"Quatre fois par semaine, dès 5h du matin, Pierre Maisonneuve est sur la route du boulot. Les yeux grands ouverts sur Montréal qui s'éveille doucement, il parcourt à pied les cinq kilomètres qui séparent son domicile de Radio-Canada, tout en écoutant les nouvelles de sa station, branché qu'il est sur son i-river... mais rien que d'une oreille. «C'est pour demeurer alerte et attentif aux bruits de la ville», précise le journaliste, prudent.
Pour ce marcheur invétéré qui a dû subir un triple pontage, mettre un pied devant l'autre pendant près d'une heure matin et soir lui permet avant tout de garder la forme. Mais aussi d'observer le design des corniches, les couleurs des façades. Et surtout cette lueur de l'aube qui enveloppe le parc Lafontaine en hiver et qui lui rappelle chaque fois qu'il n'y a pas deux matins qui se ressemblent. «Comme journaliste, marcher me permet de voir vivre les gens», dit l'animateur de Maisonneuve en direct, qui avoue regretter amèrement ses 25 années passées en banlieue, qui l'ont contraint à vivre l'enfer des ponts.
(...) l'écrivain et poète André Carpentier préfère plutôt battre la semelle dans le dédale de Montréal par plaisir, errer dans ses ruelles, sentir l'odeur du linge frais sur la corde, toucher les vieilles clôtures en fer ou les tôles des hangars. «Le fait de marcher en ville permet de se réapproprier son lieu, de trouver l'"infamilier" dans le familier et de découvrir des choses qu'on ne voit pas d'habitude, tout simplement parce qu'on ne prend pas la peine de regarder», dit ce directeur d'un collectif d'écrivains déambulateurs et auteur d'un livre sur les ruelles.
Dans une société où les minutes se font rares, flâner devient une façon d'user de son temps pour soi. «Le déambulateur pose son regard attentif mais qui semble désintéressé. En réalité, il emmagasine tout ce qu'il voit. C'est la veille du chasseur dans sa cache, l'éloge de la lenteur», souligne ce professeur d'études littéraires à l'UQAM, qui donne un séminaire sur l'écriture déambulatoire."