Elle monte ses enfants contre moi

Depuis maintenant 5 ans, je suis en couple avec un homme merveilleux, précédemment marié et divorcé. Ils ont eu 3 enfants ensemble. Ces petits sont venus vers moi tranquilement et nous avons établi, au fil des ans, un lien de confiance solide.

L'autre jour, l'ex m'a plaqué. Et elle a eu la bonne idée d'embarquer sa fille dans cette histoire. J'ai débattu mon point de vue avec elle, mais ça a brisé quelque chose entre nous. Elle s'est très vaguement excusée, mais elle m'ignore trop souvent et se trouve des défaites pour sortir. Nous étions si proches, et du jour au lendemain, je deviens "une ostie de belle-mère" (pour reprendre ses propos).

Je veux bien croire qu'elle soit adolescente et que tout d'un coup, elle se soit trouvé des affinités avec sa mère, mais que fait-elle de nos années passées à se consoler mutuellement ? Et moi là-dedans, qui ronge de chagrin et de colère ? Je suis telement mal à l'aise quand elle met les pieds chez nous, elle m'intimide presque. Chaque jour me revient en tête : "J'veux pus de toi dans ma putain de vie !"

Que faire ? Réouvrir la discussion ? Attendre que ça passe ? Je ne sais plus... J'ai perdu une petite fille extraordinaire, pratiquement une amie.

Chère Djoulaille,
Tu es une femme particulièrement fidèle, Djoulaille, et tu veux protéger ceux que tu aimes, je veux dire non seulement ta famille actuelle, mais également ceux qui ont pris soin de toi et ta mère. C’est tout à ton honneur, mais je voudrais quand même te poser quelques petites questions, en espérant que tu ne m’en voudras pas de mettre certaines choses en doute.
Tu dis qu’on t’évitait de prendre conscience de la réalité , est-ce que cela veut dire qu’on ne te disait pas pourquoi ta mère ne pouvait pas t’approcher, et que cette question là devait quand même te tourmenter ?
Tu dis qu’on te couvait, et pourtant tu as tellement souffert d’être la proie de la risée des autres, de ce pouvoir que tu leur prêtais tandis que tu te sentais déjà( comme maintenant) sans défense ni protection, que je ne peux m’empêcher de me dire : Couvée, oui, protégée sans doute, mais dans le sens où une menace, un pouvoir malveillant pouvait s’exercer sur toi, d’autant plus redoutable qu’on te le faisait sentir sans rien t’en dire
Quand j’entends ta souffrance faite d’insécurité, de crainte d’abandon, de peur d’une malveillance destructrice, je ne peux m’empêcher de me dire : Mais qu’a-t-on donc fait (sans le dire) à cette petite fille ?
Et j’ai mal de te voir si fragile, je voudrais pouvoir te rassurer, t’apporter l’assurance que non, plus jamais aucune femme ne pourra porter atteinte à ton intégrité.
A quand tu veux,
Hedwige

Je lis sans cesse ton message et je cherche à comprendre le lien entre un sentiment imminent d'abandon et mon insécurité actuelle. Pourtant, j'ai été élevée dans la ouate, n'ayant conscience de pratiquement rien autour. Simplement d'aimer une femme qu'on ne voulait pas voir m'approcher, mais que j'aimais malgré tout. Et surtout, j'ai évolué avec les exemples des gaffes des autres comme un chemin à ne pas suivre. J'étais différente des autres jeunes, terrorisée à l'idée qu'on pouvait rire de moi et ça a été ainsi pendant plusieurs années à l'école. En tant qu'adulte, je ne veux pas que cette femme (ou quiconque) ait le pouvoir qu'ils croient mériter, et je m'efforce de ne pas leur faire sentir. Mais à l'intérieur, ça m'ébranle beaucoup trop. Tu sais, je crois que je réalise qu'à force d'avoir été couvée de la sorte, j'ai passé à côté de plusieurs éléments qui auraient dû normalement m'apporter plus de confiance en moi. Qu'en penses-tu ?

