J'écris parce qu'il faut que je me tourne quelque part, que j'essaie d'enlever un poids.
Je fais tout ce que je peux pour tenir le coup. Je ne suis pas du genre à m'effondrer aux défis de la vie mais là, la charge est trop lourde.
Premièrement Lui. À 35 ans j'ai trouvé le grand Amour. Je me disais qu'il ne faut pas désespérer, que tout arrive, je m'émerveillais. Il disait n'avoir jamais aimé comme ça, que j'étais la femme de sa vie, tout ce qu'il avait toujours cherché. On avait beaucoup en commun, on faisait l'amour à merveille. Moi qui n'ai fait qu'errer je pensais toucher enfin à mon port. J'étais sûre que toujours, toujours quand il serait fatigué ou triste il viendrait comme ça poser sa tête sur mon ventre et m'entourer de ses bras. Je pensais qu'on vieillirait doucement ensemble. Il le disait d'ailleurs : "Ce qui me rassure est de penser que tu seras toujours là".
Moments difficiles. Épreuves. Au lieu de se retourner vers moi il s'est éloigné. J'ai tâché de le ramener, de lui faire saisir qu'il fallait qu'il compte sur moi. Il m'a dit qu'il avait besoin d'être seul. Il m'a dit qu'il n'avait de place pour personne dans sa vie. Je me suis retirée l'âme en peine.
Il est venu à nouveau vers moi quelques fois, me disant qu'il m'aimait, qu'il ne comprenait pas pourquoi il agissait ainsi, que je lui manquais, versant une larme de trop d'émotion, me regardant dans les yeux. Il redisparaissait pour plusieurs semaines.
En même temps je me suis mise à perdre mes cheveux par poignées. Ça fait un an maintenant. Je crois devenir folle. Mes cheveux ont diminué des trois-quarts. Je n'en dors plus. Je sombre dans la terreur.
J'ai l'impression d'avoir fait un long, long, long chemin plein d'obstacles - parce que nous deux ce n'était pas gagné d'avance; je me suis battue - en fixant à l'horizon la prairie verte où je pourrais enfin m'arrêter. Je tenais le coup en regardant devant moi. Et au moment où je mets enfin le pied dessus, envahie d'une bouffée de bonheur pur, mérité, l'image se dissipe et il ne reste encore que ce chemin sombre et froid, paysage désolé, sans plus d'horizon.
Il m'a appelée il y a moins d'un mois parce que c'était l'anniversaire de notre histoire : quatre ans. Pour me dire "Je voulais te dire que je n'oublie pas; j'y pense". Il m'a appelée il y a dix jours quand il savait que je n'y étais pas pour me laisser sur mon répondeur les notes d'une mélodie qu'il venait de composer.
Je n'ai pas rappelé. Je n'en peux plus de souffrance vive.
Mais je le vois partout.
En même temps j'ai peur qu'il ne survienne à l'improviste. Quel regard jettera-t-il sur moi avec mon problème de cheveux ?
Il y a quatre ou cinq mois à peine il me disait encore... "Si tu veux tu t'arrêteras de travailler. Je gagne bien assez pour deux ! Je te l'offre."
Vraiment l'impression que ma vie s'effrite entre mes mains.