Une étude, publiée dans la revue Current Biology, est la première à démontrer un lien direct entre un neurotransmetteur spécifique du cerveau mesuré chez des personnes atteintes d'autisme et un de leurs symptômes.
Caroline Robertson de l'Université Harvard et ses collègues (1) ont identifié un lien direct entre un symptôme sensoriel et la réduction de l'action inhibitrice du GABA.
Les neurotransmetteurs, qui transmettent les signaux d'une cellule nerveuse à une autre, sont inhibiteurs ou excitateurs, c'est-à-dire qu'ils commandent l'arrêt ou le déclenchement de l'activité de la cellule qui reçoit le signal. Plus d'un tiers des synapses (espaces de communication entre les cellules nerveuses) utilisent ce neurotransmetteur.
L'autisme est souvent décrit comme un trouble dans lequel toutes les entrées sensorielles atteignent la conscience en même temps, note la chercheuse. « L'idée qu'un neurotransmetteur inhibiteur joue un rôle important est donc cohérente avec les observations cliniques.
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« De plus, les personnes autistes ont souvent des crises d'épilepsie (20 à 25 % des autistes). Et ces crises sont considérées comme un emballement de l'excitation dans le cerveau », ajoute-t-elle.
Des études génétiques et animales précédentes ont suggéré un rôle important de la signalisation du GABA dans l'autisme, mais les preuves empiriques directes chez l'humain manquaient. Des études ont également montré que les personnes souffrant de troubles du spectre de l'autisme sont plus lentes dans un phénomène appelé « rivalité binoculaire » qui implique une inhibition cérébrale.
Dans la rivalité binoculaire, deux images conflictuelles sont présentées simultanément, une à chaque œil. Le cerveau inhibe les signaux neuronaux de l'une des images pour acheminer l'autre à la conscience. Chez les personnes au développement typique, une image visuelle est supprimée de la conscience pendant plusieurs secondes. Les personnes atteintes d'autisme ont de la difficulté à supprimer les images visuelles.
Pour vérifier si cette difficulté était liée à des différences dans les niveaux de GABA, les chercheurs ont demandé à 21 adultes atteints d'autisme et 20 adultes neurotypiques de compléter une tâche de rivalité binoculaire. Comme attendu, les participants atteints d'autisme étaient plus lents à supprimer les images visuelles.
Pendant que les participants complétaient la tâche, des images cérébrales au moyen de l'IRM étaient prises afin de mesurer les concentrations de GABA. Un fort lien a été constaté entre la dynamique de rivalité binoculaire et les niveaux de GABA chez les participants au développement typique. Ce lien était complètement absent chez les participants autistes.
« Les personnes autistes sont connues pour avoir une perception visuelle orientée vers les détails - présentant une attention remarquable aux petits détails dans l'environnement sensoriel et une difficulté à filtrer ou supprimer les informations sensorielles non pertinentes », dit la chercheuse. «
On a longtemps pensé que cela pouvait avoir quelque chose à voir avec l'inhibition cérébrale, et nos résultats corroborent cette notion.
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Les chercheurs notent cependant que le dysfonctionnement du GABA peut varier considérablement chez les personnes ayant un trouble du spectre de l'autisme (qui inclut notamment le syndrome d'Asperger). Il y a aussi beaucoup d'autres neurotransmetteurs qui peuvent jouer un rôle important dans les manifestations comportementales de l'autisme.
Des études prochaines examineront la base génétique du déséquilibre du GABA. Les chercheurs examinent également la dynamique de la rivalité binoculaire chez les enfants atteints d'autisme et le potentiel de ce phénomène comme un marqueur de diagnostic précoce.
(1) Eva-Maria Ratai, Nancy Kanwisher.
Illustration : Libération de neurotransmetteurs à la synapse de deux cellules nerveuses. Source : US National Institute of mental Health.
Psychomédia avec sources : Current Biology, Cell Press, Harvard University.
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