P.S. Avec la petite, ça va mieux. Elle est encore jeune et a passé par-dessus les événements. Par contre, sa mère semble vouloir utiliser mon conjoint comme un intermédiaire afin de régler nos conflits. Je lui ai dit de ne pas s'en mêler. Un mois plus tard, les choses bougent enfin...

Hedwige, bravo :)

Merci pour ta gentillesse et ta confiance, Djoulaille, mais ne me prends pas pour une voyante, j’essaie simplement de t’entendre avec amitié.
J’ai relu l’ensemble de tes messages et constate que manifestement, l’ex de ton conjoint a déclenché un basculement en toi. Tu lui prêtes un pouvoir démesuré, le pouvoir de détruire ce que tu as construit et de dresser les autres contre toi. Tu la vois aussi comme quelqu’un qui menace constamment de te déloger de ta place et qui n’hésitera pas à le faire, trouble psychologique aidant.
Et je lis également un autre de tes messages : Ta mère était si perturbée que non seulement elle t’a abandonnée, mais qu’elle a fait en sorte (involontairement) que les grands-parents qui t’avaient à charge se préoccupent plus d’elle que de toi. Comment la petite fille que tu étais a-t-elle dû vivre et interpréter cela ?
Entre ces deux situations, il m’a semblé pouvoir établir un lien de résonnance, je te le propose donc, car j’aimerais vraiment pouvoir t’aider et suis touchée par ta détresse.
A bientôt j’espère.
Hedwige

Hedwige, je crois que tu as mis le doigt sur quelque chose que je croyais bel et bien loin de moi. Le sentiment d'abandon. Je ne sais pas comment l'aborder, mais je vais devoir travailler très fort là-dessus... Moi qui croyait que ces vieilles blessures étaient guéries et sans conséquences. Mais comment fais-tu donc ? :)

Tu as raison, alors que je vois les aspects négatifs, tu me rappelles les belles choses que j'ai pu vivre. Je ne devrais pas me faire autant de mal à me rappeler ces événements et axer mon bien-être sur le bonheur que je propage autour de moi.

Mais comme tu pourras lire dans mon journal, je ne me reconnais plus. J'étais si joviale et positive avant, c'est comme si je vivais les événements à reculons depuis quelques temps. Je ne me comprends plus, et je ne comprends pas pourquoi l'abandon refait surface... Pourquoi cet incident vient tout à coup changer mes perspectives et la personne que j'ai toujours été ? Pourquoi suis-je si vulnérable à quelque chose d'aussi malveillant, alors qu'avant, j'aurais pu m'en détacher aisément ? Comment guérir cette vieille blessure ?

Je veux poursuivre ma discussion avec toi Hedwige, je suis complètement subjugée. On dirait que tu me connais par coeur, même plus que moi et ça me fait un bien fou.

Et en passant, oui, ça se prononce July. Hi, hi, hi !

Bonjour Djoulaille (July ?),
Comment est-il possible que tu envisages ta place comme celle d’un bouche-trou ? Quand je vois, chez ton compagnon et les deux garçons, les signes évidents de la joie que tu leur a apporté, l’espèce de rayonnement de reconnaissance qu’ils te transmettent, je me dis que tu dois décidément porter en toi une grande blessure, une grande non considération envers toi-même, pour que le dos tourné de ton adolescente en crise suffise à réduire en poussière tout le reste de ce que tu fais.
La question que tu te poses : Pourquoi me rejette-t-elle alors que je lui ai donné le meilleur de moi-même ? a des échos lointains en toi et te ramène sans doute à une situation où tu rageais et souffrais dans l’impuissance et la dépendance. De là vient ta difficulté à considérer aujourd’hui que ta place est acquise, donnée une fois pour toutes. De là aussi la difficulté pour toi de prendre le recul qui te permettrait de réaliser qu’il y a mille chances sur cent pour que cette petite projette actuellement sur toi la face mauvaise de sa propre mère.
Si je ne me trompe pas et que tu désires encore parler, n’hésites pas.
Hedwige

Bonjour à vous deux, merci de votre réconfort.

