels. Ma femme n'a jamais connu de problèmes particuliers durant son enfance. Je voudrais savoir quelles sont les méthodes
psychologiques et physiques qui existent pour surmonter ce problème? Comment amener ma femme à avoir confiance et à surmonter sa peur? Je vous remercie infiniment de votre aide.
Bonjour Jorge,
Le vaginisme est la dysfonction sexuelle caractérisée par une contraction involontaire des muscles entourant le vagin, empêchant ou rendant difficile la pénétration. Vous dites que la dysfonction est "primaire" chez elle, ce qui signifie que votre partenaire n'a jamais connu de période où la pénétration fut possible. Elle a toujours souffert de vaginisme.
En tant que sexologue, lorsque je suis confrontée à ce genre de difficulté sexuelle, la première chose que je suggère à la femme est de consulter un médecin (plus particulièrement un-e gynécologue) afin de s'assurer que son problème ne provient pas d'une quelconque anomalie physique au niveau génital (vestibulite, hymen trop rigide etc...). Si aucune cause physique n'est constatée, on peut alors entreprendre un traitement sexologique, visant l'exploration des aspects psychologiques, affectifs et relationnels possiblement reliés à la dysfonction.
À mon avis, il est pratiquement impossible de se sortir d'un problème de vaginisme, sans avoir recours à une aide professionnelle. C'est une problématique complexe mais qui se traite bien lorsque l'évaluation appropriée est effectuée et que le plan de traitement est suivi de façon sérieuse et assidue.
Il y a diverses thérapies possibles offertes aux femmes souffrant de vaginisme. L'approche utilisée dépendra grandement de l'école de pensée à laquelle adhère le-la thérapeute que vous choisirez de consulter. Pour ma part, je considère que le vaginisme est une forme de protection psychique contre l'agression que représente la pénétration. Une crainte démesurée de la douleur, de la grossesse, des maladies transmises sexuellement, de la vulnérabilité et de la perte de contrôle de la femme sur sa sexualité et ultimement, sur sa personne, sont souvent à la base de cette dysfonction. On remarque souvent (mais pas toujours) dans le passé de ces femmes, soit un historique d'abus sexuel ou autre traumatisme relié à l'expression de leur sexualité (par exemple - une éducation très sévère, punissant toute allusion à la sexualité). Dans cette façon de comprendre le problème, on imagine que la femme ne se permet pas de se laisser "envahir" par l'homme et par la potentialité du plaisir sexuel pouvant être associée à un total "laisser-aller" - ou abandon à l'érotisme. La femme craint d'être vulnérable... certaines disent "c'est la seule chose qui est totalement à moi... si je la donne, il ne me reste plus rien..."
Avec cette approche, il importe de laisser énormément de place à la femme pour exprimer exactement comment elle considère la sexualité, particulièrement la sexualité coïtale (pénétration). On doit travailler à créer chez elle, un sentiment de confiance suffisant pour contrer la crainte de perdre le contrôle qui l'habite. En thérapie, on laisse à la femme, le pouvoir de décider du rythme de progression du travail. Si le couple consulte ensemble, on travaille grandement sur l'aspect communication et aussi, au niveau de l'intimité non-sexuelle (aspect souvent escamotté chez les couples aux prises avec une dysfonction sexuelle). Nous proposons également des exercices sensoriels permettant une meilleure connaissance du corps (le sien et celui du partenaire) et de ses réactions. Nous suggérons à la femme de tenter elle-même une pénétration avec un doigt... puis deux... pour explorer les émotions et sensations que ce geste éveille en elle et ultimement, nous proposons des exercices avec le partenaire - mais attention - ces méthodes ne sont pas proposées dès le début du suivi NI à un rythme rapide... je condense énormément ici, divers aspects de la démarche, pouvant s'échelonner sur une période de plusieurs mois.
Certains sexologues suggèrent l'utilisation de dilatateurs (objets de forme légèrement phallique, de grandeurs variées à insérer au niveau du vagin, graduellement au cours du suivi thérapeutique - exercice à faire à la maison) Personnellement, je ne privilégie pas cette approche. Je constate que les femmes son généralement plus à l'aise à utiliser leurs doigts qu'un objet de plastique froid et impersonnel. Mais bon... je ne juge pas pour autant cette façon de procéder... cela dépend simplement de notre façon de considérer la problématique.
Un autre aspect important est le risque de vouloir trop rapidement remédier au problème. Je m'explique. Si une femme a développé ce mécanisme de protection, c'est pour une raison... et de trop axer sur la réhabilitation rapide, sans avoir suffisamment tenté de comprendre la source de la difficulté, risque de déséquilibrer sa dynamique personnelle. Je considère qu'une grande partie de la démarche doit permettre une exploration verbale de sa situation et une fois que la femme se sent prête, on peut passer aux exercices un peu plus "mécaniques".
En terminant, je veux vous laisser sur une piste de réflexion. Elle ne s'appliquera peut-être pas à VOTRE histoire mais je me permets de vous la proposer puisque'elle vient directement de la bouche de femmes vaginiques que j'ai moi-même suivie en thérapie. Pour elles, il y a un aspect du problème qui relève du fait qu'elle se disent "en relation avec un partenaire TROP PATIENT... TROP BON..." Que si l'homme "insistait" un tout petit peu plus, elle se seraient possiblement penchées sur le problème avant aujourd'hui... En un mot, que généralement, les partenaires des femmes vaginiques sont de "bien bons gars" Qu'en pensez-vous? Il y a une philosophie voulant que l'on ne tombe pas par hasard sur tel ou tel conjoint... Il peut y avoir une problématique chez le conjoint, qui contribue indirectement au vaginisme de la femme. Enfin... comme je le disais, cette réflexion peut ne pas vous rejoindre mais ne serait-ce que pour les bénéfices d'autres lecteurs qui s'intéressent au sujet, je me devais d'en mentionner la probabilité.
J'espère que cela vous éclaire un tant soit peu. Mais surtout, que cela vous encouragera à entreprendre une démarche thérapeutique avec votre partenaire (ou du moins, qu'elle le fasse par elle-même) afin de comprendre la source du problème et d'y remédier pour pouvoir vivre enfin, une sexualité à l'image de vos aspirations et vos désirs.
Bonne chance!
Josée Leboeuf, Sexologue clinicienne et psychothérapeute