Les dérives sectaires constituent un risque sérieux dans le domaine de la santé.
Quelles formes empruntent-elles ? Quelle est l’ampleur de ce phénomène en France ? Peut-on les prévenir ? L'Inserm fait le point dans un article publié dans le prochain numéro de son magazine.
« Près de 30 % des Français, soit 1 sur 3, considèrent que la santé est un domaine menacé par les dérives sectaires : c’est la conclusion d’une enquête publiée en janvier 2022 par l’Union nationale de défense des familles et de l’individu et l’institut de sondage Odoxa, menée auprès de 1 006 adultes
», rapporte un communiqué de l'Inserm publié le 4 avril.
Ces craintes sont plus importantes encore dans le domaine de la religion (74 %) et du développement personnel (50 %).
Entre 2019 et 2020, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a recueilli 730 saisines (38 % de l'ensemble des signalements) touchant à la santé.
L'emprise
Selon la Miviludes, une dérive sectaire se caractérise par « la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre ».
Dans le domaine de la santé, ce danger est favorisé par « la souffrance ou l’inquiétude liées à une maladie, et la confiance accordée au “soignant”. Lesquelles fragilisent le patient et l’exposent au risque qu’un pseudothérapeute en profite pour exercer une emprise sur lui », précise Bruno Falissard, psychiatre et directeur du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Villejuif.
Sous emprise, «
le patient peut non seulement se voir soutirer une somme importante, subir des violences sexuelles, et rompre les liens avec ses proches, mais aussi – dans des domaines plus spécifiques au champ de la santé – perdre des chances de guérison en renonçant à des soins éprouvés», ajoute-t-il.
Les médecines alternatives
Le risque de dérives sectaires peut concerner tous les types de soins, y compris ceux dispensés par des praticiens formés à la médecine académique, souligne le communiqué de l'Inserm.
Cependant, « ce risque est majeur dans le domaine des médecines alternatives
», précise souligne Bruno Falissard, qui a coordonné plusieurs rapports thématiques de l’Inserm sur ces pratiques. L'Inserm mentionne quelques exemples : acupuncture, hypnose, ostéopathie, sophrologie…
«
En plus d’être mal évaluées, voire pas du tout, ces approches ne sont pas réglementées, ni standardisées. Résultat, n’importe qui peut se prétendre thérapeute et appliquer des idées ou protocoles de soin plus ou moins fantaisistes. Ce qui accroît le risque d’emprise.»
« D’après la Miviludes, il existe désormais plus de 400 pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique ; et 4 Français sur 10 y recourent, dont 60 % parmi les malades du cancer.
»
L'évaluation des approches alternatives
En octobre 2021, Grégory Ninot, co-directeur de l’Institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique à Montpellier a lancé la Société savante des interventions non médicamenteuses (1) chargée de faciliter l'intégration de médecines alternatives dans le système de santé quand elles s’avèrent efficaces, et de les distinguer des pratiques à risque sectaire – « comme l’iridologie, qui vise à évaluer l’état de santé d’une personne par l’examen de son iris, ou la sylvothérapie, qui propose de se soigner au contact des arbres. Considérées comme des médecines douces par le grand public, elles n’ont pas bénéficié d’études cliniques visant à évaluer leurs bénéfices et risques
».
De son côté, Samir Khalfaoui, conseiller santé à la Miviludes, plaide pour la réactivation, par le ministère de la Santé du Groupe d’appui technique sur les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique qui impliquait l’Inserm. Créé en 2009 et dissout en 2020 (suite à un décret sur la suppression des commissions administratives à caractère consultatif), « ce groupe a rendu d’excellents travaux sur l’évaluation de ce type d’approches », commente-t-il.
En attendant que la recherche avance, « il faut se méfier des praticiens qui facturent des sommes importantes, dénigrent les traitements proposés par le médecin traitant et/ou poussent à couper les liens avec le système de santé ou les proches », conseille Bruno Falissard.
Depuis 2010, l’Inserm a produit « 12 rapports thématiques évaluant l’efficacité et les risques de plusieurs pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique : mésothérapie, chiropratique, décodage biologique, ostéopathie, auriculothérapie, acupuncture, jeûne, hypnose, kinésiologie, étiopathie, cryothérapie du corps entier et sophrologie. Souvent ces documents concluent à un faible niveau de preuves d’efficacité selon les critères de la recherche médicale, mais aussi au manque de travaux dans ces domaines.
»
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Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.
(1) Non-Pharmacological Interventions Society (NPIS).
Psychomédia avec source : Inserm.
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