Pour tout vous dire, nous avons vécu quelque chose de très difficile il y a maintenant deux ans. Le fils le plus âgé de mon conjoint a subi un très grave accident et a passé à un cheveu de mourrir. Mais il s'est accroché et nous devons composer aujourd'hui avec un homme aux capacités limitées. Il doit tout réapprendre. Je me suis impliquée auprès de lui et je continue de le faire aujourd'hui, car il a besoin de soins et d'attention constants. En ce qui a trait aux deux autres enfants, je les ai soutenus moralement pendant toute cette période, où les petits étaient laissés pratiquement à eux-mêmes, avec leurs souffrances et leurs inquiétudes d'enfant, les parents étant bien sûr à guérir leurs propres blessures morales.

Mon conjoint apprécie mes interventions. Comme il dit : "Nous avons un lien magnifique et très fort." Et que dire de mon grand qui me le fait remarquer constamment par ses marques d'amour. Quel bonheur de pouvoir partager et le rendre heureux. Le plus jeune aussi est très attaché et à l'aise chez moi, et j'en suis fière. Mais ce n'est malheureusement plus le cas de la petite, qui fait tout pour m'éviter.

Au début, je croyais que la mère me jalousait et voulait protéger son bébé de tous les yeux extérieurs. Peut-être est-ce que ça a été un élément déclancheur chez elle, je n'en sais rien. Mais ma bonne volonté n'aurait jamais dû nous faire obstacle.

J'étais préparée à ce que la petite retrouve un jour son identité mère/fille tant désirée et j'attendais qu'elle vienne à moi complètement transformée de sa nouvelle relation avec elle. Au lieu de s'être fait en douceur, elles se sont servies de ce que j'avais de plus beau à offrir pour le tourner contre moi.

Je crois aussi que la petite est probablement très malheureuse de cette situation. Mais sans être égoïste, moi aussi je souffre et je rage. Je n'ose pas ouvrir la brèche pour que ça se retourne à nouveau contre moi. On dirait que chaque fois que je m'attache, je me le fais remettre. J'essaie de faire ma vie de mon côté, mais je marche sur des oeufs et je n'ai que ces événements en tête. Je ne peux pas concevoir rester avec un homme aussi impliqué auprès de ses enfants, sans le faire moi aussi. Je ne veux pas être une bonne de service quand le week-end arrive. Je ne suis pas un bouche-trou.

Merci d'avoir pris le temps de me lire. Ça me fait du bien.

Attention: un enfant, par rapport à un adulte doit toute son enfance et son adolescence rester un enfant... il ne faut pas confondre sa place avec celle d'une "amie".

Son revirement de comportement est peut-être passager... montrez-vous en adulte en la laissant libre de ses choix et en respectant sa place et ses choix d'enfant :)

Que vous dit son papa?

Bonjour Djoulaille,
Ton désarroi me touche, Djoulaille, car il montre que tu as accepté ces trois petits avec un vrai cœur de mère.
Puis- je te demander d’abord une chose : De quoi vous consoliez-vous mutuellement toutes deux ? Est-ce de l’abandon d’une mère, abandon pour elle actuel et pour toi rappel douloureux ? Ou le fait désolant que vous n’ayez toutes deux pas pu être réellement mère et fille depuis le départ ?
Je suis sûre que cette enfant en est venue à t’aimer comme une mère, mais voilà, la réapparition et l’attitude de sa mère la mettent dans un conflit de loyauté déchirant.
En quelque sorte, sa mère la met dans l’obligation (peut-être non dite, mais sensible) de faire un choix entre elle(la mère) et toi. Implicitement elle déclare à sa fille « si tu t’attaches à Djoulaille, je considérerai que tu me renie »
Ne crois pas que le choix de ton ado soit aisé et qu’elle vive bien l’éloignement qu’elle s’impose à ton égard. Oui, sa vie est devenue « une putain de vie », comme elle le dit.
J’espère t’avoir un peu apaisée et suis là si tu désires encore parler
Hedwige