La connaissance de l'impact des symptômes de sevrage des antidépresseurs, au-delà des effets secondaires physiques, demeure limitée, indiquent les auteurs d'une étude publiée en janvier 2024 dans la revue Health Expectations.
Il est nécessaire, soulignent-ils, d'étudier les expériences de sevrage telles qu'elles sont vécues, afin d'aider les professionnels à mieux guider les patients tout au long du processus.
Une étude systématique, que citent les auteurs, a montré que 46 % des personnes en cours de sevrage qualifiaient leurs symptômes de très sévères et que ces symptômes duraient souvent plus de deux semaines, voire plusieurs mois.
Les craintes concernant ces effets de sevrage et le risque de rechute conduisent souvent les patients à continuer à prendre des antidépresseurs après la rémission de la dépression.
Une enquête menée auprès de médecins généralistes britanniques, également citée par les auteurs, a montré des lacunes dans leurs connaissances sur le sevrage. Il est notamment difficile de distinguer les symptômes de sevrage des premiers signes de rechute en dépression.
Des études indiquent que les expériences de sevrage peuvent être diverses et incluent des changements physiques et émotionnels. Mais les recherches à ce jour ont surtout porté sur les symptômes physiques.
Afin d'explorer l'impact du sevrage sur d'autres domaines de la vie tels que l'humeur, les interactions sociales et les processus cognitifs, Raqeeb Mahmood et ses collègues (1) du Département de psychologie de l'Université de Bath et de l'École de médecine de l'Université de Bristol (Royaume-Uni) ont mené des entretiens approfondis avec 20 personnes ayant tenté d'arrêter des antidépresseurs (2) au cours de l'année écoulée.
Cinq thèmes ressortaient de ces entretiens.
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L'impact émotionnel et cognitif
Des participants estimaient que la disparition de l'émoussement émotionnel causé par les antidépresseurs était parfois difficile à gérer. Ils se sentaient parfois submergés par les émotions.
Mais ils appréciaient également de pouvoir à nouveau ressentir des émotions de manière normale. (Les antidépresseurs réduiraient aussi les émotions positives)
Quelques participants avaient aussi l'impression qu'une suppression cognitive était levée (des pensées et des souvenirs qui avaient apparemment été supprimés revenaient maintenant).
Les pensées négatives et les difficultés de concentration étaient fréquentes.
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L'impact relationnel et social
Plus de la moitié des participants estimaient que le sevrage avait un impact négatif sur leurs relations intimes ou proches. C'était souvent les proches qui devaient composer avec les difficultés de régulation des émotions des participants. Certains avaient l'impression que leur partenaire ou des membres de leur famille souhaitaient qu'ils reprennent leurs médicaments.
Il s’agit d’un aspect important du sevrage, soulignent les chercheurs, car les membres de la famille sont souvent une source clé de soutien. Se préparer à ces changements potentiels peut donc aider le patient et sa famille à traverser le processus de sevrage.
Certains participants rapportaient que les situations sociales en général leur semblaient laborieuses et étaient ressenties comme une corvée. Certains avaient une plus grande tendance à s'isoler.
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L'impact sur la santé physique
Tous les participants déclaraient avoir ressenti des effets secondaires physiques pendant le sevrage, notamment :
- de la fatigue ;
- des nausées et des vomissements ;
- des problèmes de sommeil (cauchemars, sueurs nocturnes et rêves intenses) ;
- des diarrhées ;
- de l'akathisie (incapacité à rester immobile) ;
- des sensations de décharges électriques ou de vibrations cérébrales (« brain zaps ») ;
- des bourdonnements d'oreilles ;
- des maux de tête ;
- des vertiges ;
- des douleurs articulaires.
Les effets secondaires physiques étaient perçus comme ayant un impact sur la qualité de vie générale, mais aussi sur les performances scolaires ou professionnelles et la vie sociale.
Des impacts physiques positifs
Certains participants rapportaient des impacts physiques positifs. Ils déclaraient être plus en forme, en meilleure santé, avoir perdu du poids et avoir une meilleure régulation de leur appétit. (Les antidépresseurs font prendre du poids, confirme une grande étude)
L'exercice était rapporté par certains comme un mécanisme d'adaptation lors du sevrage.
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Le soutien des familles, amis et médecins généralistes
Environ la moitié des participants ont déclaré avoir du mal à communiquer les difficultés du sevrage à leur famille et à leurs amis, ce qui entraînait parfois des conflits. Des participants qui ont décrit avoir reçu un bon soutien ont indiqué que c'était peut-être parce que les membres de leur famille avaient des connaissances en matière de santé mentale ou avaient vécu des expériences similaires.
« Certains symptômes étaient si sévères que la famille et les amis de la personne qui arrêtait de prendre ses médicaments les ont encouragés à y revenir ».
Les participants estimaient que, bien que les médecins généralistes aient été dans l'ensemble « gentils et encourageants », ils n'ont eu qu'une implication minimale pendant le sevrage et qu'il semblait y avoir un manque de sensibilisation aux effets du sevrage et un nombre insuffisant de rendez-vous de suivi.
Ils auraient souhaité que les médecins généralistes fournissent davantage de conseils sur la gestion des effets secondaires. Ils avaient souvent le sentiment d'être livrés à eux-mêmes et que peu de ressources d'auto-assistance étaient disponibles auprès de leurs prestataires de soins de santé.
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Le timing
Il est important que la diminution soit progressive pour que le sevrage soit gérable. Quelques participants ont souligné l'importance de programmer les tentatives de sevrage à des périodes moins stressantes de la vie.
Des participants ont souligné l'importance que la diminution des antidépresseurs soit progressive mais également flexible et se déroule à un rythme adapté à chacun. Par exemple, un participant expliquait : «
Je dois en quelque sorte écouter mon corps. J'ai modifié ma dose en conséquence et j'ai joué à l'oreille (au lieu de suivre la partition, ndlr), je ne sais pas si c'était une bonne idée, mais cela m'a permis de passer au travers.
»
« L'expérience vécue du sevrage a un impact significatif sur le bien-être des individus. Les participants ont souligné que le sevrage ne se limite pas aux effets secondaires physiques, mais qu'il affecte également leur fonctionnement émotionnel, cognitif et social
», concluent les chercheurs.
Pour plus d'informations sur l'arrêt des antidépresseurs, voyez les liens plus bas.
(1) Vuokko Wallac, Nicola Wiles, David Kessler, Katherine S. Button, Graeme Fairchild.
(2) Les antidépresseurs utilisés étaient de la classe des inhibiteurs sélectifs du recapture de la sérotonine (ISRS) (liste) qui est la classe la plus souvent prescrite.
Psychomédia avec sources : Health Expectations, University of Bath.
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