La littérature est encore largement dominée par les hommes, explique Isabelle Boisclair, professeure en études littéraires et culturelles à l'Université de Sherbrooke (Québec) sur le site La conversation.
Les femmes sont sous-représentées à tous les niveaux : dans la sélection des manuscrits, l'attribution de bourses et de prix et l'attention médiatique.
L'étude a été menée pour le compte de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois et a bénéficié du soutien financier du Réseau québécois en études féministes.
La professeure et Charlotte Comtois, doctorante en études littéraires et culturelles, ont dressé un portrait de la place occupée par les femmes et les hommes dans la saison littéraire 2017-2018.
Autant de femmes soumettent des manuscrits
Alors qu’une des raisons souvent évoquées pour expliquer la sous-représentation des femmes est qu’elles seraient moins nombreuses à soumettre des manuscrits, les informations recueillies auprès de neuf éditeurs ayant accepté de recenser les manuscrits reçus montrent que les femmes soumettent autant de manuscrits (48,8 %) que les hommes (48,3 %).
« Ainsi, c’est proportionnellement au poids qu’elles ont dans la population que les femmes se présentent à ce premier tourniquet d’entrée. Encore que : on peut aussi rappeler qu’elles sont plus nombreuses à étudier dans les programmes universitaires de littérature.
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Les hommes sont avantagés dès cette première sélection
Les catalogues des neuf éditeurs sondés comportent 54,3 % de publications masculines contre 37 % de publications féminines.
Le même déséquilibre est constaté dans un corpus plus large, composé de 40 maisons d'édition : les catalogues sont composés de 51,1 % d’œuvres écrites par des hommes contre 39,9 % écrites par des femmes.
Moins d’argent, moins d’attention médiatique
« Nous ne savons pas si les femmes déposent davantage ou moins de demandes d’aide à la création que les hommes auprès des conseils des arts du Québec et du Canada. Quoi qu’il en soit, elles reçoivent davantage de bourses que les hommes (57 % contre 43 %). Toutefois, ces dernières sont moins importantes (9 155 $ en moyenne pour les femmes contre 12 075 $ pour les hommes). De même, si elles sont pareillement récompensées par des prix littéraires (48 % des prix remis aux femmes contre 49 % aux hommes), ceux-ci sont moins bien dotés : elles reçoivent des bourses de 4 691 $ en moyenne contre 10 966 $ pour les hommes.
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« Au chapitre de la réception critique, l’asymétrie entre les hommes et les femmes est flagrante : sur un corpus de 1 312 articles provenant de magazines littéraires et de journaux, 57,5 % sont consacrés aux œuvres écrites par des hommes, contre 36,8 % aux œuvres écrites par des femmes (les œuvres mixtes récoltant 5,6 %).
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Critique littéraire dominée par les hommes
« Ces chiffres ressemblent beaucoup à ceux des signataires des articles : ils sont rédigés par des hommes dans une proportion de 59,8 %, contre 39,8 % par des femmes. La critique littéraire est donc dominée par les hommes, lesquels favorisent largement les hommes. En effet, ces derniers consacrent 63,8 % de leurs articles à des hommes contre 30,6 % à des femmes, tandis que celles-ci consacrent 47,9 % de leurs articles à des hommes, contre 46,2 % à des femmes. Il est notable que l’approche des femmes en cette matière affiche une égalité quasi parfaite.
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Biais sexiste dans les termes employés pour décrire les œuvres
« Enfin, une analyse des termes employés pour parler des œuvres et de leur auteur·e confirme, si besoin était, la persistance d’un biais sexiste dans l’évaluation des œuvres : pour parler des œuvres écrites par des hommes, les mots “brillant, dense, génial, grandiose, intelligent, magistral, puissant, remarquable et riche” reviennent le plus souvent, tandis que du côté des femmes et de leurs œuvres, ce sont les mots “délicat, juste et sensible”…
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Moins de femmes dans les instances décisionnelles
S’il en est ainsi, estime Mme Boisclair, c’est qu’on ne les invite pas à parité à faire partie des comités de sélection – de manuscrits, de prix – ainsi que des équipes de rédaction. « Également parce qu’il subsiste toujours, en chacun et chacune de nous, un biais favorisant les hommes.
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« Idéalement, un observatoire de la parité en culture colligerait des données de façon continue et sur un long terme. Autrement nous sommes condamnés à refaire ponctuellement de telles recherches, nécessairement partielles, qui ne couvrent qu’une période restreinte. (...) Un tel organisme pourrait également instaurer des politiques visant la parité.
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Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.
Psychomédia avec sources : La conversation, UNEQ.
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