De Jaja_


Tout a commencé il y a 25 ans ... et les effets même atténués, sont toujours là : impossibilité de faire confiance, insomnie profonde, hypervigilance... J'ai été victime de violences et viol conjugaux, pendant 4 ans, voici ce que j'ai pu en écrire. 

Au noir le plus profond de mon cauchemar je ressens encore la brulûre de l'alcool jeté au visage et dont la douleur s'infiltrant sous mes paupières vrillait mon œil m'aveuglant ainsi à toute vision. 

L'odeur de cet alcool amer qui me hante et me le fait détestable.

J'y entends toujours les mots de haine et d'humiliation, les mots de mort et de vengeance d'un être mal construit, non édifié, écartelé par les règles immuables d'une loi trop ancienne.

Je redeviens cette chemise de nuit de crépon blanc à l'échancrure délicatement bordée de fleurs azur brodées à la main des montagnes et choisies avec amour pour l'art et la tendresse de la transmission maternelle.

Je suis ce tissu déchiré d'un mouvement empli de violence et de mal.

Apparaît une poitrine de femme bientôt zébrée et lacérée de tracés vermillons à la pointe de la main que je voulais serrer dans la mienne et sentir courir sur mon corps en caresses bienfaisantes.

La main ne se tend pas, elle se ferme un en poing rageur et méchant.

Un poing qui frappe aux points vulnérables, aux point de ma faiblesse.

Un poing qui frappe au ventre, qui frappe à la gorge, qui frappe au visage.

Figure qui n'est plus qu'un cri, qu'une bouche démesurément ouverte sur des gencives qui saignent de stupeur laissant s'échapper un filet de vie et de salive mélangées.

Bouche et gorge d'où fuse un long cri strident dans la nuit, un hurlement de désespoir et de douleur.

Douleur physique et souffrance d'incompréhension.

Mon corps tente vainement de se débattre et redoublent les coups, les injures injustes et injustifiées.

Torture et meutrissure. Indicible mais ressentie et vivante.

Meutres dans mon ventre. Je ne suis plus qu'un cercueil fermé sur un embryon s'échappant de la vie.

Mes bras sont tordus , mes poignets me font mal.

Je tente de me recroqueviller, ultime tentative pour offrir aux coups le moins de surface possible.

Le poing se déserre et s'unit en serres autour de mon cou.

Dans ma tête plus rien que le vide de lumières fulgurantes.

Le temps s'étire et se déchire.

Je tente de hurler à nouveau et mon cri inutile meurt avant même d'avoir été prononcé.

Personne ne l'entend, personne ne peut l'entendre. Autour de moi les oreilles sont semblables aux murs qui ne réfléchissent plus que l'écho des douleurs. Sourds et indifférents.

Coups de pieds d'un homme dominant une femme terrassée. Coups de pieds et coups rudes des genoux qui blessent d'hématomes mes hanches et mes jambes. Coups de genoux qui se fraient à fracas un chemin de violence que mes mains emprisonnées ne peuvent empêcher d'exister, de se faire.

Je ne peux même pas ne pas voir cette figure au-dessus de la mienne, ce rictus de haine, ces yeux fous.

Mes yeux restent désespérément ouverts sur la violence de l'acte qui s'accomplit.

Je ne suis plus rien qu'une peur de mourir, une angoisse démente de ne plus voir le jour prochain.

A quel espoir m'accrocher ?

Je sombre à une vitesse intense de lenteur dans une souffrance tellement indicible qu'elle m'aveugle.

Je sombre dans l'obscurité d'un puits sans fond où les feux de l'enfer seraient délivrance.

Mon corps n'en peut plus de lutter et de résister. Mon espoir s'est enfui à jamais.

Ma volonté et ma raison sont anéanties, mortes, inexistantes.

Je suis clouée, transpercée, torche de souffrance.

Accélérer le mouvement de la douleur pour en finir, l'accepter et ne plus lutter.

Je suis rompue et vaincue.

Claquement du corps qui s'affaise et pèse sur le mien.

Un dernier coup de genoux et me voilà ouverte, béante.

Explorée et exploitée, utilisée et violée.

Salie et répugnée.

Saccades de mouvements moins douloureux que les coups dont l'écho retentit encore dans mon corps.

Mon sang s'agglutine en ecchymoses sous ma peau.

Mon sang s'échappe en paquets gluants ejectés de mon sexe de femme abrutie sombrant enfin dans un sommeil sans rêve.

Morte vivante.

Survivante.